Anne-Marie Carthé

L'écriture est une parole introvertie. Elle dit notre silence.

"C'est quand on quitte les choses que l'on ressent la douleur du partir."

Lorsque les séparations, que le temps et les circonstances de la vie imposent, nous accordent un jour la magie de retrouver des êtres chers, alors ces moments lumineux de nos vies ressemblent à des perséides, des étoiles filantes que les petites bougies déposées sur les autels des lieux de prière implorent de toute la force de leur flamboiement.

Il est toujours émouvant d'avoir entre les mains le livre qui contient les traces d'un autre regard que le sien.

La lettre, fil de soie entre deux âmes, distille l'immatériel d'une présence lointaine délicatement pliée dans l'enveloppe.

Depuis que la mer l'a endeuillé, plus aucun mot n'est sorti de sa bouche. Les mots qu'il voudrait prononcer sont comme déracinés, vidés de leur accent, de leur chaleur, de la couleur de sa terre natale. Un mot, cependant, celui de migrant, s'est enclavé dans sa chair. Il lui rappelle la désespérance et l'inhumanité.

Communiquer avec l'autre, dans le respect, permet d'étendre nos connaissances, de renouveler notre pensée, donnant à chacun de nouvelles possibilités de choix, d'actions plus vastes empreintes avant tout d'humanité.

Nos choix, nos attentes nous mènent au plus près de nous-même, de notre vraie nature et nous permettent de rencontrer les autres avec plus de vérité.

La relecture consolide l'axe de son existence, elle est un moyen pour s'immerger dans les profondeurs les plus reculées de son être, de rechercher les fantômes qui le hantent, elle l'aide à élargir ses questionnements intimes.

Plus il lit, et plus il est désireux de découvrir et de lire de nouvelles choses. La lecture est devenue une dévotion. Il relit régulièrement certains ouvrages, se replonge dans des extraits de textes qui l'aident à donner du sens à sa vie, à mieux comprendre comment il perçoit le monde. Il se reconnaît parfois dans tel ou tel écrivain, s'identifie à un récit.

Azaan revient toujours mélancolique de ces soirées passées entre amis, où chacun raconte ses souvenirs. Lui se tait depuis tant d' années. Le silence qu'Azaan affiche n'est autre que son vacarme intérieur : des cris qui l'assiègent, des questionnements en boucle, des regrets qui envahissent son esprit tel le mécanisme d'une horloge relançant sans cesse ses obsessions.

La disparition des personnes que nous aimons fait que notre être tout entier, impuissant, se fendille de l'intérieur, nous rendant plus vulnérables.