Arkadi Filine

Les jeux de “Tokyo 2020/2021“ sont l'occasion d'admettre qu’un État peut organiser des Jeux olympiques au cœur de la catastrophe nucléaire. Après les jeux de la croix gammée en 1936, ceux du goulag en 1980, place aux Jeux de l’atome en 2021 ! 

Éculé, le mythe de la radiophobie est désormais abandonné par ses anciens chantres et a été troqué contre le concept de “stress informationnel“. L'anxiété due au manque d'informations est donc responsable des leucémies, cancers du colon, du poumon, de la vessie, du rein, de la thyroïde, du sein, des maladies du cœur et des vaisseaux, des altérations du système immunitaire, de l'arrêt du développement mental chez les enfants exposés in utero, de cataractes, de mutation, de malformations congénitales, de malformations du système nerveux. Pour soigner ses fâcheuses maladies psychosomatiques il suffit alors de “rétablir la confiance des populations vis-à-vis de leur environnement contaminé“.

Moins la situation est maîtrisable, plus on s'en remet aux spécialistes de la maîtrise de la situation. Qu'ils soient responsables de cette catastrophe n’y change rien, qui nous mentent non plus. Ils le savent bien, c'est la peur qui nous jette dans leurs bras. 

Tokyo-2020 sera non seulement la vitrine d'un Japon résilient mais aussi celle d'une industrie nucléaire résiliente.

Le rouleau qui comprime les cris des japonais est déjà passé par Tchernobyl. Vingt-cinq ans de gestion sociale des territoires contaminés ont fourbi les outils de la bureaucratie des année 2010. Elle le sait : faire disparaître la réalité sociale d’une catastrophe est avant tout affaire de découpage du temps et question d’agenda. “Catastropher, liquider, évacuer, réhabiliter, banaliser“ ont été les premiers épisodes d'un feuilleton destiné à nous faire oublier Fukushima. Au fil des ans, les institutions internationales et l’État japonais en ont imaginé d'autres : “démanteler, repeupler, étudier, célébrer“.

Voici donc le point de départ essentiel de la gestion de la catastrophe : traiter l'accident comme un simple épisode d'une catastrophe naturelle, la plus terrible depuis 1923 au Japon. La disparition de plusieurs villes et les 27 000 morts officiels rendent dérisoire l'annonce de l'effondrement du toit d'un réacteur ou même, plus tard, le classement de l'accident au même niveau que Tchernobyl. 

 Composé de salariés d'EDF, du CEA, de la COGEMA et de l’IRSN, le CEPN produit des rapports détaillés et produit les outils de la gestion étatique des risques que font notamment courir les installations nucléaires aux travailleurs et aux riverains des centrales. L'objectif affiché est bien de diffuser une certaine culture du nucléaire, c'est-à-dire une forme d'acceptation sociale aboutie. 

La hausse du seuil à 20 millisieverts par an, qui permet au gouvernement japonais de ne pas évacuer, n'est donc pas le simple bricolage dans un état agissant sous le coup de la panique ; c'est une norme que l'industrie nucléaire mondial s'est construite pour continuer à exister.

Une catastrophe nucléaire ne se liquide pas. De Tchernobyl à Fukushima, que s'organise les différentes institutions en charge des populations et des territoires contaminés.