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Citations de Antonio Scurati (55)


Galeazzo Ciano, Adolf Hitler
Nid d'Aigle, 12 août 1939

Et Adolf Hitler attend dans son nid, le Nid d'Aigle. Pour le rejoindre, les invités sont obligés d'effectuer une ascension — jusqu'à une altitude de deux mille mètres —, mais c'est une ascension d'un genre particulier qui implique une descente dans les profondes cavités basaltiques de la Terre, une plongée versla lumière, des abîmes qui conduisent au ciel, une sorte de montée aux enfers, Galeazzo Ciano l'accomplit dans l'après-midi du 12 août 1939.
[...]
Pour atteindre le nid, le délégation, après avoir traversé de sombres sapinières, parcourir les cent vingt-quatre mètres d'un tunnel horizontal arraché aux contreforts de la montagne, puis se livrer à un ascenseur — aussi grand qu'une pièce et revêtu de laiton et de bronze — qui s'élève sur une autre centaine de mètres dans un boyau vertical. Sanglés dans l'uniforme noir des SS, les gigantesques soldats de l'escorte eux-mêmes ont du mal à dissimuler l'angoisse primaire de l'enterré vivant.
[...]
Redescendre et laisser Adolf Hitler à sa solitude reconquise, à son thé de l'après-midi, à son confortable fauteuil en cuir noir dans lequel contempler ses sommets, ses forêts embrumées et sombres, le rêve d'un avenir de massacres. N'est-ce pas, du reste, l'endroit idéal pour ordonner et diriger la boucherie? La vue a beau se projeter vers l'horizon infini, on ne distingue l'empreinte d'êtres humains dans aucune direction.
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Il ne reste plus qu'à souhaiter que les dieux de la paix et de la guerre, particulièrement sensibles à l'outrageuse stupidité des hommes, aient, le temps d'un instant, détourné la tête.
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Golfe de Naples,
cuirassé Conte di Cavour
5 mai 1938, 10h30

Est-il sensé de parler politique à Naples ?
Est-il possible de nouer une alliance internationale solide, inébranlable, un «pacte d'acier», dans la ville du soleil, dans la capitale de la Méditerranée où tout, depuis le chant de Caruso jusqu'à celui des sirènes, depuis les douceurs du climat jusqu'à l'éblouissement de la lumière méridienne, depuis l'eau du golfe jusqu'au feu du volcan, depuis le bleu vide du ciel jusqu'à la densité vermineuse d'une plèbe séculaire, où tout, depuis la beauté absolue jusqu'à la misère absolue, vous pousse aux mollesses du sommeil, à la résignation d'une existence oisive ?
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Ranuccio Bianchi Bandinelli
Rome, 3 mai 1938

Gare Ostiense

Je les tue et je sauve des millions de vies, ou je ne les tue pas et je sauve la mienne ?
Tel est le menu du siècle. Mourir, être tué, égorgé, dépecé, farci pour le banquet des dieux pestilentiels, voilà une évidence. Tuer, en revanche, est une chose bien différente. Tuer ou ne pas tuer, tout le dilemme est là.
L'attente a été longue, épuisante : des semaines de fantasmes et d'impuissance. Il n'est rien d'autre qu'un professeur— un archéologue, historien de l'art antique, spécialiste des bas-reliefs romains et des sarcophages étrusques tiré de sa chaire à l'université de Pise par la bêtise des bureaucrates et catapulté sur la scène de l'Histoire, Et dans quel but ? Servir de guide touristique aux bourreaux en visite d'État,
Il s'est tourmenté pendant des semaines, Se garnir d'explosifs ? (Mais qui les lui fournirait Se livrer à la vibration sûre des armes blanches ? (Mais qui lui donnerait le courage de trancher une gorge ?) Indiquer à un complice l'endroit exact où la voiture présidentielle ralentira et baissera ses vitres, à son invitation pour admirer un palais ou un panorama ? Mais il n'a pas complice.
Il a même effectué des répétitions, le professeur, Il est sorti de chez lui à des heures improbables pour voir s'il était surveillé. Rien. Il s'est montré en public en compagnie d'antifascistes notoires, y compris sur la piazza Venezia et dans les restaurants voisins, afin de déterminer si la police le surveillait. Rien de rien. Tout aurait été possible. Possible et invraisemblable.

