Une longue discussion autour du roman Cimqa, d'Auriane Velten, par la Garde de Nuit.
Cette chose qu’ile fait, quoi que ce soit, est un choc pour mon esprit, comme peut l’être un orage, quand tonnerre, pluie et vent donnent toute leur puissance. Sauf que le résultat est aussi doux qu’un coucher de soleil, quand le ciel se pare de plus de nuances que je n’ai de mots pour les nommer. En fait, j’ai un mot, un mot très simple, pour dire ce que je ressens. Beau. Rien que le penser me semble être sacrilège. Pourtant, ça l’est. Beau. An être humain est en train, devant moi, de créer quelque chose de beau.
Pluie minérale : Paule vient de saupoudrer la terre de gravillons, qui rebondissent en riant. Je n’aurais jamais pu avoir une idée pareille. Agit-ile par intuition ? Ou y a-t-ile réfléchi à l’avance ?
Elle avait envie de hurler : survivre ne me suffit pas ! Parque qu'elle ne supportait plus ce corset de la peur. Elle se sentait limitée, obligée, détournée. Elle ne voulait plus avoir à penser à l'argent, et à sa retraite, et aux prédictions, et aux chiffres de vente. Elle ne supportait plus de devoir. Elle avait besoin de pouvoir. Et de créer.
Quelqu'un crie dans le rêve de Sarah.
Ensuite, elle est dans sa chambre.
Les aiguilles du réveil pointent "en bas, en bas", et Sarah sait que cela veut dire qu'elle doit rester encore un peu au lit. Cela signifie aussi que maman vient de se lever et d'allumer la bouilloire. L'eau est toujours chaude pile au moment où elle finit de se maquiller. Quand elle vient réveiller Sarah, elle sent bon le parfum et est déjà prête pour le travail, sauf qu'elle a encore ses chaussons-lapins roses, parce que les chaussures à talons, celles qui "font un peu mal au pied, ma chérie", attendent le dernier moment, sur le paillasson de l'entrée.
(Incipit)
Ile secoue la tête avec horreur, et grimace en me demandant : « Tu veux dire que nous mangions de la nourriture solide ? Que nous pissions et déféquions ? — Oui. — Et la copulation aussi ? — Oui. »
Ile ferme les yeux, et je devine sans peine qu’ile convoque toute la stabilité du Dogme pour maintenir son calme.
Cami a agi de sa propre initiative. Et contre le Dogme. Le Dogme préconise de rester humble face à ce que nous ne comprenons pas. Le Dogme préconise de rester loin de ce que nous ne maîtrisons pas. Mais Cami s’est rapproché, autant qu’ile a pu. Cela ressemble à de la curiosité. Ce n’est pas dans le Dogme. C’est une façon d’agir pré-cataclysmique.
Si on se croit différent, on peut se croire supérieur.
Une fois revenu de ma surprise, je soulève le problème du mantra de l'égalité. J'avais toujours supposé que, si toutes nos vies se valent, aucune ne mérite d'être racontée. Mais Paule souligne que ce mantra peut aussi bien signifier qu'elles le méritent toutes, à condition de l'être à égale hauteur. Interprétation que je m'empresse d'accepter.
Je ne ressens plus rien., l’impénétrabilité de nos trouvailles ayant fini par me rendre apathique. Jusqu’à ce que le contenu d’une petite boîte m’arrache de ma léthargie.
Un livre !
Paule sursaute, car j’ai hurlé de joie pure, d’enfin reconnaître quelque chose - et une chose qui peut, qui va, m’apporter des réponses.
Agir différemment est le premier pas vers l’inégalité entre les humains.
- Dieu? m'interrompt Paule. C'est quoi?
- C'est difficile à expliquer. Imagine un être plus grand que nous.
- Comme un éléphant?
- Non, pas plus grand en taille, enfin, peut-être que si, mais plus grand en tout. Plus intelligent, plus savant, plus puissant. Un être doté de capacités illimitées.
- Et il serait où? Pourquoi on ne le voit pas?
- Mon lexique le définit comme "transcendant". Il n'appartient pas au même niveau d'existence que nous.