Citations de Alain Arnaud (II) (63)
Peu à peu, le convoi s'étiole vers Konya, ponctionné par les voies de traverse. Le voyageur songe à la vie des chauffeurs de métier qui s'épuisent sur les routes avec un volant pour boussole. Bientôt, il laisse sur sa gauche les vestiges d'un caravansérail où les hommes trouvaient nourriture et repos sur la piste des Indes et des épices, derrière les hautes murailles aujourd'hui disloquées.
Sur ces terres extrêmes et glacées, la nature garde tous ses droits.
Un mince espoir le faisait encore rêver lorsqu'il songeait à la beauté modeste de Daphné, bien plus méritoire que le cliché flatteur de la princesse blonde, un mannequin dont l'âge aurait raison de la réputation.
Sa vie est un filet à grosses mailles : il laisse passer les soucis vers le large et ne retient que poissons et crustacés.
Le soleil s'incline lentement sur l'ouest tandis qu'à leurs pieds se dresse le "château" d'Uçhisar, une cheminée de fée géante criblée d'ouvertures, les traces d'anciennes habitations, de celliers à vin et de granges.
Patiente et obstinée, elle écoute plus qu'elle ne se livre.
Le livre est un océan inépuisable. Les mots y sont à l'aise, agiles comme des poissons. Même celui qui ne sait pas nager peut s'y aventurer.
La peur de l'inconnu est le propre de tout être vivant.
Il ouvre devant moi l'exemplaire neuf et en fait défiler fièrement les pages en papier bible comme on bat des cartes neuves. Les champs dorés à l'or fin renvoient leurs éclats lumineux comme autant de lucioles aux ailes lourdes de cuir. Une pyramide de mots enrobée d'or se dresse sur le mur comme une forteresse : un trésor mural qui berce dans son hamac les rêves nocturnes du capitaine.
L'express côtier va rentrer ce soir dans le passage étroit du Trollfjord, un étrangloir où l'on peut presque toucher les parois sombres des deux bords, sentir les mâchoires de la montagne se rapprocher, avoir l'impression dominante que le navire est pris en étau entre les hauts murs déchiquetés où tournoient aigles et oiseaux de mer comme des charognards au-dessus d'une proie.
En début d'après-midi, il traverse une étonnante tempête de couleurs plaquées à même le paysage comme des vaste toiles peintes. Sous la blancheur lumineuse du ciel surgit une large palette d’ ocre et de jaunes posés sur un relief chaotique, sur une matière douce que l'on caresserait volontiers tellement elle paraît avenante. Dans les vallées comme sur les hauteurs se dressent des cheminées de fées en sentinelle, enroulées dans leur manteau de tuff.
Les journées lumineuses glissent comme une rivière sur laquelle vogue leur envie de vivre ou de revivre.
Sous la blancheur lumineuse du ciel surgit une large palette d'ocres et de jaunes posés sur le relief chaotique, sur une matière douce que l'on caresserait volontiers tellement elle paraît avenante.
Dans les vallées comme sur les hauteurs se dressent des cheminées de fées en sentinelles, enroulées dans leur manteau de tuf. La plupart portent une large coiffe de basalte qui leur donne un air de soldat débonnaire ou de porteuse africaine selon que le soleil les éclaire avec rudesse ou avec abandon.
Tout autour, les bleus changeants des fjords et les gris souriants de la voûte céleste se mélangent puis se séparent, comme dans un jeu.
Tout comme les longs bras des fjords retiennent la Norvège, l’empêchant de sombrer dans le gigantesque piège glaciaire du pôle Nord tendu par les trolls et leurs fantômes blancs, ou encore dans l’escarcelle de la Russie, elle se raccroche à son passé.
Prendre l'avion, partir et revenir, repartir de nouveau. Voilà sa vie en résumé.
La brise glisse sur ses joues et soulève des pollens de rêves flous, des étincelles d'espérance, entre illusions et sillages du possible.
Sur le côté, la tour Eiffel. Une grande soeur muette dont la renommée et la sagesse rassurent.
Elles refont leur chemin triomphant entre une myriades d'îles et d'archipels, comme si le pays nordique se désagrégeait sous leurs yeux en d'innombrables îlots pareils à des éclats de terre entre ciel et mer.