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Citations de Aïssa Maïga (69)


Je suis allée à de nombreux castings où on me demandait de prendre un accent africain, de tchiper, de porter des boubous souvent, même quand il n'y avait pas d'indication de cette nature dans le scénario. Si j'étais d'origine italienne, me ferait-on constamment interpréter des personnages en roulant les r avec un accent italien surfait ? Finalement, pour moi qui n'ai pas vécu en Afrique ni auprès de ma famille, jouer ces rôles revient à une vraie performance de comédienne !
(Sabine Pakora)
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Je suis née en France, je suis française, les classiques font partie de ma culture. Mais j'ai conscience que, quand j'interprète un personnage de Corneille, de Racine ou de Molière, cela brouille l'écoute des spectateurs, cela la noie. Car on se demande toujours pourquoi je suis là. Il faut sans cesse le justifier. Ma présence devient alors un acte politique. Même si ce n'est pas la volonté du metteur en scène, son choix devient un geste militant.
(Eye Haïdara)
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En France, lorsque je dis "un Blanc", les Français sursautent, alors que pourtant cela ne les dérange absolument pas de dire "le Noir", "le Renoi", "le Black", "le Quebla", "le Beur", ou encore "le Chinois", quand c'est un Japonais, et ainsi de suite.
(Magaajyia Silberfeld)
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Nous ne sommes pas que des primo-arrivants, migrants en difficulté, mères de famille affublées de tripotées d’enfants, il y a, parmi cette minorité non blanche, des avocats, des ingénieurs, des scientifiques, des directeurs d’entreprise, des artistes, pourtant la plupart des scénarios ne les incluent pas. À l’écran, être noir est perçu comme un handicap... davantage que dans la société et dans la vie quotidienne. Pourquoi le cinéma français intègre-t-il si difficilement cette évolution ?
Pourquoi est-on toujours perçu comme un être pittoresque dépeint par l’anthropologie du début du XXe siècle ?
(Sabine Pakora)
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À l’écran, j’ai la sensation d’avoir du mal à exister en dehors d’un imaginaire occidental qui me stigmatise ou me récupère. On me ramène à travers mes personnages à un autre territoire, à une autre histoire, une autre époque, dans lesquels je ne me retrouve pas. Je suis allée à de nombreux castings
où on me demandait de prendre un accent africain, de tchiper, de porter des boubous souvent, même quand il n’y avait pas d’indication de cette nature dans le scénario. Si j’étais d’origine italienne, me ferait-on constamment interpréter des personnages en roulant les r avec un accent italien surfait ?
Finalement, pour moi qui n’ai pas vécu en Afrique ni auprès de ma famille, jouer ces rôles revient à une vraie performance de comédienne ! Mais personne ne s’en rend compte, comme si c’était là tout
ce qu’il y a de plus naturel.
Si je n’acceptais pas ces personnages, concrètement, je ne travaillerais pas en tant que comédienne. Mais en m’y résignant, j’ai parfois l’impression de renoncer à moi-même, de renier mon identité contemporaine.
(Sabine Pakora)
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J’incarne aujourd’hui principalement des personnages envisagés comme des métaphores de la marginalisation au travers de femmes migrantes aux statut et conditions socio-économiques particulièrement difficiles : des prostituées, des femmes sans papiers, des marâtres cupides
malintentionnées, des femmes africaines à l’humeur joviale, folkloriques, ridiculisées. Je joue toutes les déclinaisons possibles de la mama et de la putain africaines ; des personnages hauts en couleur sans capital intellectuel ou économique. Mama, Fatou, Alimata, Fanta... Mes personnages construisent une image de l’autre purement exotique. Ils apparaissent comme des parenthèses anecdotiques : ils représentent des instants de respiration, de relâchement soudain, où s’exprime une truculence exacerbée, comme un clown personnifié qui apparaît et canalise les tensions, les angoisses, les peurs et les pulsions. Ces personnages sont systématiquement en surreprésentation physique : couleurs flashy, coiffures exubérantes, explosives, et en même temps ils sont complètement absents, car on ne sait pas grand-chose d’eux, de leur histoire.
