Le regard d'un bébé, on ne peut s'en détourner, il vous capte.
Et ce regard nous pose deux questions fabuleuses et absolument dérangeantes :
" Pourquoi est-ce que t'es pas comme moi ? " et
" Qu'est-ce que tu vas faire pour que je ne devienne pas comme toi ? "
[inteview de Claire de Serres, avril1996]
C'est la société, à l'heure actuelle, qui veut que l'on nie un certain nombre de choses qui existent : l'angoisse, la crainte, la peur, la détresse, le désespoir, la faiblesse, ça devrait plus exister. Mais si. Ca existe.
_ Je pensais à une poésie que j'avais lu : "Mourir au printemps, ça m'arrangerait bien, j'aurais les fleurs. Mourir en été, c'est la saison des odeurs enivrantes, mourir à l'automne, c'est la glorification des couleurs, mais pour tout dire, j'aimerais bien ne pas mourir du tout." Voilà ce qu'on désire...
Je crois que ce qu'il faut, c'est une attitude et une certaine connaissance. Il faut savoir comment contrôler les symptômes, il faut savoir comment supprimer la douleur... en gardant surtout au malade toute la validité intellectuelle ou autre qu'il peut garder pendant ce temps là. Donc, contrôle de la douleur, contrôle des autres symptômes, attitude qui écoute la famille, attitude qui essaie de ... enfin, j'emploie le mot "guérir", mais il faut le comprendre... peut-être dans le sens anglo-saxon de "healing".
- Soulager au sens large ?
- Oui. Il faut aborder le patient dans son contexte social. Et la cellule familiale est comme un mobile.
Alors quelque part, quelqu'un qui nous est cher est en train de mourir, sa vie est en train de s'arrêter. Sachons nous arrêter aussi. Ne ratons pas notre prochain rendez-vous. Cessons de nous conduire en parfait petit robot, sortons du rang pour accompagner celui qui meurt. Nous avons notre coeur à ouvrir, des paroles à échanger, des émotions à vivre, vivons-les ! Ne laissons pas les autres nous en déposséder, ne laissons pas sans avoir tout tenter venir le temps des hommes en noir.
La naissance, c’est ouvrir le chemin au bébé qui se fait naître. [...]
Quand on invite l’enfant à le dire autrement, quand on accepte ses pleurs – ‘Tu veux me dire quelque chose ?’ – ‘Je voudrais comprendre’- il est déjà moins malade physiquement. Certes, il souffre mais il est en communication sans arrêt. [...]
Si vous observez attentivement un bébé que l’on prend dans les bras et que l’on tourne vers notre poitrine, vous vous apercevrez qu’instinctivement, il cherche le sein, il cherche à téter. Il faut réserver cette position pour l’allaitement sinon on désoriente l’enfant. [...]
Faire comprendre [à l’enfant] ce qu’on fait avec lui pendant les soins, ce qu’on attend de lui, parce que les soins sont un moment très important dans la vie de l’enfant.
J'estimais en approchant les mourants, comme toujours quand je m'approche de la souffrance pour porter témoignage, que je n'étais pas là pour avoir des états d'âme ou des vapeurs. D'une part le respect de la souffrance d'autrui impose de ne pas faiblir, suppose au préalable la certitude intime que l'on saura y faire face.
"L'attitude conventionnelle, dominant le monde industrialisé, dont le premier but est de contrôler tout ce qui se passe. Pour moi, contrôler c'est perturber"
Notre travail, comme le sien justement, consistait à mettre en avant le fait qu'au-de-là des apparences il y avait une vie qui reste, qui vaut la peine d'être vécue et d'être accompanée, et puis que, donc, de tempsà autre, la mort survenait comme en d'autres lieux la naissance, comme une chose naturelle qu'il convenait, pour la remettre à sa vraie place, avec l'aide de toute son équipe, de filmer aussi...