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Citations de Anna Seghers (74)


Voilà qu'on arrachait au sol de ce pays ce qu'il produisait de meilleur, parce qu'aux enfants on avait enseigné que c'était de la mauvaise herbe. Tous ces garçons et ces filles, là dehors, une fois qu'ils avaient derrière eux la Hitler Jugend, l'organisation des Jeunesses hitlériennes, puis le service du travail et l'armée, ils étaient semblables aux enfants de la légende qui, élevés par des bêtes, finissent par déchirer leur propre mère.
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Je crains qu’il ne puisse pas venir à bout de ce chagrin si facilement. Rien n’est plus difficile à surmonter que les peines et les souffrances qu’on a traversées dans sa jeunesse. Les oublier est à jamais impossible. On prétend généralement le contraire : on pense que la peine des jeunes années est facile à oublier. Je ne le crois pas.
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On souffre plus d’un mensonge que d’une vérité accablante.
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Oui, il y a des années que je suis attaché à une femme. Il est presque impossible qu’elle vienne un jour, mais je ne peux pas me déshabituer de l’attendre.
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Dès le premier mois qui suivit la prise de pouvoir de Hitler, des centaines de nos chefs [les résistants allemands au régime nazi] avaient été assassinés, partout dans le pays, chaque mois, d'autres l'étaient. [...] Toute une génération avait été exterminée. C'est ce que nous pensions par ce matin terrible et nous le dîmes aussi, pour la première fois, nous dîmes qu'il nous faudrait quitter cette vie, tant de nous assassinés, éliminés de la surface du globe, qu'il nous faudrait périr sans descendance. [...] un no man's land allait s'étendre entre les générations, que les anciennes expériences ne parviendraient pas à franchir. Quand on lutte, tombe, et qu'un autre reprend le drapeau et lutte et tombe aussi, et que le suivant le reprend et doit à son tour tomber, c'est un ordre naturel, car on n'obtient rien sans en payer le prix. Mais si personne ne veut reprendre le drapeau, parce que personne ne connaît plus sa signification? Alors, nous eûmes pitié de ces jeunes gars qui faisaient la haie pour accueillir Wallau, lui crachaient dessus, le regardaient d'un air bovin. Voilà qu'on arrachait du sol de ce pays ce qu'il produisait de meilleur, parce qu'aux enfants on avait enseigné que c'était de la mauvaise herbe. Tous ces garçons et ces filles, là dehors, une fois qu'ils avaient derrière eux la Hitler Jugend [...] puis le service du travail et l'armée, ils étaient semblables aux enfants de la légende qui, élevés par des bêtes, finissent par déchirer leur propre mère.
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Autrefois, à ses yeux, tout cela était loin et s'éloignait de l'essentiel. Autre fois, tout ça, c'était la vie dans laquelle il voulait revenir, pour laquelle il s'était évadé. Autrefois, c'était le nom que portait désormais le pays qui commençait derrière la ville. Autrefois, ainsi se nommait son village.
P. 295
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"Je me suis cueilli ce Wallau sur son troisième arbre", dit Fischer. Il se leva d'un bond et ouvrit la fenêtre. "Les voilà qui l'amènent. Pardonnez-moi de vous donner un conseil, Överkamp." "Et ce conseil serait?" "Faites-vous apporter de la cantine un bifteck cru." "Pour quoi faire?" "Vous ferez plus facilement parler ce bifteck en tapant dessus pour l'at tendrir que l'homme qu'on vous amène."
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Mais le soir où la baraque des prisonniers fut chauffée pour la première fois, et que fut consumé le petit bois dont nous pensions qu’il provenait des sept croix, nous nous sentîmes plus proches de la vie que jamais par la suite et aussi plus que tout ce qui s’était senti vivant.
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Georg arriva à la tête du pont de Kastel. La sentinelle l’interpella. Il montra ses papiers. Il était déjà sur le pont quand il se rendit compte que son cœur n’avait pas battu plus vite. Il aurait pu tout aussi tranquillement franchir dix autres têtes de ponts. C’est donc une situation à laquelle on parvient à s’habituer. Il sentit son cœur armé contre la peur et les dangers, mais peut-être aussi contre le bonheur.
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La plaine s’élargissait, il avait atteint bien plus tôt qu’il ne l’avait imaginé l’endroit où le Main se jette dans le Rhin. Devant lui le fleuve, derrière lui la ville qu’il avait traversée quelques jours plus tôt. Ses rues et ses places où il avait sué sang et eau s’étaient fondues en une citadelle grise se reflétant dans les flots. Entre les tours les plus hautes, un essaim d’oiseaux, triangle noir et pointu, griffait le ciel rouge de l’après-midi comme dans les villes dessinées sur les blasons. 