Pour avoir assisté à des projections publiques de films dans lesquels j’avais pu jouer, je ressens parfois un gros malaise autour de la question du rire, quand toute la salle composée d’un public dans un entre-soi blanc s’esclaffe comme pour « se foutre de la gueule de ce qu’on pourrait appeler un
indigène ». Je perçois à mon insu (j’imagine peut-être) comme un relent d’un certain « humour colonial » à cet endroit en particulier. Ce serait comme un rire qui me précède et me ramène dans un passé plutôt douloureux, un passé qui n’est pas passé. Je me demande alors : « Est-ce que le public rit de moi, se moque de moi, de mon image, à travers ces personnages, ou est-ce qu’il rit avec moi en reconnaissant mes compétences d’actrice?
(Sabine Pakora)
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C’est fou comme une présence noire au théâtre doit obligatoirement « avoir » ou « donner du sens ». Je me suis vu refuser le rôle de Lady Macbeth parce que, ce personnage étant l’incarnation du mal, il ne peut être interprété par une femme noire sans risquer de rendre la pièce manichéenne, voire raciste. L’enfer est pavé de bonnes intentions...
Au cinéma ou à la télévision, ironiquement, on ne m’a pas tant refusé des rôles parce que j’étais noire, mais parce que je ne l’étais pas assez. Les rares fois où on recherche une femme noire, c’est pour raconter une migration tragique, la précarité ou la banlieue délinquante. Pour tous les autres
rôles, s’il n’est pas spécifié par le scénariste qu’il s’agit d’une femme noire, les directeurs de casting qui penseront à nous sont très peu nombreux. Pour un rôle de médecin, par exemple, on n’est pas appelées. Cela dit, mon amie blonde de 1,80 m elle non plus n’est jamais approchée pour ce genre de rôles, qui semblent être réservés aux hommes mûrs, barbus et grisonnants... L’Inconscient Collectif a créé des archétypes qu’il est difficile de contourner. Les films d’époque aussi nous sont interdits, parce que, encore une fois, l’Inconscient Collectif ne peut se représenter une présence noire sur le territoire français avant les années 1980.
À moins que ce ne soit une prostituée. C’est le seul genre de rôle où être noire est recommandé ! Même en figuration, vous remarquerez, si la scène se passe dans une boîte de striptease ou un bordel, vous verrez toujours passer des silhouettes noires... parce que l’Inconscient Collectif
(toujours lui) est persuadé que la femme noire est hyper-sexuée, lubrique et ludique, libre sexuellement. Le corps de la femme noire est un éternel fantasme. À moi donc tous les rôles de maîtresses, coups d’un soir, voisines tentatrices, go-go danseuses, charmeuses de serpents et
dompteuses de fauves... Dans les didascalies, d’ailleurs, les personnages qu’on me propose serontsouvent qualifiés de « féline », « au port de gazelle » et « démarche de panthère ».
Comme me l’avait fait remarquer un directeur de casting un jour : « En tant que femme noire, dans ce métier, il faut être soit Whoopi Goldberg (drôle, au physique de faire-valoir), soit Halle Berry (mais la Halle Berry d’Opération Espadon, qui sort de l’eau ruisselante, en deux-pièces, pas celle,
oscarisée, d’À l’ombre de la haine). »
Alors, c’est ça ou bien les miséreuses heureuses. Je me souviens de mon premier rôle au petit écran. J’étais tellement fière. Pour ma première apparition, je portais une petite robe évidemment très
colorée (« Oh, vous les blacks, vous pouvez tout porter ! ») et je passais le balai, pieds nus, en chantonnant, heureuse. J’en ai honte aujourd’hui.
On nous propose peu de rôles donc et parmi eux il y a tous ceux que je refuse de jouer parce qu’ils continuent de véhiculer des clichés dévalorisants. « La seule chose qui différencie la femme de couleur de toute autre personne, c’est l’opportunité. » Qui n’a pas été ému en entendant ces mots de l’actrice Viola Davis, qui remportait l’Emmy Awards de la meilleure actrice en 2016 ? Un jour, un patron de chaîne m’a dit : « Nous n’avons pas de Kerry Washington en France. » C’est faux, monsieur, nous sommes de nombreuses actrices de couleur et talentueuses, mais on nous offre si peu l’opportunité de le démontrer.
