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EAN : 9782021092783
495 pages
Seuil (03/10/2013)
5/5   2 notes
Résumé :
Jean Sénac, fils bâtard d’une modiste espagnole et d’un coiffeur français, est né en 1926 à Béni-Saf, port minier algérien. Il a rapidement voulu être poète et critique littéraire. Dès la fin de la guerre de 39-40, il fonde la revue "Terrasses" et se lie à de nombreux poètes écrivains. C’est à Albert Camus qu’il doit sa première publication, Poèmes, dans la collection "Espoir" chez Gallimard, en 1954, avec une préface de René Char. Entre 1954 et 1962, Jean Sénac s’i... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Une biographie dense, presque 500 pages, parfaitement renseignée, une évocation d' un poète, Jean Sénac (1926-1973), par un autre poète Bernard Mazo (1939-2012).
Sénac l'oranais, né à Béni Saf (Oranie) « sous le soleil noir des poètes saturniens » l'artiste, le chantre des amours homosexuelles, l'insurgé, le subversif, le fraternel, l'utopique, est l'enfant naturel d'une mère d'origine espagnole (Il serait né d'un viol).
Il côtoie Emmanuel Roblès, Jean de Maisonsseul, Mohammed Dib, Jules Roy, Edmond Charlot… mais c'est surtout ses rencontres avec Albert Camus (comme lui d'ascendance espagnole, de famille pauvre, tuberculeux, privé de père) et René Char qui vont être déterminantes pour le jeune homme, ils vont l'aider à entrer en littérature avec la publication de son premier recueil « Poèmes » . Entre Camus et Sénac les liens seront affectueux, comme entre un père et un fils, Camus l'appelle d'ailleurs « mi hijo »
Sénac, installé en France, soutient, dès 1955, le FLN , il devient un membre actif et pense même à prendre le maquis il est en contact avec Larbi Ben l'Hidi, Amar Ouzegane…. A l'inverse de Camus, il ne condamne pas les attentats, les exactions et les violences aveugles dont sont aussi victimes les civils, car c'est, pour lui, la réponse obligée au colonialisme. Ce sera la fracture irrémédiable entre eux. Dès l'Indépendance Sénac qui croit en une Algérie nouvelle rentre à Alger, il occupera diverses fonctions dans le domaine culturel mais ne pourra jamais obtenir la nationalité algérienne. L'arrivé de Boumediene au pouvoir va entraîner une chute inexorable, il finira assassiné dans sa « cave-vigie » par un prétendu voleur, agissant probablement pour le compte de personnes influentes au sein du gouvernement. Son dernier voeu, lui aussi, ne sera pas exhaussé : être inhumé dans un cimetière musulman…
Quelques photos enrichissent avantageusement cet ouvrage particulièrement intéressant et foisonnant d'informations, pour moi, inédites.

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Jean Sénac, poète et martyr est le titre d'une belle biographie de Bernard Mazo paru aux Editions du Seuil en 2013 . Quelle vie ! Une jeunesse dans l'Algérie coloniale à Oran auprès d'une mère aimante et un peu envahissante, une jeunesse joyeuse mais dans une grande pauvreté et surtout une blessure fondatrice : l'absence du père, dès lors recherché et idéalisé. Une vie en marge, un amour pour son pays et son peuple, un combat de tous les jours pour la liberté et l'indépendance de ce pays et puis, la déception, l'abandon et la mort. Assassiné comme Pier Paolo Pasolini, dans cette cave qui lui servait de logement les dernières années de sa vie. Quelle tristesse qu'un être de ce talent, reconnu comme un grand poète, connaisse un tel destin. Mais, sans doute, ces malheurs sont ils à l'origine de son talent poétique. Il est de la race des poètes maudits.
Jean Sénac fut ami et admiré par deux grands esprits : Albert Camus et René Char. Son amitié tumultueuse avec Albert Camus est très bien décrite dans ce livre depuis le premier échange de lettres jusqu'à la rupture et à la mort de Camus. Il est vrai que leur jeunesse, dans cette Algérie coloniale, se ressemble beaucoup : orphelin de père, pauvreté, mère faisant des ménages pour survivre, mais il y a en plus, si l'on peut dire, chez Sénac la bâtardise, le père inconnu alors que Camus a perdu son père à la guerre.
Est-ce cette semblable jeunesse qui a fait que Camus s'est attaché à Jean Sénac qu'il appelait familièrement Mi Hijo (mon fils) qu'il l'a aidé a de très nombreuses reprises ? Sans doute mais aussi le talent incontestable de ce poète qu'Albert Camus a su immédiatement reconnaître.
Que dire encore ? La brouille avec Camus qu'il ne pourra oublier et avec qui il souhaitera, plusieurs fois renouer comme lorsqu'il écrivit ces lignes :
« Malgré les ruptures, malgré les crimes des Maîtres du Sarment, la terrible colère de mes frères, malgré la nuit du sang où nous sommes plongés, je sais que nous retrouverons un jour, ensemble, la paix fraternelle de Fiesole que j'avais aimée avant de la vivre dans les pages de Noces. »
Dire aussi, le combat de Sénac pour une Algérie indépendante, son retour en Algérie après 1962, ses fonctions quasi officielles dans le nouveau pays et, peu à peu, la désillusion devant les dérives de ceux qui avaient fait la guerre, la rupture avec éclat, l'isolement , son assassinat tragique et l'attitude indigne de certains dignitaires du FLN dont il avait été pourtant le compagnon et qui n'ont pas fait, à ce moment là, honneur à l'Algérie.
Mais évoquant, ici, un poète il est nécessaire de renvoyer a son oeuvre et de citer quelques vers.

