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Citations de Béatrice Bottet (177)


— Ma petite demoiselle, dit l’homme quand elle se fut calmée, sachez que vous avez été fort imprudente de vous aventurer par ici. Il y a beaucoup de gens pauvres et honnêtes dans l’East End, mais il y a aussi de sacrés malfaiteurs, des tireurs de couteaux, des proxénètes qui vous auraient mise dans leur cheptel, des mégères qui auraient très bien su vous défigurer…

— Oh… fit Penny en plongeant le visage dans ses mains.

— Personne ne vous fera de mal, maintenant. Je me flatte d’avoir une certaine influence ici. Mais il ne faut pas trop tirer sur la ficelle. Nous allons vous raccompagner.

— Mais… fit Penny.

— Ah oui. C’est vrai. Vous cherchiez Foxglove Court, fit le paralytique en ordonnant d’un geste à ses porteurs de se mettre en route. Et pourquoi donc, je vous prie ? Je peux peut-être vous aider.

— C’est pour… pour une… J’ai une enquête en route. Je… je suis journaliste… bredouilla-t-elle.

— Journaliste ? Comme c’est intéressant ! apprécia l’accordéoniste. Et vous comptez enquêter à Foxglove Court ?

— C’est cela. Vous… pouvez m’y conduire ?

— Non mademoiselle. Quand j’ai parlé de vous accompagner, c’était à la station de fiacres.

Penny soupira de soulagement. Au fond, elle préférait cela. Elle ramassa son chapeau, refit rapidement son chignon et emboîta le pas aux porteurs de l’infirme.

— Mais si vous voulez vraiment continuer à enquêter, revenez demain, vers midi. À la petite place où vous nous avez vus tout à l’heure. Quelqu’un vous mènera. Ensuite, miss, vous serez gentille de revenir me parler un peu. Je ne marche pas, voyez-vous. C’est le monde qui vient à moi et j’en suis curieux. Une journaliste, pensez donc ! Je ne vais pas laisser passer l’aubaine !

— Av… av… avec plaisir, balbutia-t-elle, glacée et reconnaissante à la fois.
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Elle se rappela sa mère parlant du danger des classes populaires, tremblant de peur à chaque fois que son mari s’affublait d’une défroque un peu trop pouilleuse pour descendre incognito vers l’East End. Elle se rappela ce qu’on lui avait dit des pauvres et des ouvriers : ils étaient toujours dangereux, fondamentalement dépravés et vicieux. Même les enfants, dès leur plus jeune âge. Il convenait donc de les éviter autant que possible et, quand on en croisait un sur sa route, de faire comme s’il n’existait pas. À la limite on pouvait lui glisser une pièce, montrer une vraie charité, mais toujours avec distance, pour qu’il comprenne bien.
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« C’est notre vie à nous. Qu’est-ce que vous venez donc y faire ? » semblaient dire certaines expressions sur les visages.
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Où pouvait bien se trouver Foxglove Court ? Les rues misérables se ressemblaient toutes, maisons minables aux murs de briques noircies, rues étroites et défoncées pleines de fange, d’ordures, de flaques malodorantes. Çà et là, à des coins de venelles, des boutiques sombres et miteuses dont on se demandait avec effarement quelles pauvres merveilles elles pouvaient abriter. Ici ou là, des enseignes à trois boules désignaient des échoppes de prêteurs sur gages, alternant avec des pubs qui s’efforçaient d’attirer l’œil : appuis de fenêtres colorés, quinquets allumés, bien que fuligineux, enseignes dont certaines avaient même une touche de doré. S’en échappaient des bruits, des odeurs, des gens étranges, sûrement de sac et de corde. On y braillait des chansons et on y poussait des cris, voilà tout ce que Penelope pouvait en juger en jetant un coup d’œil furtif vers les fenêtres obscurcies. Elle fit des détours prudents en passant devant ces pubs qui pouvaient s’ouvrir sur n’importe quel marin en goguette, n’importe quelle prostituée imbibée de gin, n’importe quel ouvrier des manufactures venu claquer là un bien piètre salaire. La lie de la société. Un monde dont elle n’ignorait évidemment pas qu’il existât, mais auquel elle n’avait jamais eu à se frotter.

