Angela Lampe

Débutons tout de suite par ce qui fâche : cet album est publié dans une édition bilingue, pratique qui s'affirme de plus de plus ces derniers temps, voire qui est devenue obligatoire. Je comprends bien l'intérêt des maisons d'édition : réduire les coûts. Mais, en tant que lectrice, je préfère, pour le même prix, disposer soit de davantage de textes, soit de davantage d'images, ou encore un peu de tout ça à la fois et pour le même prix. Je n'ai que faire d'un même texte reproduit deux fois, et si je veux perfectionner mon anglais, je suis bien certaine de pouvoir y parvenir sans avoir recours à un album d'exposition.



Ceci étant posé, rien à redire sur la conception de cet album, qui répond à ce qu'on attend de lui. C'est un bon résumé de l'exposition, qui reprend à peu près un à un tous ses thèmes, rappelant ainsi de façon concise mais assez complète sa ligne directrice , à savoir démontrer qu'Edvard Munch ne fut pas seulement un artiste génial de la fin du XIXème siècle, mais aussi un artiste du XXème, résolument moderne. Qu'on soit d'accord ou pas avec ce discours (pour ma part, je le réfute au moins en partie), là n'est pas le sujet : l'album s'accorde parfaitement à l'exposition.



Les œuvres reproduites sont bien choisies, la maquette est belle, l'album est agréable, aussi bien à lire qu'à feuilleter. Certes, je me serais passée des citations de Munch émaillant les pages et je trouve qu'on aurait pu passer plus vite sur les autoportraits photographiques de l'artiste, thématique qui constituait déjà la part faible de l'expo. Mais, les auteurs ont pris la peine de régulièrement proposer des analyses concises de tableaux, rappelant ainsi les cartels accrochés sur les cimaises près des œuvres. Je ne suis pas toujours tout à fait d'accord avec certaines interprétations, mais là encore, il est bien normal que ces analyses viennent étayer la thèse de l'exposition.



Donc, je trouve que c'est un beau travail, pour un ouvrage peu onéreux et destiné à un grand public, et un bon support pour se replonger rapidement dans l'exposition si on l'a déjà vue. Et si par miracle mon anglais s'améliore un jour grâce à cet album, le succès sera complet.

Le génie c'est d'arriver à me faire aimer des choses que je déteste en général, comme les masques africains que j'aime chez Basquiat, comme des nus masculins que j'aime chez Munch, même si ma propension va vers le nu féminin sans discuter .. Munch qui est mon peintre préféré à l'heure où je parle. Moi qui suis fasciné par la gamme des verts, mais pas seulement, je dois dire que j'ai été servi magistralement par Munch avec sa Nuit d'hiver de 80x100 que j'ai vue à la Pinacothèque de Paris en 2010, et où je suis tombé sur le cul (Je n'ai eu besoin de personne pour me relever tellement c'était personnel), Pinacothèque qui a fermé ses portes depuis, d'une loi qui ne me plaît pas beaucoup.

..Cette Nuit d'hiver qui en catalogue me laisse sur ma faim car précisément ce que j'ai vu de visu ne ressort que faiblement, et encore c'est bien parce que je l'ai vue de visu qu'il en ressort un petit quelque chose !..

Klee le sensitif,

Cette exposition magnifique met en lumière l'unité et l'ambition de l'oeuvre de Paul Klee. On passe de la sympathie pour la poésie de ses dessins d'enfants, à la révélation d'un artiste puissant et universel.

«L'art ne reproduit pas le visible, il rend visible»…

Par l'abstraction! Dans la même perspective que la musique qui abstrait les sensations, les sentiments, les idées pour une amplification du sens, Klee entend l'abstraction comme un comble de la forme, absolument pas comme sa négation. Il était un véritable musicien et il a pu transposer à la peinture, rythmes, timbres et modulations…

La peinture est écriture, la peinture comme la musique s'écrit… du moins Klee a filé cette idée comme une marque personnelle : J'aime sa belle devise «nulle die sine linea».

«Sillonner par l'esprit les domaines terrestres et cosmiques». A travers ses simulacres, ses fééries peuplés de fantômes, d'automates et d'anges, tous les sentiments se disent : de l'effroi à l'extase et toujours avec une sorte de sourire entre ironie et gravité. Une fantastique synthèse des contraires.

Il y a chez Klee une étonnante assimilation des styles, on comprend vraiment le cubisme, le surréalisme… Il y a aussi un écho troublant au peintures de l'ancienne Egypte ou aux dessins des Navajos.

J'ai découvert aussi la critique subtile et non dite de Klee vis-à-vis de Picasso, que je ne connaissais pas, et qui me ravit parce elle correspond à mon jugement : Il y a chez Picasso, un coté pompier et aussi de la brutalité et de la vanité. La nature subtile et retenue de Klee l'empêchait d'exprimer cela directement mais on sent comme une évidence. Et puis… «Solanum dulcamara» : le chef d'oeuvre! Rayonnant!

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