(INCIPIT)
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Il (Mussolini) sait que Victor-Emmanuel III calomnie Hitler en le décrivant comme un cas psychiatrique, un dépravé sexuel et un cocaïnomane; il sait qu'Italo Balbo, le seul à oser le critiquer à visage découvert, et par surcroît en public, fait écho à tous ceux qui et ils sont nombreux -- détestent l'idée de devoir «baiser les bottes de ces "possédés de nazis" ; il sait qu'avant de mourir dans son lit, en mars, d'une hémorragie cérébrale comme un retraité quelconque, au terme d'une vie inimitable passée à poursuivre la belle mort, Gabriele D'Annunzio, «le Vate », invitait ses interlocuteurs à se méfier des allemands, en particulier de leur "clown féroce", "un Attila peintre en bâtiment"
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Naples a toujours été favorable aux despotes, tyrans et seigneurs de toutes sortes. Elle n'a pas fait exception avec Mussolini au moment de la conquête du pouvoir et ne semble même plus aujourd'hui vouloir décevoir le maître absolu de l'Italie. Elle lui a donc offert un de ces mémorables « beaux jours » qui sont une philosophie de vie cynique plutôt qu'une simple condition climatique. [...]
C'est alors qu'Hitler, enchanté, enflammé, la lèvre secouée par un rictus, propose le pacte militaire à son ami italien. L'odeur du sang domine soudain celle des jardins d'orangers, portée par le vent de la péninsule sorrentine. Le cuirassé paré pour la fête se transforme en bateau des morts, un radeau de naufragés et de pendus à la dérive dans la baie de Naples.
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C'est indubitable, les Italiens ont choisi, et ils ont choisi la paix. Lui, Mussolini, s'est efforcé en vain, pendant vingt ans, de façonner un peuple de guerriers. Leur allégresse lui apprend maintenant qu'il a échoué. Ces genoux fléchis pour baiser la terre prouvent sans équivoque possible que le dieu des armées a été ravalé au rang d'un de ces saints paisibles, d'une de ces divinités mineures qui vous apparaissent en rêve pour vous indiquer les numéros de loterie.
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Si Votre Majesté donne Son nom et Sa signature à cette guerre insensée, il faut qu'Elle sache que cela finira par signifier la plus terrible des ruines pour l'Italie. [...]Les désastres seront si épouvantables et la perte de l'honneur national sera si cuisante que cela finira par détruire, à la longue, tout examen de fidélité et d'affection entre le peuple italien et Votre maison.

Lettre du comte Sforza à Victor-Emmanuel III, 30 mai 1940
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Soudain l'odeur du sang masque celle des jardins d'orangers que le vent apporte de la péninsule de Sorrente, Le cuirassé en fête se change en un bateau de morts, en un radeau de naufragés et de pendus à la dérive dans la baie de Naples.
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Je suis parmi vous, je ne suis pas avec vous
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« Mussolini avait compris que dans l’ère des masses une passion politique plus puissante que l’espoir s’ouvrirait devant lui …/… : la peur »
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Les rumeurs, les chuchotements à demi-voix, les commérages. L'information en est réduite à cela quand dans un pays depuis vingt ans la flatterie a remplacé les mérites, quand la critique a expiré comme une mauvaise plaisanterie, quand le courage de projeter l'avenir s'estompe en subterfuge, quand tout exercice sain d'admiration éclate en délire d'idolâtries de type païen.
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Galeazzo Ciano, Nid d'aigle d'Adolf Hitler, 12 août 1939

Et Adolf Hitler attend dans son nid, le Nid d'aigle. Pour l'atteindre, les invités sont obligés de monter - jusqu'à deux mille mètres d'altitude - mais c'est une ascension qui nécessite une descente dans des cavités basaltiques très profondes de la terre, un enfoncement vers la lumière, un abîme qui mène au ciel , une sorte d'ascension vers les enfers.[...]

