Citations de Antoine Laurain (334)
Il y a des êtres mystérieux, toujours les mêmes, qui se tiennent en sentinelles à chaque carrefour de notre vie.
Il y a comme cela des amours éphémères, programmés pour mourir dès leur commencement et cela à très brève échéance – on n'en prend en général conscience qu'au moment où ils vont s'achever.
William avait à trois reprises consommer des champignons hallucinogènes. La dernière fois remontait à quatre ans et il avait passé la nuit allongé dans sa baignoire à parler à sa pomme de douche qui lui répondait. Ils avaient eu un échange philosophique d’une rare intensité, abordé des thèmes universels comme la mort, la vie dans l’au-delà, la pluralité des mondes habités et l’existence de Dieu. La pomme de douche avait apporté des réponses très précises sur ce sujet. Le lendemain matin, force avait été de constater que les capacités intellectuelles de sa robinetterie avaient sévèrement diminué et se limitaient désormais à eau chaude / eau froide, en douche classique ou en massage. William avait décidé de ne jamais plus consommer de substances psychotropes.
C'était fini. Comment pouvait-on disparaître aussi facilement de la vie de quelqu'un ? Peut-être avec la même facilité, en définitive, qu'on y entrait. Un hasard, des mots échangés et c'est le début d'une relation. Un hasard, des mots échangés, et c'est la fin de cette même relation. Avant, néant. Après, le vide. (p. 65-66)
Le fait d'avoir un chapeau sur la tête vous confère une indéniable autorité sur ceux qui n'en ont pas.
TRISTAN BERNARD
Laurent tourna la page pour découvrir deux lignes manuscrites au stylo sous le titre : " Pour Laure, souvenir de notre rencontre sous la pluie. Patrick Modiano".
L'écriture dansait sous ses yeux. Modiano, le plus insaisissable des écrivains français. Qui ne participait plus à aucune dédicace depuis des lustres et n'accordait que de très rares interviews. Dont la diction hésitante, pleine de points de suspension, était légendaire.
Peut-on éprouver la nostalgie de ce qui n'a pas eu lieu ? Ce que nous nommons "regrets" et qui concerne les séquences de nos vies où nous avons la quasi-certitude de ne pas avoir pris la bonne décision comporterait une variante plus singulière, qui nous envelopperait dans une ivresse mystérieuse et douce : la nostalgie du possible.
[1986]
- (...) Que reprochez-vous exactement à Mitterrand ? (...) Tous, nous sommes rassemblés autour de cette table comme nous le faisions trois ans plus tôt, six ans plus tôt, huit ans, dix ans, quinze ans plus tôt. Qu'a changé le 8 mai 1981 à votre vie ?
Il y eut un grand silence.
- Voyez, dit Bernard, rien... Cela n'a rien changé.
- Vous oubliez les communistes au gouvernement ! s'indigna Pierre (...)
- Je ne l'oublie pas, mais désormais le Parti communiste est en train de se dissoudre aussi sûrement qu'un sucre dans l'eau, Mitterrand a réussi en six ans ce que la droite n'est pas arrivée à faire en trente.
(p. 142-143)
Sur le plateau [de Droit de Réponse], tout le monde fumait, criait, s'indignait, à chaque fois le débat paraissait tourner au pugilat sous le regard amusé de Michel Polac qui tirait sur sa pipe en plissant les paupières d'un air vicieux. (...) un homme, cigare au bec, assénait des vérités premières qui faisaient bondir un second, petit et chauve, prenant à témoin Michel Polac, lequel paraissait une fois de plus ravi de voir son émission déraper. (p. 59-60)
[ souvenez-vous : http://www.youtube.com/watch?v=pUWZDwFc6u4&hl=fr&gl=FR ]
Les évènements importants de nos vies sont toujours le résultat d'un enchaînements de détails infimes.
Parfois la vie vous emmène sur certains chemins, c'est sans s'en apercevoir que l'on a pris la bifurcation, le grand GPS du destin n'a pas suivi le trajet prévu et aucun panneau ne vous a indiqué le point de non-retour. Ce triangle des Bermudes de l'existence est à la fois un mythe et une réalité. Une seule chose est certaine : après être entré dans ces turbulences, jamais plus vous ne reprendrez votre route initiale.
Les événements importants de nos vies dont toujours le résultat d'un enchaînement de détails infimes.
J'ai reçu mon manuscrit par retour de courrier. J'avais posé un cheveu à la page 357 et je vois qu'il y est toujours. Vous ne m'avez pas lu. Je savais bien que les maisons d'édition ne lisent jamais rien...Tous mes amis et ma famille me disent que mon livre est formidable! Vous privez le lectorat d'une histoire merveilleuse et votre maison d'édition d'un succès garanti.
Comment pouvait-on disparaître aussi facilement de la vie de quelqu'un ? Peut-être avec la même facilité, en définitive, qu'on y entrait. Un hasard, des mots échangés et c'est le début d'une relation. Un hasard, des mots échangés, et c'est la fin de cette même relation.
Ecrire, relire, corriger, choisir chaque mot, chaque tournure, raturer, retourner en arrière, changer de verbe puis plus loin d'adjectif, pour enfin arriver à trois pages satisfaisantes lui avait demandé une concentration hors du commun - il n'en eut qu'un peu plus de respect pour les écrivains.
Page 106
Il était rentré à son tour quelques instants plus tard, pourtant l’envie de payer sa part en douce et de s’en aller était forte. Combien de choses se sent-on obligé de faire par principe, par convenance, par éducation, qui nous pèsent et ne changent rien au cours des événements ?
Une citation de Sacha Guitry lui était revenue à l'esprit : " Regarder quelqu'un dormir, c'est lire une lettre qui ne vous est pas adressée."
De leur conception à leur impression, les romans ont leur vie propre qui échappe même à leur auteur.
Dès qu'elle eut mis le pied dans l'entrée, elle éprouva ce sentiment qui vous envahit quand on revient chez soi après une longue absence. Les lieux sont comme dépoussiérés de l'habitude qu'on a de les regarder et en définitive de ne plus les voir.
Pour [ ses élèves ], la marquise de Merteuil était une sorte de " cougar" et Valmont un " bogosse trop cool". Durant un mois, ils avaient avancé dans le texte à la manière des séries télé - il leur avait découpé des extraits : saison 1, saison 2... Les Liaisons Dangereuses, le titre, déjà, leur avait bien plu . Ça sonnait moderne, un brin sexe et subversif, tout ce qu'il fallait pour éveiller la curiosité. A leur façon, ils avaient bien suivi la pensée de l 'auteur du XVIII° siècle. Madame Bovary n'était pour la plupart des garçons qu'une histoire "super relou" avec une " meuf qui se prend grave la tête".