Il se disait qu'il devait interroger Daniel Singer et son père, Max Singer. Il essaya d'appeler le secrétariat de la communauté, personne ne répondit. Qu'est-ce qu'avait dit Adrien Blum, déjà?
Ah oui ! C'était fête aujourd'hui encore, vendredi aussi et après, c'était shabat.
Pas mal, la vie juive! Pas de risque de burn-out! Il se voyait dire au procureur, le mercredi à midi:
Ce soir, demain et après-demain, c'est fête et ensuite, c'est shabat et dimanche. Je reviens lundi.
Dans le salon, Schweitzer déposa discrètement ses chocolats sur un guéridon. Les meubles étaient anciens, tous les murs étaient couverts de livres.
Vous les avez tous lus ? demanda Jean Pierre, pour dire quelque chose.
Tout le monde me pose cette question. Non, je ne les ai pas lus ! Mais c'est une obsession chez moi. J'achète des livres depuis que j'ai 14 ans. Et vous savez quoi ? J'ai appris récemment que mon père avait une immense bibliothèque à Nuremberg, où il habitait avant la guerre. Nous sommes des juifs allemands depuis le 17ème siècle, je vous montrerai mon arbre généalogique. Sa bibliothèque a été brûlée pendant la Nuit de cristal, il a été mis en camp à Dachau, mais il a pu en sortir. Après la guerre, il n'a plus acheté un seul livre. C'est comme si inconsciemment, j'avais voulu reconstituer sa bibliothèque. Troublant, non ?
- Vous savez quoi, monsieur le commissaire, je ne veux pas faire de lashon hara...
- De quoi? demanda Schweitzer.
- Dire du mal... c'est interdit...
- De mortuis nihil nisi bonum, dit Schweitzer.
Il utilisait souvent cette formule latine : elle lui permettait de montrer qu'il avait des lettres, et elle permettait aussi de délier la langue des témoins. Et il n'était pas mécontent de parler latin à des gens qui n'arrêtaient pas de lui parler en hébreu.
Il y a bien deux fabriques de pain azymes en Alsace, tout le reste est pure fiction
Agréable à lire, bien ficelé, et bien entendu, toujours sympa de retrouver des lieux que l'on connaît dans un roman !