Entretien avec Andrew Ridker
- Etre féministe, ça ne veut rien dire. Tu le sais, ça ?
Même chose pour sioniste, écologiste, communiste, anarchiste… Eh ouais. Vois-tu, il y a des ismes, mais les istes, c'est de la foutaise. Les gens ne sont pas des idées, Maggie. Les gens ne sont pas des positions, Les gens sont des gens.
Des besoins, des pulsions, des actes. C'est ça les gens. Ils sont imparfaits. Centrés sur eux-mêmes. Ils s'efforcent d'éviter les coups.
L’un des dangers des déménagements, songea-t-il, c’est de découvrir qui sont ses amis.
À partir d’un certain niveau de revenu, on avait du sang sur les mains. On ne s’en mettait pas plein les poches sans exploiter quelqu’un. Dans toute grande entreprise, il y avait des perdants, de grands perdants. Les pauvres. L’environnement.
Selon l'analyse d'Arthur, le succès de la visite de ses enfants dépendrait de la formule suivante :
(P + N) (1/2 E) + R = A
où P = Pitié, N = Nostalgie, E = Excuses, R = Regrets et A = Argent, ou Acquittement des arriérés.
Il commença par N. Il chercha des peluches, des doudous, des albums photo, des objets chargés de souvenirs qu'il dispersa telles des mines à travers la maison. En guise de touche finale, afin d'éveiller la pitié, il rassembla les trois lettres de relance de la banque et disposa la première sur le plan de travail de la cuisine…
- Je vais vous poser une question, dit le supérieur. Répondez honnêtement. Développez-vous ce projet parce que vous pensez qu’il pourrait répondre à un vrai besoin ? Ou le développez-vous pour avoir quelque chose à développer ?
Il prenait du retard dans les échéances de remboursement. Ce détail n'avait pas échappé à sa banque, qui jouait avec l'évaluation de sa solvabilité comme un gamin de dix ans avec son pénis : avec curiosité, et par plaisir.
Elle ne voulait pas avoir cinquante ans, pas plus qu'elle ne voulait subir les maux de dos, les sautes d'humeur et la perte de densité osseuse que son corps lui offrait en cadeau d'anniversaire. Elle se rendit compte, en regardant la banderole déchiquetée par terre, que depuis un quart de siècle, elle ne s'occupait que des autres. Ç'avait d'abord été son père suite à son attaque, puis sa mère suite à la mort de son père, puis Scott pendant ses études de médecine et ses enfants depuis leur naissance. Elle se dit qu'il était temps qu'elle pense à elle et s'inscrivit à un atelier de poésie dirigé par Theresa Dunne.
Depuis le début de son adolescence, Scott possédait la rare capacité - un super-pouvoir, une béquille - de se détacher de toute circonstance menaçant sa tranquillité. Son père travaillait pour le ministère des Affaires étrangères, et au gré de ses mutations, la famille avait vécu à Chicago, à New Delhi puis à Washington. Scott ne restait jamais plus de deux ans dans la même école et il avait compris très tôt que nouer des amitiés, c'était faire et cultiver son propre malheur. Les déménagements empêchaient également sa mère d'avoir des confidentes de son âge. Alors Marjorie venait presque chaque soir dans sa chambre et s'asseyait au bout de son lit pour lui décrire avec force détails glaçants la consistance de ses selles ou la charge érotique qu'elle ressentait quand elle roulait sur du gravier à bicyclette. Coincé dans l'obscurité sous un pesant édredon, Scott s'échappait par la trappe de son esprit.
(...) des nuages dignes d'un tableau de la Renaissance confisquaient les dernières lueurs du jour (...)
Depuis la mort de Francine, Ulrike avait cessé d'être « l'autre femme ». Elle était désormais la femme. Il savait qu'il était en couple avec elle car il avait commencé à lui mentir sur ses allées et venues.