AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

3.41/5 (sur 29 notes)

Nationalité : Suisse
Né(e) à : Lausanne , 1975
Biographie :

Né en 1975, Bertrand Schmid a notamment enseigné le français après des études de grec ancien et d’égyptologie. Il a ensuite repris la plume lâchée à vingt ans et publié son premier roman, Ailleurs, aux éditions d’autre part en 2011. Polygraphe et écrivant sans cesse, il participe à divers événements dans le milieu de l’art contemporain. Il collabore très régulièrement au blog litterature-romande.net.

Source : Editions de l'Abat-jour
Ajouter des informations
Bibliographie de Bertrand Schmid   (6)Voir plus

étiquettes
Videos et interviews (2) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de

Rentrée littéraire 2016 - Bertrand Schmid nous présente son roman SAISON DES RUINES, à paraître le 15 août 2016 en librairie. Il est des saisons qui grignotent et bouffent l?espoir, parce qu?on l?a trop cultivé, ou si mal, qu?on a confondu rêves et promesses, que les nuages filent trop haut et trop loin. Deux personnages, Annie la jeune Anglaise et Michel le paysan de montagne, chacun dans son monde, verront s?effriter leur présent ? sous les pluies pour l?un et dans les terrains vagues pour l?autre. Elle, insouciante, abreuvée de télévision et de mauvais Bacardi, enivrée des cancans des copines et des garçons qui lui tournent autour, se meurtrira à petits coups dans une banlieue du Nord de l?Angleterre. Lui, quelque part dans les Alpes, croit que les choucas sont les seuls à être maltraités par les vents. Dans son effort pour sauver son jeune apprenti, il finira terrassé par ses propres tourments. Tous deux comprendront à force de ricochets que les envies d?ailleurs ou de demain finissent souvent par se digérer à petites goulées, une fois les passions retombées. le soleil partage naissance et trépas dans un même rougeoiement, dans les mêmes profondeurs. Né en 1975, Bertrand Schmid a suivi des études de grec ancien, d?égyptologie et de théologie. Il a repris ensuite la plume lâchée à vingt ans et publié un court récit, Ailleurs, aux éditions d?autre part en 2011. Polygraphe, boulimique littéraire, il rédige des textes pour le milieu de l?art contemporain (Manuel Müller, sculpteur) et des nouvelles pour des revues (Le Persil, L?Abat-Jour, Arkhaï). Les poètes maudits et les expérimentateurs du langage retiennent facilement son attention, mais il confesse également un goût certain pour l?absurde ou la science-fiction la plus sombre. Il enseigne actuellement le français langue étrangère et habite à Neuchâtel. https://www.facebook.com/EditionsLAgeDHomme/?fref=ts https://www.lagedhomme.com http://bertrandschmid.ch https://www.facebook.com/bertrand.schmid?fref=ts