L'ascension au Nid d'Aigle est donc, du point de vue d'Hitler, une visite d'agrément gratuite mais, du point de vue des Italiens, elle pourrait être la dernière occasion d'éviter une catastrophe, d'éviter le carnage, de sauver des vies celles des autres et celles des leurs.[...]

Par contre, quel meilleur endroit que celui-ci pour commander et gérer cette "boucherie" qui s'annonce ? Autant la vue s’étend vers l’horizon sans limites, autant on ne voit, dans aucune direction, l’empreinte des êtres humains
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Les événements et les personnages de ce roman documentaire ne sont pas le fruit de l’imagination de l’auteur. Au contraire, les faits, les personnages, les dialogues et les discours relatés ici sont tous historiquement documentés et/ou rapportés par plusieurs sources dignes de foi. Reste cependant que l’Histoire est une invention à laquelle là réalité apporte ses propres matériaux. Mais sans arbitraire. (p. 4)
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Mussolini avait trop longtemps défié le destin pour ne pas sentir la menace d'un possible revers. Comme l'heureux Polycrate, averti par de sombres pressentiments, il semblait soucieux d'éviter son sort. Il était préoccupé par son union avec Hitler, qui avait des forces infiniment plus grandes. Il se voyait entraîné dans une voie qu'il avait lui-même ouverte, prisonnier du système qui lui devait la vie, et des passions qu'il avait déchaînées, vers un but qui lui paraissait pour le moins incertain.
Ayant provoqué le vent, il craignait la tempête.
Extrait des mémoires de Grigore Gafencu, ministre roumain des Affaires étrangères
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Celui qui administre une institution doit savoir se dépouiller bien souvent de ses propres convictions personnelles, mieux encore de ses propres sympathies, de ses propres préférences. Il doit en quelque sorte se dépersonnaliser, pour la protection d'un intérêt qui est au-dessus de ses propres convictions particulières.
Renzo Ravenna, réunion du conseil d'administration de l'Opera del Duomo, juillet 1934
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Au Palazzo Vecchio, à Boboli, ou à la Galerie des Offices, devant un Titien ou un Michel-Ange, chaque fois que le regard ému du peintre raté rencontre un objet digne de son amour féroce, sa gorge émet un murmure de jouissance.
Puis au bout de quelques instants sa voix métallique crie : "Si le bolchevisme était venu..." et, à chaque fois, forcément, Benito Mussolini, influent, opportuniste et aussi prêt à emprunter les idées des autres qu'Hitler reste obsessionnellement ancré aux siennes, de compléter la phrase en allemand-romagne : « … alles zersteèt » : tout détruit.
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Se vantant de la colère mal dissimulée avec laquelle les journaux français et anglais commentaient l'épreuve de force donnée par la marine italienne dans le golfe de Naples, Mussolini proclama : « Maintenant, même sur mer, l'Angleterre est finie ! »
[...]
Cet homme ridicule à qui les accents manquent (le professeur se moque de lui dans son journal lorsque Mussolini prononce le nom de l'île légendaire « Atlantìde ») va vraiment jeter les Italiens, en accord avec cet insondable touriste allemand, dans la fournaise de la guerre contre les plus grande puissance impériale de tous les temps et sa marine inégalée ? L'intellect, la culture, les bons accents importent-ils vraiment si peu face à la volonté malheureuse du pouvoir, aux immenses malentendus de l'histoire ?
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Oui, car en ce jour de Noël de l'année 1926 de Notre Seigneur, Benito Mussolini a aussi institué par une circulaire ministérielle une nouvelle scansion du temps. L'usage de la formule « ère fasciste» est encore facultatif dans les documents officiels. Ce ne sera bientôt plus le cas.
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Rome, 9 novembre 1926, 16h30 Parlement du royaume, Chambre des députés

En moins de quatre heures, la Chambre des députés a démoli ce qu'il restait de l'Etat libéral, s'est débarrassée de cent vingt-quatre députés élus et a anéanti une conquête qui constituait, en matière de droits civiques, une primauté de l'Italie dans le monde. L'opposition est morte, la liberté est abolie, la libre vie politique a pris fin.
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