Les rumeurs, qui pouvaient bien être vraies, faisaient état d’une collection de plus d’un million de parchemins et de codex. Le monde n’avait jamais connu pareil entrepôt de connaissance et de culture.
Et soudain, autour du sixième siècle après Jésus-Christ, tout disparut.
Ce mystère, aucun historien, aucun universitaire n’avait jamais pu le percer. Beaucoup de théories étaient nées sur ce qu’il était advenu de la bibliothèque. Mais ce n’étaient que des théories, des spéculations. La seule certitude : la plus grande compilation de savoir humain avait cessé d’exister. Toute la connaissance et le pouvoir qu’elle détenait étaient perdus. La bibliothèque avait disparu.
Lycéenne dans son Ohio rural, c’étaient ses professeurs qui avaient éveillé chez elle la flamme dans son esprit d’adolescente. Elle avait aimé les sciences parce qu’un de ses profs de collège aimait les sciences, et l’art parce que son prof de lycée lui avait montré qu’elle pouvait s’épanouir avec cette matière. Si elle regardait en arrière, elle n’arrivait pas à savoir si ces sujets lui avaient plu pour eux-mêmes ou parce que l’enthousiasme des enseignants avait été contagieux. Mais c’était précisément cela qui avait fait naître en elle cette envie de transmettre le savoir.
Même pour le scientifique le plus féru, les contours de ces temps reculés restaient vagues et mystérieux, la frontière entre légende et réalité, impossible à déterminer avec assurance. Peu s’y attardaient, parce que ce domaine reposait principalement sur des hypothèses et des spéculations, et les universitaires hésitaient à jouer avec des outils de cet ordre. La recherche historique se base sur des faits, et les faits concrets sur la bibliothèque d’Alexandrie manquaient sévèrement.
Entre la montée de l’antipaganisme chrétien aux quatrième et cinquième siècles, et l’arrivée de l’islam avec ses armées au sixième siècle, notre bibliothèque subissait un climat fort instable. La connaissance que nous possédions et le matériel que nous avions collecté devenaient l’objet d’envie ou de haine de trop de cultures et de trop de pouvoirs. Nous le savions, la laisser en libre accès la mettait en danger.
La connaissance a une vie, et du pouvoir, si tant est qu’elle soit préservée de l’oubli humain.
La redondance, c’est la garantie que vous pensez ce que vous dites. La première fois, ça a pu être par accident. La deuxième, une coïncidence. Mais, quand un homme se répète pour la troisième fois, c’est qu’il est certain de ce qu’il avance.
La connaissance n’est pas circulaire. L’ignorance l’est, en revanche. La connaissance s’appuie sur l’ancien, mais s’oriente vers la nouveauté.
Les dirigeants sont censés être inébranlables, et il comptait bien assumer son rôle.
C’est dans la maîtrise qu’un vrai chef est le plus féroce, le plus effrayant.
Dans la mort, même nos plus virulents adversaires dérapent.