Les livres et les journaux décrivaient abondamment l’indigence des bas quartiers, les œuvres de bienfaisance alertaient l’opinion tout en essayant de faire pression sur le gouvernement pour que cesse le scandale de la misère et de l’horreur quotidienne. Penelope avait lu certaines choses sur ces sujets. Jamais elle ne se serait imaginé que la réalité correspondait à cela, ces rues infâmes, ces maisons lépreuses, ces pavés gluants, ces cris vulgaires, cette odeur infecte qui planait avec insistance. Depuis qu’elle avait quitté l’orchestre de rue, la réalité la rattrapait et elle en avait le cœur soulevé de dégoût et l’âme prise de compassion pour les malheureux qui vivaient ici.
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— Moi, dit le type, du haut de son siège, avec un agaçant air supérieur, j’irai pas plus loin.

— On avait dit jusqu’à Foxglove Court, fit Penelope, aussi glaciale qu’elle le put. Et je vous rappelle que j’ai payé d’avance.

Elle ne dédaignait pas, quand les circonstances l’exigeaient, d’arborer ce petit air autoritaire et pincé des filles de la bonne société, et elle s’y prenait à merveille.

— M’est complètement égal, dit le cocher. Moi j’avance pas plus loin. D’ailleurs lui non plus y veut pas, fit-il en désignant du menton son pauvre diable de cheval qui n’en demandait pas tant. Z’avez qu’à lui en parler. C’est pas pour lui, ces quartiers-là, le fiacre passera jamais. Trop petites rues, trop étroites.

— Et trop mal famées surtout, c’est ça ?

Car Penelope s’était bien rendu compte qu’on approchait d’un quartier douteux. À sa décharge, elle n’avait aucune idée de l’endroit où se trouvait Foxglove Court quand elle avait donné l’adresse au cocher.

— Et sauf votre respect, miss, à me mêler de c’ qui m’ regarde p’t’ ête pas, j’ vois pas trop ce que vous pourriez y faire, à Foxglove Court.

« Des affaires à moi, pensa-t-elle in petto, et ça ne vous regarde sûrement pas, en effet… »

— J’ vais pas plus loin, répéta le cocher tandis qu’elle se recroquevillait au fond de la banquette en exigeant qu’il continue.

En vain.

Il quitta son siège et ouvrit la portière avec une courbette.

Elle descendit de mauvaise grâce alors qu’il la plantait sur les pavés et remontait placidement à sa place. Le fiacre s’éloigna vers des quartiers plus civilisés.
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Cette fois, Penelope Green se retrouvait seule. Vraiment seule. Elle serra les dents. Elle se montrerait digne des recommandations et des leçons de son père. Elle se montrerait Anglaise jusqu’au bout des ongles : à la fois respectable, courageuse, sérieuse, pimpante et, s’il le fallait, sarcastique avec humour. Du moins se le disait-elle en chassant nerveusement ses larmes.
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Il était tombé tout habillé dans la Tamise lors de sa précédente enquête. Il avait plus de cinquante ans et n’était pas au mieux de sa forme. L’eau grasse et glaciale et les brumes délétères qui planaient sur la capitale s’étaient combinées pour avoir raison de son organisme affaibli. Il était lucide, il savait qu’il n’y survivrait sûrement pas et il avait fait ce qu’il fallait pour que sa Penelope s’en tire sans devoir en passer par un mari ou un tuteur. Seul un lointain notaire veillerait sur elle et lui enverrait chaque mois l’argent de sa rente.
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Elle posa les dossiers sur ses genoux et en lut les titres à voix haute. Son père lui fit faire des piles, mentionnant à quel service ou à quel collègue elle devrait les transmettre.

À la fin ne resta plus qu’un document qui portait pour titre : 21 Foxglove Court.

— Et celui-là, pour finir, annonça-t-elle en ouvrant la chemise cartonnée.

— Ne regarde pas ! fit alors James Alec Green dans un sursaut inattendu. Donne-moi cela.

Il saisit le dossier, mais des papiers divers glissèrent à terre, quelques photographies, des coupures de journaux, des lettres.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda Penelope, intriguée, en ramassant le tas.

— Rien qui t’intéresse, répondit Green en remettant bien vite dans la chemise les papiers qu’elle lui tendit, comme s’il voulait les dissimuler. Aide-moi à me lever.

— Mais, papa, ce n’est pas raisonnable.

— Fais ce que je te dis !

