Lecture par le comédien Didier Beni d'un extrait du roman "Le crime de l'express côtier", un "cosy roman" aux Editions Ex Æquo.
Peu à peu, le convoi s'étiole vers Konya, ponctionné par les voies de traverse. Le voyageur songe à la vie des chauffeurs de métier qui s'épuisent sur les routes avec un volant pour boussole. Bientôt, il laisse sur sa gauche les vestiges d'un caravansérail où les hommes trouvaient nourriture et repos sur la piste des Indes et des épices, derrière les hautes murailles aujourd'hui disloquées.
Sur ces terres extrêmes et glacées, la nature garde tous ses droits.
Un mince espoir le faisait encore rêver lorsqu'il songeait à la beauté modeste de Daphné, bien plus méritoire que le cliché flatteur de la princesse blonde, un mannequin dont l'âge aurait raison de la réputation.
Sa vie est un filet à grosses mailles : il laisse passer les soucis vers le large et ne retient que poissons et crustacés.
Le soleil s'incline lentement sur l'ouest tandis qu'à leurs pieds se dresse le "château" d'Uçhisar, une cheminée de fée géante criblée d'ouvertures, les traces d'anciennes habitations, de celliers à vin et de granges.
Le livre est un océan inépuisable. Les mots y sont à l'aise, agiles comme des poissons. Même celui qui ne sait pas nager peut s'y aventurer.
Patiente et obstinée, elle écoute plus qu'elle ne se livre.
La peur de l'inconnu est le propre de tout être vivant.
Il ouvre devant moi l'exemplaire neuf et en fait défiler fièrement les pages en papier bible comme on bat des cartes neuves. Les champs dorés à l'or fin renvoient leurs éclats lumineux comme autant de lucioles aux ailes lourdes de cuir. Une pyramide de mots enrobée d'or se dresse sur le mur comme une forteresse : un trésor mural qui berce dans son hamac les rêves nocturnes du capitaine.
En début d'après-midi, il traverse une étonnante tempête de couleurs plaquées à même le paysage comme des vaste toiles peintes. Sous la blancheur lumineuse du ciel surgit une large palette d’ ocre et de jaunes posés sur un relief chaotique, sur une matière douce que l'on caresserait volontiers tellement elle paraît avenante. Dans les vallées comme sur les hauteurs se dressent des cheminées de fées en sentinelle, enroulées dans leur manteau de tuff.