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Une petite fille entra en courant dans le jardin, faisant bruire les feuilles amassées contre le grillage ; puis elle se précipita vers Franz et commença à tirailler la nappe de sa table. Son visage était encadré par un petit bonnet, elle avait des yeux presque noirs. 
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Ils dressèrent la table devant lui, déposèrent des plats, des petits plats, des bouteilles furent débouchées. Ah, manger dans sept petites assiettes, boire dans sept petits verres, personne n’est tout à fait à l’aise en telle circonstance, Kress et sa femme ne font l’un et l’autre que mine de manger. 
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Tout devenait possible dans ce temps qui venait de s’ouvrir : le bouleversement de tout ce qui structurait les existences et en particulier la sienne, plus vite qu’on ne l’eût espéré, et que l’on était encore assez jeune pour saisir ensemble cette chance après tant d’amertume. 
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C’est seulement en des temps où plus rien n’est possible que la vie s’écoule comme une ombre. Mais dans les temps où tout devient possible, c’est là qu’on trouve la vie tout entière et l’anéantissement.
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Les choses reprirent alors leur cours normal. Ceux qui entraient dans cette maison ne criaient plus Heil Hitler et ne tendaient plus le bras, mais se découvraient et serraient la main des gens. Les sentinelles SA qui avaient manqué de peu pourchasser et tabasser à mort un vieil homme s’en retournèrent pour une fois vers leurs champs avec des mains innocentes et des consciences libres de tout fardeau.
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Des dix ou douze platanes qui auparavant se dressaient à gauche de la porte, tous avaient la veille encore été abattus sauf les sept arbres dont on avait besoin. Devant ses SA, Zillich lança l’ordre d’y attacher les quatre évadés vivants. Chaque soir, quand cet ordre retentissait, un frémissement courait parmi les détenus qui au plus profond d’eux-mêmes se mettaient à trembler, faiblement, comme l’ultime frisson avant que tout se fige. Car les SS veillaient strictement à ce que nul ne bouge même le petit doigt. Mais les quatre hommes attachés aux arbres ne tremblaient pas.
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Il était sur le point de s’endormir quand il sursauta un peu. Il se releva, ou tenta de le faire. Il embrassa la vallée du regard. Mais cette vallée ne lui apparaissait pas dans l’habituelle lueur de midi, dans la douce lumière de tous les jours. Une clarté froide et austère se répandait sur le village, éclat et vent réunis, si bien que tout prit soudain une netteté inconnue et de ce fait, tout redevint étranger. Puis une ombre épaisse s’abattit sur le paysage. Plus tard dans l’après-midi, deux petits paysans vinrent cueillir des noisettes. Ils poussèrent des cris aigus. Ils coururent retrouver leurs parents qui étaient aux champs. Le père considéra l’homme. Il envoya un des enfants chercher un autre paysan, Wolbert, dans le champ voisin. Et Wolbert s’exclama : “Mais c’est Aldinger !” Alors, le premier paysan le reconnut aussi. Grands et petits, dans le bosquet, contemplaient le mort. Puis les deux hommes confectionnèrent une civière au moyen de quelques bâtons.
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Pour la première fois depuis qu’il avait revu Georg, et peut-être même depuis l’enfance, il éprouvait dans la région du cœur une sorte de froid que bien sûr même en ce moment il ne qualifiait pas de peur. Il avait plutôt l’impression d’être menacé par une maladie contagieuse, lui qui depuis toujours était en bonne santé. Cela lui était particulièrement pénible et il résistait. Il descendit l’escalier d’un pas ferme pour chasser l’impression que ses genoux allaient flancher. La femme du chef d’immeuble l’attendait au bas des marches : “Chez qui vouliez-vous aller ?”
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Il dit : “Une chose est certaine : toutes ces vestes ont été livrées au même moment par l’usine. Il suffit à la Gestapo de leur téléphoner. Les fermetures éclair sont identiques au millimètre près. Les poches sont toutes les mêmes. Mais si par exemple une clé ou un crayon a fait un trou dans la doublure, même la Gestapo ne peut rien prouver, c’est ça la différence, tu dois t’y cramponner dur comme fer.”
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Georg, tout en prêtant l’oreille, avait déjà le pouce sur le bouton de la sonnette. Jamais, même à Westhofen, il n’avait éprouvé une si amère nostalgie. Il retira sa main. Pouvait-il entrer ici, où l’on allait peut-être l’accueillir sans méfiance ? Une pression sur le bouton de sonnette risquait-elle de disperser cette famille aux quatre vents ? Leur valoir à tous la prison, la maison de redressement, la mort ?
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