(Sara Martins)
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Ce public au nom duquel on efface de l’histoire les acteurs à la peau sombre est celui que je croise dans le métro, dans la rue, les cafés. Si les gens ne s’enfuient pas en courant en me voyant, alors pourquoi le feraient-ils en m’aperçevant sur une affiche de cinéma ? Je ne comprends toujours pas
pourquoi « le public », prêt à se déplacer au cinéma pour Will Smith ou Denzel Washington, ne pourrait souffrir de voir Mata, Nadège, Ériq, Alex, Aïssa, Édouard, Firmine, Sonia, Diouc, France, Mouss, Hubert, Maïmouna, Lucien, Fatou, tous noirs ou métisses... mais français ? De quelle nature
est la différence entre un Noir des États-Unis et un Noir venu d’Afrique, d’outre-mer, ou encore néici ? Sommes-nous finalement trop français pour des Noirs ?
(Aïssa Maïga)
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Parce que, pendant des siècles, cette couleur de peau était aussi celle des esclaves, des colonisés, parce qu’elle reste un fantasme exotique ou qu’elle renvoie à une classe sociale pauvre, il faudrait qu’elle raconte encore et toujours cela au cinéma. Il est temps de s’affranchir des chaînes et autres
cloisons mentales. Sur l’écran blanc de mes nuits noires, je garde malgré tout la force de m’imagine que bientôt je pourrai, nous pourrons, défendre n’importe quel personnage et même le Petit Chaperon rouge parce que l’humour yiddish est éternel.
(Rachel Khan)
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Grâce au cinéma, je sais maintenant qu’il y a des métiers, des sentiments, des histoires pour lesquels je ne serais pas faite, qui ne me concerneraient pas. Grâce au cinéma, je sais désormais que je suis noire donc pas crédible en avocate, moi qui me la suis tapée, la rue Soufflot, pendant des
années.
(Rachel Khan)
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Ça se passe ici en France « sans entendre aucun bruit ». Parce que Noire, je devrais devenir infidèle à mes sens, passer le balai avec un accent en offrant mon cul, qui a le rythme dans la peau, à tous les passants au moment où le héros du film court dans la rue. Nous sommes en 2018 et si je fais le bilan de tout ce qui a pu m’être proposé, seuls 10 % des rôles que j’ai joués m’ont permis d’exprimer mon travail hors des clichés délétères. « Sans entendre aucun bruit », avec ma couleur de peau, je ne corresponds pas à ce qu’il faut raconter. Alors, je suis rayée, effacée, gommée. Quelle ironie du sort pour une fille d’enfant cachée !
(Rachel Khan)
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Mon agent me rappelle. Mince, cette fois j’ai été super, mais on ne peut pas me prendre parce qu’il y a déjà un rôle où le personnage est coiffé en afro dans le film. On ne peut pas être deux. Effectivement c’est dommage, ils ont raison de respecter la jurisprudence Hortefeux pour les coiffures afro. « Il en faut toujours un. Quand il y en a un, ça va. C’est quand il y en a beaucoup qu’il y a des problèmes... » Moi-même, lorsque je vois des actrices dans les films avec la même coiffure aux cheveux raides, coupe au carré ou queue-de-cheval, je n’arrive pas à les distinguer, ce qui me perturbe, et je dois me concentrer beaucoup pour suivre l’histoire, alors je comprends bien sûr.
(Rachel Khan)
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En casting, pour les incontournables rôles de putes ou de femmes de ménage, on me demande de faire un accent qui aille avec cette couleur (ou avec ce rôle ?). J’aimerais bien dire à la directrice de casting que la couleur de ma peau vient de l’histoire de France, de la Shoah, de la décolonisation, de l’immigration, de l’égalité et des droits fondamentaux, des Lumières... Que j’habite comme une reine à Saint-Germain-en-Laye à côté du berceau de Louis XIV, mais on n’a pas le temps. On n’a jamais le temps.
