Pierre Gripari :[...] Je suis connu comme écrivain pour enfants, mais cela ne concerne qu'un dixième de mon oeuvre. Il me reste à faire connaître les neuf autres dixièmes, c'est-à-dire ma production pour adultes.
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Une bureaucratie, une fois constituée, ne disparaît pas d’elle-même.
La première gorgée fut grandiose. Un peu forte, un peu "piquante", mais admirable d'équilibre et de bouquet. Je regardais Gérard du coin de l'oeil. Il n'y a pas si longtemps, il s'était vanté de ne pas aimer le whisky. Mais la vieille taupe poursuit son chemin. La vérité finit toujours par sortir au grand jour. Il sembla apprécier. La deuxième gorgée, plus douce, plus arrondie, l'amena à formuler un doux aveu : il aimait. Dès lors, la béatitude s'empara de nous.
Quand on est cerné par le snobisme, la seule attitude digne est de créer le sien. Une de mes plaisanteries favorites, quand, dans une salle, je me trouve nez à nez avec de l’art conceptuel, c’est de me livrer, à haute voix, à un éloge de l’extincteur. Personne ne m’ôtera de l’idée qu’un extincteur rouge est une oeuvre d’art tout autant valable qu’un téléviseur diffusant une mire.
"Qui êtes-vous pour définir ce qui est beau et ce qui ne l'est pas ?", en traduction ;: "Le beau est dépassé".
Il n’y a pas si longtemps, les bourgeois s’offusquaient de l’impressionnisme, puis du cubisme, puis de l’abstrait. Comme on les regrette, les abstraits ! Ils peignaient encore en utilisant des toiles, avec des brosses, des pinceaux et, chose étonnante aujourd’hui, des couleurs.
Quant aux bourgeois, ils ont tellement la trouille de ne pas être dans le coup, qu’ils subventionnent à tout crin, et écoutent, avec recueillement, les créateurs les entretenir de leur « travail en cours », qui « met à jour les contradictions », « révèle les artifices », « détruit l’ordre ancien pour y substituer les nouveaux rapports scientifiques, techniques, sociaux, socioculturels, etc. », toutes affirmations d’ailleurs extrêmement vraies. Les nouveaux créateurs ont bien des défauts, mais ils sont francs comme l’or qu’ils ramassent.
Audiard perçoit que le monde moderne est dégueulasse et que, surtout, il sera de pire en pire: "le monde de demain...le kolkhoze fleuri" soupire l'ex-taulier (Bernard Blier) dans le Cave se rebiffe. C'est très exactement ça. Le monde actuel du politiquement correct, c'est l'Union soviétique moins la terreur de masse; même promotion généralisée des médiocres; même flicaille idéologique (la Police de la pensée d'Orwells); même vérité officielle, dogmatique.
La vieille démocratie ridée, sans cesse rafistolée, sans cesse liftée, a trouvé un truc, un bain de jouvence : la culture. La culture est la forme que prend la démocratie quand elle veut faire oublier ses bêtises, ses soldats morts pour rien, son chômage, sa lâcheté devant le crime et ses crimes devant le courage. La culture, c’est la liturgie des Droits de l’Homme, lesquels n’empêchent pas – pas plus que la prière – les massacres. La culture est un droit de l’homme. Et les droits de l’homme, évidemment, c’est une culture. Dans la tautologie, les démocrates font souvent mieux que Joseph Staline.
La culture et les Droits de l’Homme sont deux magnifiques noix, des noix d’honneur. Très belles à l’extérieur elles sont vides à l’intérieur. Les individus savent d’instinct, tout autant que d’expérience, que la culture et les droits vont à ceux qui les prennent et non à ceux qui attendent la distribution.
La Révolution française a mis au pouvoir, bien avant le profiteur culturel, le pédagogue. Désormais, l’Art sera accompagné d’un mode d’emploi qui permettra aux brutes de se cultiver en apprenant le résumé par cœur.
"ANTOINE BERETTO (Lino Ventura): J'ai peut-être eu tort de le tirer par la cravate à l'intérieur de la décapotable, mais c'est tout monsieur le commissaire.
LE COMMISSAIRE: Et c'est ainsi que vous lui avez fendu l'arcade sourcilière?
BERETTO: Ah, ça oui... j'avais changé de voiture et j'avais oublié qu'elle était pas décapotable..."