Il tenait fermement le dossier Foxglove Court à la main et il se dirigea vers la cheminée. Là, d’un geste brusque, il jeta le tout au feu. Les flammes lancèrent de grandes lueurs jaunes et bientôt, sous le regard à la fois ébahi et consterné de Penelope, il ne resta plus que des cendres impalpables.
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Libre ? Est-on libre quand on est une fille et qu'on risque de se retrouver seule au monde ? Pénélope s'efforça de faire bonne figure, pour que la dernière image qu'emporterait son père ne soit pas un visage bouffi et humide de larmes.
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James Alec Green était mourant.

"Je vais me retrouver toute seule. Absolument toute seule", se dit avec un étonnement halluciné sa fille Pénélope, qui veillait à son chevet.
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Ces Français, se dit-elle, ils sont vraiment incorrigible. Ils vendraient leur âme au diable pour entamer la conversation avec une fille!
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- Chère Penelope, amorça-t-il en lui saisissant les mains. Je redoute que votre récent deuil ne soit trop difficile à supporter. La solitude, n'est-ce pas...

- Oh. Vous êtes venu me distraire.

- Vous tenir compagnie tout au plus, miss Green, enchaîna Mrs Hillier. Et dispenser les nécessaires conseils à la jeune fille que vous êtes. Tout d'abord, comment vous sentez-vous ?

- Au mieux, autant que cela soit possible trois mois à peine après la mort du dernier membre de ma famille.

- Vous ne portez pas le deuil, remarqua Mrs Hillier d'un air pincé.

- Je ne le porte PLUS, répondit Penelope, vexée de cette réplique perfide. Mon père lui-même m'a supplié de ne pas m'y contraindre. Je lui ai désobéi les deux premiers mois. Et maintenant, pour satisfaire ses dernières volontés, je reprends mes vêtements ordinaires.

- C'est inhabituel, susurra Mrs Hillier. Et un peu choquant, à vrai dire. Les convenances voudraient que vous respectiez au moins une année de deuil.

- Père me l'a interdit.

- Je vois, je vois...

Le fils interrompit cette réflexion maternelle qui se voulait compréhensive mais signifiait bien autre chose.
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Les marins portent des boucles d'oreilles depuis fort longtemps. Celles-ci sont sujettes à de nombreux symboles :
Depuis l'antiquité, porter un anneau d'or à l'oreille préserve de la noyade et des naufrages.
Le marin doit obligatoirement se percer l'oreille et ne pas utiliser des boucles à pinces. Le trou dans le lobe procure une bonne
vue et éloigne les maux ophtalmiques. Le marin aura une assez bonne vue pour repérer de loin des écueils, navires ennemis, etc.
L'anneau d'or à l'oreille est aussi un trésor pour le marin, principalement destiné au curé pour payer ses obsèques si le marin venait à mourir loin de son pays.
La boucle d'oreille était le symbole des fiançailles entre le marin et la mer.
Enfin, la boucle d'oreille était souvent portée par le marin seulement lorsqu'il avait réussi à franchir le Cap Horn, ce qui correspondait à un vrai trophée pour lui.
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L'algue a des vertus de guérison telles que les brûlures, fièvres, morsures, etc.
L'algue Varech (ou Goémon) rend intelligent et protège de la foudre, voilà pourquoi les marins en ornaient les parois de leur bâtiment
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Depuis l'antiquité, l'ail est utilisé pour éloigner la malchance. Il éloigne les tempêtes et les monstres aquatiques. Il donne du courage, de la force et se débarrasse des vermines.
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Les fleurs sont utilisées à l'élaboration des couronnes funéraires et sont jetées à la mer lors du décès d'un marin.
Il est souvent déconseillé d'en amener sur un bateau au risque de "provoquer" la disparition du marin lors de son
prochain voyage.
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Les marins sont convaincus que le bateau est doté d'une âme.
Les anglais ont pour habitude dans leur propre langue de ne pas donner de masculin ni féminin pour des objets
inanimés, or, pour les bateaux, ils disent "he" ou "she", comme d'une personne humaine.
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N'appelez jamais un marin au moment de son départ, ne jamais l'interrompre sinon un grand malheur s'abattra sur lui en mer. Courez plutôt à sa rencontre pour lui parler ou lui donner un objet face à face.
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Les marins, arrivés près du Cap-Horn, chantaient à pleine voix au labeur, craignant d'entendre un chant autant redouté que délicieux : celui des sirènes qui cherchaient à les attirer dans les entrailles de l'océan.
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On ne jure pas à bord d'un navire, ça porte malheur aux pêcheurs, le poisson fuit.
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