(Rachel Khan)
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Les premiers castings tombent. Au fil des projets, je me rends compte que quelque chose cloche dans les rôles qui me sont proposés. Ce n’est pas ce que j’attendais, mais étant nouvelle dans le métier, je me dis qu’il y a peut-être des façons de faire, des codes que je n’ai pas, des échelons à gravir. Je me tais. J’observe les propositions qui se ressemblent toutes. Après le nom du personnage qui s’appelle Fatou à 65 %, il est précisé qu’elle est noire ou métisse selon la lumière. Jusqu’à présent, je n’avais jamais vu ça. Aucune pièce de théâtre, aucun scénario de film ne détermine que certains rôles sont pour les Blancs. Peut-être qu’être blanc va de soi ? Peut-être que je ne suis pas normale et qu’il faut alors le préciser ?
collectivité territoriale est un formidable moyen d’apprendre tous les rôles, de toutes les classes
sociales, dans tous les domaines, tous les défis, les besoins, les enjeux, les histoires publiques ou
intimes. Je regarde et apprends. Il y aurait tant de films à faire, tant de personnages à construire pour
donner du sens et l’envie à tous de faire bouger les lignes.
C’est alors qu’un jour, au beau milieu de mon rôle de conseillère, la prophétie de Victor Hugo se
réalisa. J’ai rendez-vous avec le producteur Dominique Besnehard et Élisabeth Depardieu qui est à
la tête d’un dispositif d’accompagnement aux jeunes comédiens et réalisateurs. Pendant plusieurs
sessions de travail, je ne dis rien sur mon secret. J’en ai presque honte. En France, on ne mélange pas
tout. Je suis dans un cadre professionnel, dans une case politique, c’est mon rôle et j’y reste.
Dominique Besnehard et moi nous nous apprivoisons et lors d’un déjeuner c’est lui qui me suggère de
jouer parce qu’il trouve que cela m’irait bien.
J’aurais aimé lui dire que jouer ne me va pas bien pour la simple et bonne raison que jouer c’est ce
que je suis. Mais je n’ai rien dit par respect pour le rôle de conseillère que je tiens.
Le cœur gonflé à bloc, j’appelle la sœur d’un ami du hip-hop qui est agent. Elle accepte de me
prendre sous son aile.
Les premiers castings tombent. Au fil des projets, je me rends compte que quelque chose cloche
dans les rôles qui me sont proposés. Ce n’est pas ce que j’attendais, mais étant nouvelle dans le
métier, je me dis qu’il y a peut-être des façons de faire, des codes que je n’ai pas, des échelons à
gravir. Je me tais. J’observe les propositions qui se ressemblent toutes. Après le nom du personnage
qui s’appelle Fatou à 65 %, il est précisé qu’elle est noire ou métisse selon la lumière. Jusqu’à
présent, je n’avais jamais vu ça. Aucune pièce de théâtre, aucun scénario de film ne détermine que
certains rôles sont pour les Blancs. Peut-être qu’être blanc va de soi ? Peut-être que je ne suis pas
normale et qu’il faut alors le préciser ?
Mal à l’aise, mais ne voulant pas me montrer parano, je me tais encore et réfléchis parce qu’il faut toujours se remettre en question à cause de l’ego des actrices. Peut-être que les Noirs font des choses spécifiques ? Ils ont peut-être des attitudes, une manière de parler ou d’être qu’il faut bosser ? Personne ne m’a jamais dit que j’étais noire. J’ai peur de demander à mon père. Mais, si c’est le cas, ça doit venir de lui, j’en suis sûre, c’est génétique ces trucs-là.
Perdue, je perds pied. Pour le cinéma, je suis noire, même pas métisse mais noire, ce qui implique certaines choses que je n’avais pas du tout anticipées. Est-ce qu’il y a un coach sur Paris spécialisé dans les rôles de Noires ? Qui pourrait me faire bosser l’aspect afro des personnages pour plus de crédibilité ? Y a-t-il des émotions à ne pas ressentir ?
