Citations de Alain Arnaud (II) (63)
De retour au salon, les deux femmes revivent leur séjour en Norvège. Une croisière unique sur le navire côtier qui brasse touristes et autochtones dans sa lente remontée vers les limites du continent européen, à la conquête du Cap Nord.
La brise glisse sur ses joues et soulève des pollens de rêves flous, des étincelles d'espérance, entre illusions et sillages du possible.
Sur le côté, la tour Eiffel. Une grande soeur muette dont la renommée et la sagesse rassurent.
Les journées lumineuses glissent comme une rivière sur laquelle vogue leur envie de vivre ou de revivre.
Patiente et obstinée, elle écoute plus qu'elle ne se livre.
L'express côtier va rentrer ce soir dans le passage étroit du Trollfjord, un étrangloir où l'on peut presque toucher les parois sombres des deux bords, sentir les mâchoires de la montagne se rapprocher, avoir l'impression dominante que le navire est pris en étau entre les hauts murs déchiquetés où tournoient aigles et oiseaux de mer comme des charognards au-dessus d'une proie.
Tout autour, les bleus changeants des fjords et les gris souriants de la voûte céleste se mélangent puis se séparent, comme dans un jeu.
Elle peut voir sa cascade de cheveux blonds rivaliser avec celle des montagnes, plus tranchantes dans leur chute libre et d'une blancheur aveuglante.
Le célibat est son gage de tranquillité, son port d'attache à la condition de savoir repousser les hautes vagues de solitude.
Les êtres humains l'intéressent et l'intriguent à la fois. Le visage de chacun est un livre sur lequel défilent les pages de sa personnalité.
Elle est fière de la beauté qui rayonne de tout son corps, de ses formes, de son visage lisse et ses yeux aux couleurs miraculeuses, de sa chevelure d'or.
Au Cercle polaire, le soleil ne cligne plus de l'oeil. La lumière du jour prend ses quartiers d'été, engloutit l'horizon. Toutes les étoiles migrent vers d'autres nuits lointaines.
Elles refont leur chemin triomphant entre une myriades d'îles et d'archipels, comme si le pays nordique se désagrégeait sous leurs yeux en d'innombrables îlots pareils à des éclats de terre entre ciel et mer.
Sur ces terres extrêmes et glacées, la nature garde tous ses droits.
Au-delà du plateau offert aux intempéries s'ouvre le gouffre de la mer de Barents qui dévore les imprudents et les naufragés.
De là, une première excursion les a transportés, par un ruban vertigineux de virages, sur la route des Trolls qui s'enfonce dans les montagnes dont le soleil illumine les flancs enneigés. Une vision de sommets inaccessibles enroulés dans leur écharpe de blancheur. Et la route agit telle une fermeture éclair sur le vaste manteau blanc qui ne s'ouvre qu'en début d'été, entre les épaisseurs persisitantes de neige.
Les cascades aux chevelures argentées pleuvent des montagnes sur des centaines de mètres.
La cohésion du groupe se construit lentement par la magie du lieu et l'esprit de détachement associé aux vacances, lorsque les préoccupations et les habitudes de la vie quotidienne sont mises à l'écart.
Le luxe de la dame âgée se cantonne à la culture, à la lecture et à la fréquentation de connaissances de sa génération.
Un autre conseil l'a longtemps tourmentée : "Les hommes, c'est comme les pommes de mon pays, il faut les cueillir avec la queue."