Citations de Anne Loyer (205)
- Un enfant au noir ?
J’ai répété la phrase de Long en détachant chaque mot sans les comprendre .
- Né sans autorisation si tu préfères. Je n’ai pas d’identité. Je ne suis qu’une ombre
- Une ombre ?
Un fois de plus, j’ai fait le perroquet.
Complètement déstabilisée par ce qu’il m’apprenait.
Il ma regardée avec indulgence comme une gamine trop naïve pour saisir les horreurs de ce monde.
Son regard me déplaisait souverainement mais il avait raison : je ne voyais pas du tout de quoi il parlait.
Long a soufflé et a remis une mèche de cheveux derrière son oreille.
Un minuscule diamant rouge brillait à son lobe.
La fin de la solitude, l'amour d'un être cher, le partage de moments précieux, l'entraide magique d'une personne irremplaçable...
Marinette se pose, à cheval sur le muret. Laisse la brise venue du large lui faire la fête. Elle chahute ses cheveux qui se mettent à rayonner autour de ses épaules. La transforme en petit soleil.
Tu es en colère. Mais contre qui? Appa qui ne fait que mettre en pratique des principes ancestraux, qui reflètent, de plus, ses propres valeurs? Chatura, qui ne se rebelle pas? Amma qui laisse faire? Mani qui approuve? Toi qui n'as rien dit? La tradition, qui est le socle de notre société?
Le foyer est devenu une prison avec les parents en guise de barreaux
Une naissance niée par la société. J'étais effarée. Comment pouvait-on vivre ainsi? Comment pouvait-on grandir de cette façon? Sans avoir droit à rien parce que né en trop?
« De m’abandonner parce que diminuée. Parce qu’en mauvaise santé. Elle m’a virée de sa vie et de son cœur vite fait bien fait parce qu’amoindrie. Une charge dont il fallait se délester. Un fardeau à oublier. Tu comprends maintenant pourquoi je cherche tant à éviter d’y penser? Les souvenirs si émouvants de mes parents se heurtent toujours à ce que je devine en arrière-plan. Il a bien fallu que des parents me jettent pour que les miens me sauvent. Mon existence ne tient que sur ce paradoxe insensé. Je suis passée d’une indifférence béante à un amour inconditionnel. Et je ne peux jamais penser le deuxième sans la première. Jamais l’un sans l’autre. Ils sont reliés de manière si étroite que j’ai parfois du mal à me livrer sans défense à l’affection éperdue de mes chers parents. Une affection qui s’est construite sur un désamour originel. »
Ils chantent, ils s'égosillent, ils s'époumonent tous les jours.
Ils me pressent, me tirent, me poussent tous les matins sur le chemin de l'école pour que j'y sois en temps et en heure.
Pour que je n'oublie pas que les minutes galopent et que les secondes caracolent.
Un oeil jeté par le carreau pouvait distinguer une silhouette penchée sur son métier. Derrière un rideau de cheveux noirs, des mains dansaient, des doigts twistaient entre ciseaux et aiguilles, un fil serpentin enroulé autour des phalanges, tendre lien.
Sur la table, drapée d'un voile léger, de vaporeuse vagues accompagnaient les mouvements de ses bras nus. Une paume glissait sur le tissu pour le lisser, tandis que l'autre le retenait avec douceur.
Une lampe, posée près de l'ouvrage, laissait entrevoir des reflets mordorés, des formes incertaines, des fleurs sauvages.
Sur le mur, l'heure avançait, imperturbable, aux sons du cliquetis du dé sur
le bois et des froissés-défroissés.
Je pouvais bien jouer au matador, aiguiser et brandir mes armes, je me sentais impuissante à enrayer une mécanique huilée à la perfection depuis des siècles. Une machine infernale, dont les rouages cherchaient à broyer ma résistance. Les hommes de ma propre famille, que j'avais si longtemps pris pour mes alliés, m'apparaissaient sous un jour nouveau. Un jour tout ce qu'il y avait de plus opaque. Page 145
Pour que je n'oublie pas que les minutes galopent et que les secondes caracolent.
Les informations sont capitales pour comprendre le monde dans lequel on vit. Pour le dire et, pourquoi pas, le changer !
Le décor de notre existence se craquelait de partout. Effets spéciaux de pacotille.
Je descends l'escalier avec le truc gluant qui me morve dessus. J'ai pas la tête à la mièvrerie, encore moins aux sentiments. Je passe devant Paul sans le calculer. Il est planté en plein milieu de l'entrée, en pyjama rayé, bagnard consentant. Il me regarde avec ses yeux vitreux, moi je l'ignore. Il m'épie ? J'arrive dansa la cuisine, pose le mioche dans son transat, attrape le biberon, prépare le lait, le met dans le chauffe machin. Je trouve plus mes mots, je suis claquée, mais les gestes me reviennent. Ouf. Tous les matins c'est le même cinéma, le même miracle.
Le mot ronfle,furieux,joyeux,il repeint l'habitacle,me plonge en plein film d'action.j'appuie la pédale,me couche sur le volant.
Plus vite !
Mylène, les yeux braqués à travers le pare-brise,sourit de toutes ses dents.La vitesse étincelle son regard.Elle est plus belle que jamais.Je la vois ouvrir la fenêtre;passe la tête dehors; ses cheveux se mettent à flotter en drapeau.
Yeahhhhhhh.
son cri se perd dans le paysage qui s'enfuit.C'est quoi la vie finalement ? Une voiture,une fille et une route .Droit devant.
(Eh oui, je m'appelle Hélios. Personne n'est parfait. Vous avez déjà eu une mère folle de grec antique ? Non ? Alors soyez indulgents !)
Mylène. Le miracle dans le sordide.
Le paysage déglingué et cabossé collait tellement bien avec celui que j'avais dans le cœur que ça pouvait pas être un hasard.
Sifflets et autres jurons fleurissaient sur son sillage, comme les pâquerettes au printemps.
La semaine est passée, tranquille, de cours en récré, d'interros en mauvaise note, j'ai pas flanché, j'y suis retourné tous les jours. Je me suis rendu compte que les chaises étaient plus confortables que les sièges défoncés, que les salles de classe mieux chauffées que les bagnoles renversées. (Samy)