- C’est quoi ça ?
Je lui ai montré trois grandes lettres majuscules dans la marge : KYD.
- Ah, kill your darlings (tuez vos chéris)… Parfois on réfléchit des jours entiers à une scène magnifique, ou alors on peaufine un paragraphe pendant des heures. Et pourtant, ce passage ne s’intègre pas parfaitement dans le récit. On ne veut pas le jeter, car on le trouve très beau. Un bon rédacteur a le courage de dire qu’il faut éliminer certains fragments. Au début je notais ces darlings dans un cahier avec l’espoir de les réutiliser, mais quand il a été presque plein, je l’ai jeté dans ce poêle.
- Oh, comme c’est dommage ! On ne pourrait pas les mettre à la fin du livre, comme le bêtisier dans un film ?
- Regarde, dit-elle en me désignant les livres : voilà mes amis. Quand on sait lire, on n'est jamais seule et on vit des tas d'aventures. C'est pour ça que tu dois aller à l'école. Pour apprendre à lire. Et à écrire évidemment. Ecrire, c'est ce qu'il y a de mieux.
J'avais d'abord écrit averse, mais un peu plus tard j'ai entendu le mot ondée au JT. On dirait le nom d'une sirène, c'est à se demander si ça vous mouille comme une vraie pluie, mais c'est bien pour cela que c'est un joli mot.
Mais avant tout, le talent est la capacité à ne pas se laisser gagner par le doute.
Lidwine m'a à nouveau donné un petit exercice. Le sujet c'était l'écriture sensuelle : Décris un événement ou une action au présent et en utilisant tous tes sens, c'est-à-dire l'ouïe, la vue, le goût, l'odorat et le toucher.
J'ai immédiatement pensé à ce que j'avais fait samedi soir.
— Un romancier réfléchit non seulement à ce qu'il écrit, mais aussi et surtout à ce qu'il laisse de côté, a dit Lidwine.
- On a longtemps parlé de ce qui était pire : que ton amour te quitte ou que ton amoure meure ?
- Et quelle a été votre conclusion ? ai-je demandé.
Je me rendais compte que Lidwine avait déjà beaucoup vécu avant même que je sois née.
- Que ce sont deux espèces différentes du pire.
C’est dangereux, le bonheur. C’est le titre d’un recueil de poèmes dans la bibliothèque de Lidwine. Je m’étais toujours demandé ce que cela voulait dire, mais maintenant je le sais. Le bonheur c’est effrayant ! Mais c’est aussi merveilleux.
« C’est au lecteur d’interpréter», me répète constamment Lidwine.
-Show don’t tell ?
- Montre ce qui se passe au lieu de l’expliquer au lecteur. Ne dis pas que ton héroïne est triste, mais montre-la errant dans la ville le dos courbé