Ab. Blackwood

— Tu vas vraiment rester de mon côté même si tu n’as plus aucune chance de me toucher ou de me boire ?
Draven incline la tête. Il me contemple de bas en haut, puis opine.
— Oui. Je recule d’un pas, me cogne les reins au plan de travail.
— Mais qu’est-ce que tu y gagnes, à la fin ?
— Rien. Te voir vivante, c’est tout. J’ai choisi au moment où je t’ai libérée du manoir. J’ai choisi au moment où j’ai trouvé le cadavre de mon cousin. Je t’ai choisie, Selena. Contre mon père. Contre ma nature de vampire. Je t’ai choisie. Que tu te donnes à moi ou non n'a pas d’importance. J’ai fait mon choix et je ne changerai pas d’avis. .

— Fais-moi confiance, murmure-t-il. Faire confiance à son bourreau. Il faut être malade. Pourtant, quelque part, j’ai confiance en lui. Plus qu’en n’importe qui. Je suis folle

— D'accord. Mais dis-moi si nous sommes en danger ? Parce que là, tu me fais peur. Et Marcellus aussi, dis-je sans tricher, pour évaluer sa réaction à mon attaque frontale.

Caleb perd de sa superbe lorsque je prononce le mot « peur ».

— Je te l’ai dit, Elisa, me répond-il avec sérieux. Il n’y a pas de raison d’avoir peur. Il n’arrivera rien que tu n’aies accepté.

Valentina déglutit afin de chasser les relents d'alcool de son palais.
La bouche pâteuse, les paupières brûlantes, elle émergea avec difficulté de son sommeil diurne. Sous sa jour, une trace de salive maculait le coussin ardoise du canapé.
à travers les larges baies vitrées du salon, la lumière de fin d'après-midi aveuglait la jeune femme et elle cligna plusieurs fois des yeux. Devant elle, sur la table basse, la bouteille de vin rosé vide ainsi que le verre à pied sale témoignait de la dégringolade de son existence.
Ce qui l'étonna d'abord était l'absence de cris. [...]
Le silence pesait dans la maison.
Pourquoi ne criait-il pas ? Pourquoi n'était-il pas réveillé de sa sieste ? [...]
- Hugo ? appela-t-elle en s'engouffrant dans la chambre bleue et blanche de son petit garçon.
Elle se figea, tandis que le chien s'agitait  dans la pièce, la truffe collée à la moquette.
Son fils n'était pas dans son lit.
Disparu.
Son bébé avait disparu.

— Je rêve ! Crétin de troglodyte ! je trépigne avant d’enfoncer le casque sur ma tête, ruinant au passage les ondulations que j’ai pris tant de soin à faire quelques heures plus tôt.
— C’est quoi un troglodyte ?
— Un homme des cavernes. Ouvre un dictionnaire entre deux tabassages de pauvres types, je grinche tout en remontant ma jupe.
Les yeux sur mes jambes, Liam rit. D’un rire à la fois adorable et satisfait. Je lui renvoie un regard glacial, puis escalade son immense moto, me cale derrière lui.
— Accroche-toi, m’intime-t-il.
— Est-ce que j’ai le choix ? fais-je alors que je passe mes mains tremblotantes autour de son torse.
— Non. C’est déjà trop tard. Tu es prise au piège, Ruby Hamilton, plastronne-t-il tandis que le sourire que je détecte dans sa voix s’efface dans le rugissement du moteur.

Je ne comprends pas pourquoi tout le monde veut absolument se caser. La vie est tellement belle quand on est un mec beau, jeune et célibataire. Et riche, par-dessus le marché. Pourquoi je me limiterais à un petit cul alors que je peux en avoir un nouveau chaque soir dans mon plumard ?

Tandis que nous laissons derrière nous l’attraction, l’évidence me frappe : je commence à l’aimer. Pas juste à être attirée ou sous le charme. Pas juste touchée. Pas juste sécurisée. Pas juste troublée. Non, je commence à tomber amoureuse. À l’aimer. Profondément.

Ce que j’éprouve en sa présence me donne le vertige. Il y a quelque chose de l’ordre de l’immédiat, une évidence. Quelque chose qui est plus fort que la raison et le bon sens. Quelque chose d’irrémédiable. Malgré la peur. Malgré l’angoisse. Malgré l’incertitude.

Je me souviens que je désire cette fille à un point inimaginable. Que c’est quelque chose de l’ordre du primal, quelque chose de l’ordre de l’instinct. Aucun lion ne peut résister à l’appel d’une biche et alors, je ne lutte plus. Je ne lutte plus du tout.

Dans le miroir, j’observe la fille qui porte désormais une couronne.
— Dis-lui adieu, susurre Víctor au creux de mon oreille.
— Quoi ? pâlis-je alors qu’il pose ses larges mains sur mes épaules.
— Dis adieu à la baby-sitter.
Mon regard rencontre le sien à travers la glace. Je retiens ma respiration. Lentement, Víctor fait glisser ses mains sur mes bras, puis noue ses doigts aux miens. Je m’adosse à son torse, m’appuie, incapable de prononcer la moindre parole.
— Tu es une reine, Liliane. Ma reine.
— Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ? je chuchote alors que le sang déserte toujours mes joues.
— Tu l’as dit. Tu es à ta place avec moi.