+ Lire la suite

Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
La solitude l'étreint. Elle voudrait Jenny près d'elle, comme avant, à rire ou à seulement se taire, à partager sa présence. Mais, avec l'aube, c'est non seulement sa jeunesse qu'elle sent se diluer dans un autre âge, mais aussi ses amitiés qui s'évanouissent. Elle comprend que ses désirs, ses souhaits, ses rêves ne modèlent pas le monde. Elle devine que c'est lui qui impose sa forme, compresse, broie et s'amuse de sa torture. Devenir adulte, elle ne le soupçonnait pas, c'est insidieux, c'est un flot qui submerge doucement, emporte sans que l'on s'en aperçoive.
Commenter  J’apprécie          40
D’abord, en entrant, il leva le menton. On le salua, un doigt vers la tempe, sourcil haussé. Vassili, c’était un taiseux. Avant de s’avancer, il tapa la botte gauche contre la droite, par habitude, vu que la seule neige n’était encore qu’une poudreuse oubliée. Les bois s’étaient tus, ces jours. Un air apeuré montait droit aux sinus, annonçait huit mois de frimas. On ne pouvait s’y tromper. Dans l’échoppe, il faisait chaud, alors il ouvrit large son manteau qui flottait à mi-cuisse. Il inspira un grand coup. Ne rien omettre. Dernier voyage avant l’hiver. La liste, il l’avait en tête. C’est en silence donc qu’il alla, entre les rayons, prendre ce qu’il lui fallait.
Chez l’Anton, on trouvait presque tout ; pour le reste, on se débrouillait. Vassili fit claquer une corde. Son chanvre crissa entre ses mains. Il dénicha de la bure, pour calfeutrer fenêtres et portes – parfois, le vent chassait les giboulées, criblait les carreaux. Il amassait ses emplettes, au fur et à mesure, sur le comptoir, au sol entassait les trop lourdes. Anton le regardait faire. Ils calculaient, tous deux mutiques. Chiche ! Les totaux diffèreraient. Ni l’un ni l’autre ne céderait ; au fond de l’échoppe, autour d’un verre de gnôle, nous nous préparions à réclamer une trêve. L’alcool servait aussi bien de désinfectant, de combustible que de philtre.
« Voilà ». Vassili se tenait devant sa ribambelle de vivres et d’ustensiles : bâches, harnais, courroies, têtes de pioche, poisson, haches, manches, couteaux, fil de fer, clous, chou rouge, vin, gros sel, munitions. L’acheteur émit un borborygme. Le marchand leva un sourcil. Appuyé au comptoir, anton, crayon au bec, s’avança, recula, releva, annota ; Vassili, en face, prenait l’air de celui qui surveille – mais il ne saisissait rien à l’écriture, tout se passait dans sa tête. Au fond des bois, pas besoin de lire. Aussi déchiffrait-il, quand il le devait, creusant sa mémoire. Ces signes, il les avait appris à l’armée, alors il faisait mine de comprendre. Enfin, ils furent prêts, on se frottait les mains, nos discussions se turent.
Un brusque souffle glaça leurs velléités : la porte, Danil. Derrière lui, Yulia, sa femme, ventre rond, yeux humides. Leur apparition, dans l’encadrement éblouissant, comme leur simple existence, un mystère. Fonder une famille en pleine neige, avec trois mois de soleil, sans oiseaux, sans âme alentour… Danil, il était de cette jeunesse optimiste que le Parti avait envoyée attiser le patriotisme. Avec épouse et valise, il avait voyagé, plusieurs jours, dans un train, où personne jamais ne montait. Ensemble, ils avaient vu la forêt boire toute lumière, les sapins défiler jusqu’à Maranoïsk, loin de la capitale, loin du Héros, loin du Peuple, l’espoir accroché à la poitrine – un insigne de laiton émoussé. Leurs bottes étaient passées, des pavés aux chemins de terre, des trottoirs aux sentiers. Mais, toujours, ils arboraient leur bonne mine, aussi rouge que la Nation… Cependant que plus personne, dans le coin, n’y croyait encore. Les dogmes, les colons, les galimatias avaient foutu le camp. L’horizon les avait bouffés.
« Salut tout le monde ! » Personne ne répondit à sa candeur. Il conserva son sourire, prit la main de Yulia, l’emmena jusqu’à un tabouret près de nous, près du poêle. Vassili et Anton le regardèrent s’évanouir entre les rayonnages avant de se fixer à nouveau, toute agressivité dissipée. Alors, vaguement, on dit un prix, on topa, mollement. C’était fait. Pas un des autres, dans le fond, ne releva l’exception. Le calme séculaire. La jeunesse, ça faisait l’effet d’un mauvais vent, ça gelait les habitudes.
Commenter  J’apprécie          00
Douze jours de route. Les repères étaient peu nombreux, hormis quelques abris qu’il occupait à la nuit tombée, des marques sur de larges écorces. Elles confirmaient la direction. À chaque voyage, il les affirmait d’une nouvelle entaille. Qui ignorait le chemin eût pensé qu’il vaguait. C’était méconnaître le bûcheron. Il appartenait à la forêt. Sa mère, son ennemie, sa hantise, sa joie. Il y était né, y avait passé chacune de ses journées. Il ne s’en était éloigné que trois ans pour aller en ville faire son service obligatoire. On devait s’en acquitter. Sinon, un commissaire débarquait, un camarade qui vous mettait en joue avant de vous rendre aux champignons, à l’humus, aux morsures.
