Dans la vie, il y a ceux qui savent se donner des limites et il y a les bornés, qui n’en ont pas, de limites.
Je me suis assis sur la chaise et, après un long moment de silence, je me suis abandonné. J’ai dit, tout bas, qu’il fallait tout faire pour tirer ma mère de son enfer. Elle était mon histoire, mon père, ma mère, mon ange et mon démon.
Elle rouspète que je dois dormir si je veux guérir. Je le sais. Elle m’a dit cent fois que le sommeil fait partie de la thérapie mais j’aime la nuit quand elle me recrache mon pays, des visages, des noms, des rires, des chaos et des pleurs. J’aime jouer à cache-cache avec les fantômes de mes souvenirs. Et, j’aime pardessus tout retrouver la petite fille en jaune.
Je m’obstine encore, mais rien à faire, mes mots restent prisonniers de ma tête. De guerre lasse, je finis par renoncer et je joue avec mes souvenirs.
Les souvenirs, c’est amusant. Ca va, ça vient, c’est comme les vagues de la mer. C’est comme ça que les Sanchez me sont revenus. Sur l’Almanach des Postes punaisé au buffet en formica jaune de la cuisine, c’était l’année 1960.
Maintenant que papa est mort, est ce- ce qu’il y aura une place pour moi dans ton cœur ?
J’ai répondu qu’il y avait toujours eu une place pour lui dans mon cœur.
-Une place, une vraie, maman. Pas un strapontin.
Une merveilleuse histoire d'amour, entre Mohammed et sa fille, qu'il élève seul. Un roman sobre et intense à la fois, écrit avec beaucoup d'humour, ou la vie rêvée donne le pendant à la triste réalité.
Quelle horreur que cette guerre! Puis il se lève de son bureau. Machinalement, nous le suivons sans qu'il n'ait rien exigé de nous. Il ouvre son armoire, en sort une carte de l'Algérie qu'il suspend à deux crochets vissés au mur. Il y a du vert près de la mer, du jaune pour le désert et une grande bande rouge au milieu pour les hauts plateaux. Des noms aussi. Des noms arabes et français mélangés. Oran, Tlemcen, Mascara à gauche. Alger, Cherchel au centre. Dellys, Bougie et Djidjeli à droite. J'essaie de trouver Bousoulem, le village natal de Mon Père mais je me perds du côté de Ain Nasser. M. Robinson nous regarde un peu atterré et sans crier nous tonne : - A qui appartient ce beau pays?