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Critiques de Bernard Mazo (3)
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Cette absence infinie

Bernard Mazo, qui nous a quittés en 2012, était poète, essayiste et critique. Il était aussi animateur aux Voix vives de Méditerranée à Sète ainsi que membre du jury du prix Apollinaire et de l’Académie Mallarmé. Dire de lui qu’il était un passionné de la poésie est une évidence.

Parmi la dizaine de recueils qu’il a publiée, j’ai aimé Cette absence infinie (Le dé bleu, 2004)



La fraîcheur du matin

Ou rien



Et ce silence

Dans l’incandescence

De l’été.



Le silence, oui, qui revient tel un refrain tout au long de la centaine de pages de ce recueil. Silence qu’accompagnent la mort et la beauté du monde car, chez le poète, « face à la beauté désespérée du monde » on ne peut que se taire. La mort qui nous accompagne est une douleur consciente qui s’oppose à « l’ombre désespérée de la beauté ». Cependant, à cette fin qui nous attend, Bernard Mazo opposait sa propre résistance.



Si je chante la douceur des choses,

si je dis la douleur des jours,

c’est uniquement pour ne pas trébucher

pour ne pas mourir…



Il faut vivre, pourtant, dans « l’âpreté des jours », combien même la vie est « comme une attente jamais comblée » et le désir est fort de s’enfouir « dans le silence assourdissant du poème »

Le poème est là pour évoquer ce mal être persistant, mais c’est avec une lucidité aiguë que le poète affirme :



Tel sera notre exil :

cette page blanche

où va dérisoire

s’engloutir le poème…



Et si, parfois les souvenirs remontés de l’enfance semblent adoucir le « temps traversé », persiste « l’odeur poignardée des lilas de l’enfance. »



Le poète s’est tu mais sa poésie, d’une concision polie aux arêtes vives de la vie, poursuit son murmure dans nos silences.

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Jean Sénac, poète et martyr

Une biographie dense, presque 500 pages, parfaitement renseignée, une évocation d' un poète, Jean Sénac (1926-1973), par un autre poète Bernard Mazo (1939-2012).

Sénac l'oranais, né à Béni Saf (Oranie) « sous le soleil noir des poètes saturniens » l'artiste, le chantre des amours homosexuelles, l'insurgé, le subversif, le fraternel, l'utopique, est l'enfant naturel d'une mère d'origine espagnole (Il serait né d'un viol).

Il côtoie Emmanuel Roblès, Jean de Maisonsseul, Mohammed Dib, Jules Roy, Edmond Charlot… mais c'est surtout ses rencontres avec Albert Camus (comme lui d'ascendance espagnole, de famille pauvre, tuberculeux, privé de père) et René Char qui vont être déterminantes pour le jeune homme, ils vont l'aider à entrer en littérature avec la publication de son premier recueil « Poèmes » . Entre Camus et Sénac les liens seront affectueux, comme entre un père et un fils, Camus l'appelle d'ailleurs « mi hijo »

Sénac, installé en France, soutient, dès 1955, le FLN , il devient un membre actif et pense même à prendre le maquis il est en contact avec Larbi Ben l'Hidi, Amar Ouzegane…. A l'inverse de Camus, il ne condamne pas les attentats, les exactions et les violences aveugles dont sont aussi victimes les civils, car c'est, pour lui, la réponse obligée au colonialisme. Ce sera la fracture irrémédiable entre eux. Dès l'Indépendance Sénac qui croit en une Algérie nouvelle rentre à Alger, il occupera diverses fonctions dans le domaine culturel mais ne pourra jamais obtenir la nationalité algérienne. L'arrivé de Boumediene au pouvoir va entraîner une chute inexorable, il finira assassiné dans sa « cave-vigie » par un prétendu voleur, agissant probablement pour le compte de personnes influentes au sein du gouvernement. Son dernier voeu, lui aussi, ne sera pas exhaussé : être inhumé dans un cimetière musulman…

Quelques photos enrichissent avantageusement cet ouvrage particulièrement intéressant et foisonnant d'informations, pour moi, inédites.



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Jean Sénac, poète et martyr

Jean Sénac, poète et martyr est le titre d’une belle biographie de Bernard Mazo paru aux Editions du Seuil en 2013 . Quelle vie ! Une jeunesse dans l’Algérie coloniale à Oran auprès d’une mère aimante et un peu envahissante, une jeunesse joyeuse mais dans une grande pauvreté et surtout une blessure fondatrice : l’absence du père, dès lors recherché et idéalisé. Une vie en marge, un amour pour son pays et son peuple, un combat de tous les jours pour la liberté et l’indépendance de ce pays et puis, la déception, l’abandon et la mort. Assassiné comme Pier Paolo Pasolini, dans cette cave qui lui servait de logement les dernières années de sa vie. Quelle tristesse qu’un être de ce talent, reconnu comme un grand poète, connaisse un tel destin. Mais, sans doute, ces malheurs sont ils à l’origine de son talent poétique. Il est de la race des poètes maudits.

Jean Sénac fut ami et admiré par deux grands esprits : Albert Camus et René Char. Son amitié tumultueuse avec Albert Camus est très bien décrite dans ce livre depuis le premier échange de lettres jusqu’à la rupture et à la mort de Camus. Il est vrai que leur jeunesse, dans cette Algérie coloniale, se ressemble beaucoup : orphelin de père, pauvreté, mère faisant des ménages pour survivre, mais il y a en plus, si l’on peut dire, chez Sénac la bâtardise, le père inconnu alors que Camus a perdu son père à la guerre.

Est-ce cette semblable jeunesse qui a fait que Camus s’est attaché à Jean Sénac qu’il appelait familièrement Mi Hijo (mon fils) qu’il l’a aidé a de très nombreuses reprises ? Sans doute mais aussi le talent incontestable de ce poète qu’Albert Camus a su immédiatement reconnaître.

Que dire encore ? La brouille avec Camus qu’il ne pourra oublier et avec qui il souhaitera, plusieurs fois renouer comme lorsqu’il écrivit ces lignes :

« Malgré les ruptures, malgré les crimes des Maîtres du Sarment, la terrible colère de mes frères, malgré la nuit du sang où nous sommes plongés, je sais que nous retrouverons un jour, ensemble, la paix fraternelle de Fiesole que j’avais aimée avant de la vivre dans les pages de Noces. »

Dire aussi, le combat de Sénac pour une Algérie indépendante, son retour en Algérie après 1962, ses fonctions quasi officielles dans le nouveau pays et, peu à peu, la désillusion devant les dérives de ceux qui avaient fait la guerre, la rupture avec éclat, l’isolement , son assassinat tragique et l’attitude indigne de certains dignitaires du FLN dont il avait été pourtant le compagnon et qui n’ont pas fait, à ce moment là, honneur à l’Algérie.

Mais évoquant, ici, un poète il est nécessaire de renvoyer a son œuvre et de citer quelques vers.



Seigneur, pourquoi m’avez-Vous fait

D’une aussi peu commune argile ?

Mais vous m’avez voulu poète

Et frappé d’un Mal sans recours :

Trop de Rêve et trop peu d’Amour

Pour satisfaire en moi la Quête.



Et aussi

Belle peau de douce orange

Et ces dents de matin frais !

La misère donne le change

Ne vous fiez pas à tant de beauté.

Ici on meurt en silence,

Sans trace au matin frais.



Et enfin



Je dis que la mer est aussi bleue que les blés

Je dis que le vin chante au menton mal rasé

Je dis que la serviette a l’odeur de tes songes

Si le mot était de pain

Il passerait mieux la gorge



Nous pourrions enfin être heureux
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