C’était ainsi qu’on avait retrouvé, un printemps, le jeune Makariy. Ou son corps, du moins, qui avait gelé puis dégelé, qu’on confondait avec les ronces et les lichens. On ne l’avait pas reconnu. Son visage n’était qu’un cratère, le reste avait été bouffé par les bêtes. Comme sa cabane était la seule dans ce coin-là, qu’on n’avait trouvé quiconque, la conclusion s’imposait. On avait commencé à chuchoter, la rumeur s’était répandue quand on s’était revus après l’hiver, on s’était dit « Allons-y, ça vaut mieux que de mourir. » On s’était rendus à Vadanoïvotskaïa. On avait bien fait. Ça avait duré trois ans. On y avait appris à lire, à courir, à se lever tôt, à écrire, à ne pas dormir, à claquer des talons et bien d’autres choses. On nous avait enseigné le sens du travail – pour la Nation. On était rentrés avec armes, sacs, uniforme, on avait remisé le tout, sauf le fusil et la baïonnette, bien pratiques. Et, précieusement emballé, un portrait du Héros estampillé du sceau officiel. Vassili ne l’avait pas accroché au mur de la demeure familiale. À son retour, Yegor, le grand-père déjà cassant de vieillesse, lui avait montré le sien, qui trônait toujours face à la table. Le vieux avait ressassé ses rêves de patriote. La responsabilité et l’engagement. L’arrivée des colons, les premiers convois, la valse des bagages, les trains de marchandises, les jours de frénésie, l’agitation, la naissance d’un nouveau comptoir, les drapeaux, les enfants et les mères aux fenêtres, puis le décret ministériel, l’abandon, la solitude. Il n’était plus qu’une ombre, désormais, à pleurer sur les ombres.
Commenter  J’apprécie          00
Il n’aimait pas quand la bête peinait à le suivre, que ses sabots n’accompagnaient pas de leurs cliquètements les siens. Cet écho était nécessaire. S’il manquait d’entrain, c’était une cadence qui le poussait. Pendant les premiers temps de la marche, il la guettait, la berceuse des fers. Et la mélodie se déroulait, claquement, claquement, on expirait, claquement, claquement, on inspirait, bouche entrouverte pour n’en laisser sortir qu’un fredonnement.
« Tu vois, c’est l’moment où qu’on quitte le monde. »
Après un silence parfois fouetté par les branches qu’il écartait, il ajouta : « Et j’suis bien content que tu sois là. » Le reste de la journée, ses bottes parlèrent pour lui – et son haleine, et le halètement régulier du canasson.
Le soir, il s’arrêta, comme à l’aller, près d’un abri de fortune qu’on utilisait. C’était à peine quelques planches en guise de murs, coiffées des trous rongés d’une tôle. Il datait d’une époque enfuie, quand on avait envoyé des wagons de volontaires préparer la future migration. Mais les voies avaient vieilli. Les générations s’étaient succédé. Les familles avaient disparu. Si un train traversait l’hiver, on se le racontait au printemps. Un intrigant convoi, tout fumée tout bruit, tonitruant à travers la nuit, plongeant dans les neiges.
Après avoir attaché la longe, déchargé le nécessaire, il alluma un petit feu, un qui durerait le temps d’un repas et d’un thé, guère plus. Ses braises ensuite rougeoiraient sur son sommeil. « Ça fait du bien, tout de même, d’être ici. » Il parlait entre deux bouchées. À la lisière de l’obscurité, le cheval ponctuait d’un ébrouement plus profond. Une fois les victuailles emballées dans un chiffon, il se blottit dans sa fourrure, à la limite de l’incandescence, la remonta sous le menton, de sorte que sa barbe semblait l’envelopper. Un instant il regarda les étoiles qui luisaient haut, plus haut encore que le monde.
Commenter  J’apprécie          00
Une angoisse sourde, lancinante, vaguait dans son estomac, agaçait son épiderme. La crainte. Celle d'une proie. (36)
Commenter  J’apprécie          20
[...] Et chaque matin un rituel. Après l’avoine aux chevaux, après le gruau ou le lard, après les muscles tonifiés par l’eau – souvent, du tonneau, il devait percer la glace –, il s’asseyait, un verre à portée de main, dépliait patiemment le papier, sortait la plume, commençait sa lecture.
Commenter  J’apprécie          10
Aucun demain pour les paumés, se dit souvent Annie, ils vivent dans leur quotidien merdique. Ils n'ont, du temps qui fuit, que des joues tombantes, des mains toujours + calleuses, des bides + glougloutant de bière.
Commenter  J’apprécie          10
Pendant les premiers temps de la marche, il la guettait, la berceuse des fers. Et la mélodie se déroulait , claquement, claquement, on expirait, claquement, claquement, on expirait, bouche entrouverte pour n’en laisser sortir qu’un fredonnement. « Tu vois, c’est l’moment où qu’on quitte le monde. »
Commenter  J’apprécie          00
[...] Les voisins, on les cherchait à trois, quatre, dix jours de marche, sans plus aucun sentier, à l’instinct, en aveugle. Il fallait suivre les rails de l’Ekspress Slavnoye, cette tranchée rectiligne entre les arbres, jusqu’au marquage d’un collègue qu’on espérait reconnaître sur un tronc.
Commenter  J’apprécie          00
[...] Que découvrirait-il ? Propos privés, diffamation du Parti ? Contenant son impatience, il en ouvrit une, l’étala proprement, la lissa d’une caresse. L’écriture chevrotait, les lignes sursautaient, parfois des ratures, une tache, un imbroglio. Il soupira.
Commenter  J’apprécie          00

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Bertrand Schmid (35)Voir plus

¤¤

{* *}