Plus jeune déjà, je voulais une peau flétrie contre la mienne. Les corps labourés par le temps m'attiraient, parce à mes yeux, ces marques témoignaient d'un vécu, étaient la preuve de la finitude d'un être, de son humanité.
Dès qu'il sentait planer la menace d'une rupture, il s'inclinait, redevenait humble, puis en concevait à son tour une rancœur qui le poussait à revendiquer son indépendance.
A trop rêver, on en oublie d'oeuvrer à la réalisation de ses rêves, un rêve non réalisé est à mes yeux comme un diamant jamais serti, vide de sens.
C'est l'heure où la nuit avale le jour. L'heure où l'on prend conscience du temps qui passe, mange les époques de nos vies et les broie.
Quand vous perdez contact avec un être cher, que vous ignorez tout de ce qu'il est devenu depuis le jour où vous l'avez quitté sans avoir que vous ne le reverriez plus, il continue de ressurgir à la faveur d'un détail, d'une allusion suggestive, au détour d'une banale conversation, d'une mélodie.
Dehors, je devenais transparente, parfois ne n'étais plus sûre moi-même d'être réelle, vivante.
A chaque fois que je le voyais, qu'il me serrait à m'étouffer, mon attirance à son égard s'affadissait : je demeurais raide, bras croisés. Elle ne se réaffirmait qu'en son absence, les premiers mois, je ne l'aimais qu'à distance, comme on aime une idée.
En même temps qu'on se rapproche d'un étranger, nos défenses se réveillent et nous freinent, nous mettent en garde contre un attachement qui pourrait devenir dangereux, nous emprisonner.
Ce qu'on raconte est vrai : les grands carrefours d'une existence durent parfois moins d'une minute. Il avait suffi d'une conversation éclair.