Seigneur, pourquoi m'avez-Vous fait
D'une aussi peu commune argile ?
Mais vous m'avez voulu poète
Et frappé d'un Mal sans recours :
Trop de Rêve et trop peu d'Amour
Pour satisfaire en moi la Quête.

Et aussi
Belle peau de douce orange
Et ces dents de matin frais !
La misère donne le change
Ne vous fiez pas à tant de beauté.
Ici on meurt en silence,
Sans trace au matin frais.

Et enfin

Je dis que la mer est aussi bleue que les blés
Je dis que le vin chante au menton mal rasé
Je dis que la serviette a l'odeur de tes songes
Si le mot était de pain
Il passerait mieux la gorge

Nous pourrions enfin être heureux
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Lettre de Jean Sénac à Camus
Albert Camus,
Je ne peux vous dire « Monsieur » c’est trop conventionnel ni « cher ami », trop familier. Vous ne me connaissez pas. Je vous connais sans vous avoir vu. Lecture, photos, conversations m’ont permis de situer l ‘homme par son œuvre et sa vie. Je vus connais donc (…)
Camus lui répond
Cher Sénac,
Oui, vous avez bien fait de m’écrire. Ce qui vient de là-bas m’est toujours cher, mais que dire d’un camarade de vingt an, et poète et pas très bien portant comme je l’ai été dans la même chaleur. Peu de lettre pouvaient me toucher autant que la vôtre (…) Reposez -vous bien. Travaillez et soyez heureux. Je pense à vous fraternellement puisque nous sommes tous frères là-bas et je vous serre la main. Camus accompagne sa lettre d’une promesse : adresser à Sénac un exemplaire dédicacé de La Peste. Promesse tenue(…)
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Sénac passe trois jours au château de Lourmarin dont il est boursier par l’entremise de ma Fondation Laurent-Vibert (…) puis se rend chez René Char, son nouveau « dieu » - comme il le surnommera dans son recueil Avant-propos – qui l’attend aux Busclats, sa maison de L’Isle-sur-la- Sorgue (…) Durant son séjour chez Char, Sénac écrit à Camus, le 13 septembre, (…) sur une carte postale :
Je viens de passer avec Char une semaine magnifique (…) Merci Camus de m’avoir fait connaître cet homme. Il est Purificateur et Promesse, prestigieuse simplicité. Poète irrigué de sans vif…
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(…) Il trouve refuge dans un minuscule appartement (…) Ce « trou à rat » lui est laissé libre par son locataire, le peintre espagnol Diaz Ojeda (1888-1968) qui a participé à la guerre d’Espagne avec les Républicains. Après la guerre civile, se réfugie à Oran en mars 1939. Il aura droit, de la part de l’importante communauté pied-noir d’origine espagnole d’Algérie , à des obsèques grandioses avec les drapeaux jaune, rouge et violet de la République espagnole. Sénac, pour la circonstance, va lui rendre un vibrant hommage à la radio.
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Oran de l’aube
A l’heure du matin où je rejoins ma chambre, après les promenades sourdes, la colline couvre la ville d’une ombre jaune qui sent le papier et le chou. Les premiers bruits de fer-blanc, de moteurs et de pas déferlent sur les rues (…) ; dans une heure, il fera chaud. Les arbres d’ici ne sont pas verts, mais d’un gris plâtré, comme dartrés, recouverts de toiles d’araignées inégales. Ils ont l’immobilité fascinante des choses pétrifiées…
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Rue des Juifs, tu te souviens, je vois les tonneaux d’olives, les galettes, ces soleils tout troué qui cassaient sous la dent. Les galettes blanches aux entournures brunes, le pain azyme ! Les olives noires, les vertes casses, les anchois. Ô odeurs ! Ô multicolores criailles !...
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Ballade francs-tireurs et partisans.
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