Car amors est moult grief chose
Quant l’en ne fait riens et repose
Et qui s’en veult bien delivrer,
Il ne doit mie reposer
Jamais vous ne tirerez avantage du mort,
Prenez votre plaisir avec le vivant ;
Dans le mort il n’est point de recours :
Faites du vivant ce qu’il vous plaira.
Fou qui se prive ainsi pour un mort ;
La chose est avérée, je l’ai entendu dire :
Il faut que le mort se tienne avec le mort,
Le vivant avec le vivant, voilà la consolation.
« Cuidoit que homme mortel soit,
Mais ce estoit le dieu d’amor
Qui moult l’a misse en grant freour.
Quant el le baisse estroitement,
De la flambe d’amor l’esprent ;
Il li transperce le corraige,
Par la bouche li met la raige.
La mesure gouverne toutes choses :
Ni bien ni mal ne dure toujours ;
Fortune tourne en très peu de temps,
Tel rit le matin qui le soir pleure.
L’Enéas amoureux représente bel et bien une invention médiévale : l’on assiste à la métamorphose d’Enée, puisque le héros découvre les surprises et les tourments de l’amour ovidien avec Lavine.
-Introduction d'Aimé Petit-
Qui pénètre en terre étrangère
Pour acquérir avantage et profit
Ne peut accéder à la puissance
S’il ne peut supporter les vicissitudes de l’existence.
Mais s’il endure un peu l’infortune,
Sans avoir tout ce qui lui plairait,
A mon avis, il appréciera mieux
Le bonheur quand il l’obtiendra.
Qui sages est nel doit celer,
ainz doit por ce son senz moutrer
que quant il ert dou siecle alez
touz jors en soit mes ramenbrez.
Se danz Omers et danz Platons
et Virgiles et Quicerons
leur sapïence celissant,
ja n'en fust mes parlé avant.
Pour ce n'en veul mon senz tesir,
ma sapïence retenir,
ainz me delite a raconter
chose digne por ramenbrer.
Or s'en tesent de cest mestier,
se ne sont clerc ou chevalier,
car aussi pueent escouter
conme li asnes a harper.