(Rachel Khan)
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Il y a quelques années je me souviens qu’on s’était mises d’accord avec plusieurs comédiennes : quand il n’était pas spécifié qu’un rôle était pour une actrice noire, on envoyait nos candidatures. On postulait pour des rôles où on ne nous imaginait pas. Certains directeurs de casting en prenant plus de pouvoir parfois nous imposaient. Il fallait oser y penser, essayer. Notre présence ne doit pas être vue comme un acte de revendication. Un acteur n’a qu’une seule vocation, celle de jouer. Les revendications, les actes politiques sont dans les sujets, les choix, les textes que nous défendons.
Les choses évoluent aujourd’hui et, peu à peu, ce n’est plus prendre un risque que de choisir un acteur noir, c’est juste un choix. Surtout lorsqu’on a du succès et le pouvoir de l’imposer sans être
questionné. Et c’est à cette « banalisation » que je souhaite arriver.
(Eye Haïdara)
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Je suis née en France, je suis française, les classiques font partie de ma culture. Mais j’ai conscience que, quand j’interprète un personnage de Corneille, de Racine ou de Molière, cela brouille l’écoute des spectateurs, cela la noie. Car on se demande toujours pourquoi je suis là. Il faut sans cesse le justifier. Ma présence devient alors un acte politique. Même si ce n’est pas la volonté du metteur en scène, son choix devient un geste militant.
(Eye Haïdara)
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Mon corps ne peut pas se courber sous le joug des convenances, de la peur, du regard de l’autre. Il est loin d’être docile, alors prenez-le tel qu’il est. Je ne veux plus avoir à convulser tellement je suis remplie de sanglots et j’aimerais bien ne plus être esquintée, ne plus être au garde-à-vous mais être, tout simplement. Être moi, femme noire, comédienne et noire. Pas black, non, ça aussi, c’est encore un moyen de contourner les angles. Droit au but ; balle au centre cocorico. On est en France, non ? On y parle français ? C’est bien ça ? Eh bien, soyons cohérent alors : je suis noire. N’ayez pas du mal à le dire, car cela devient louche à la fin...
(Maïmouna Gueye)
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Peut-on être libre alors que ce métier qui se dit humain, familial, ne reconnaît pas ses enfants quand ils sont différents ?
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Et encore et toujours les mêmes remarques ; certains journalistes oubliaient parfois
mes mots pour ne parler que de mon corps qu’ils avaient comme un besoin irrépressible de qualifier
d’« envoûtant » avec des « longues jambes comme des lianes », « une souplesse de gazelle »... Zut
alors, j’ai raté mon coup. Moi qui voulais être crédible... Je ne suis donc bonne qu’à ça ? Érotiser
ainsi mon corps, n’est-ce pas un moyen de me réduire à un objet silencieux, de l’anesthésier et
d’abîmer ainsi mon outil de travail, de voler ma candeur ? Quand cessera ce subterfuge intolérable ?
(Maïmouna Gueye)
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Je ne crois pas qu’il y ait une volonté affirmée de ne pas représenter toutes les catégories de femmes. J’observe plutôt l’absorption inconsciente d’une norme, d’une histoire coloniale qui façonne toujours nos esprits, trois générations après les luttes et guerres d’indépendance des pays
anciennement colonisés. Il y a là un terrible impensé. Que connaissons-nous de cette histoire commune ? La construction de la violence, de la barbarie coloniale, les massacres tus, la mémoire
piétinée, les symboles méprisés, les héros assassinés, les viols systématisés, les spoliations institutionnalisées... Les décennies d’immigration des populations africaines ou asiatiques, ou de
migration des ultramarins sont à opposer à l’image d’Épinal d’une France qui se vit souvent comme exclusivement blanche et ignore sa part de métissage, tant dans les manuels scolaires que dans les fictions qu’elle produit. Mensonge ou déni, le résultat est le même. Des franges entières de la population se sentent exclues ou méprisées.
Ces racines sont à observer avec calme et dignité, avec cette idée qui me tient à cœur qu’une nation s’honore en regardant son histoire en face, en dépassant les non-dits et en incluant dans son récit national toutes les composantes de la société. Cinéma, théâtre, télévision, citoyenneté,
politique... l’imaginaire social, miroir tendu à la nation, est une source qui nourrit ou détruit le lien social. Nous sommes irrémédiablement amenés à faire un choix.
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