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Citations de Bret Anthony Johnston (28)


Certes, son écriture ressemblait à celle de sa mère, mais il pouvait s’agir d’une simple coïncidence. Le passé était un pont d’apparence solide et robuste, or une fois dessus, vous vous rendiez compte qu’il ne s’étendait devant vous que pour mieux vous laisser ensuite dans le vide, en suspens entre la perte et le manque, sans aucun endroit où aller. (p. 263.)
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Paul avait du mal à décider s'il devait entrer dans le hangar. Il ne savait pas s'il serait le bienvenu. Voilà ce qui se produisait quand on côtoyait quelqu'un comme Laura: on se sentait exclu. On voyait ce vide qui l'entourait, l'isolait, la diminuait, et on voyait qu'elle en avait conscience. à n'en pas douter, tout le monde ressentait en sa présence ce qu'elle - même ressentait en présence de son fils détruit. On ne voyait que les blessures....................
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Il avait toujours su que ce jour viendrait ; ils le savaient sans doute tous, même si un accord tacite semblait leur interdire d’évoquer une issue fatale. Et il avait toujours su que ce jour viendrait lorsqu’ils baisseraient la garde, qu’ils recommenceraient à voir la chaleur accablante comme leur principal problème. C’était ça le plus choquant, le plus inconcevable : on pouvait s’habituer à ce qu’on trouvait auparavant si pénible et monstrueux. On pouvait sentir en soi une présence étrangère, endurer les souffrances et les menaces qu’elle engendrait, sans s’apercevoir qu’elle s’insinuait jusque dans vos os.
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Le revolver, un Smith & Wesson calibre 44, était chargé avec des cartouches Short Colts et non déclaré. Quelqu’un l’avait apporté au Loan Star des années plus tôt et Cecil l’avait payé de sa poche, en liquide, sans remplir de reçu. Personne n’en connaissait l’existence, ni Eric ni Laura, en tout cas, et Griff non plus. Encore une chose qu’il avait apprise au fil des ans : un homme pouvait se trouver dans l’obligation de révéler à sa famille ce qu’il savait de la vie, mais le plus souvent il avait le devoir de le garder pour lui.
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Impossible d’identifier la raison pour laquelle elle s’était échouée. Les bilans sanguins excluaient la présence d’un morbillivirus ou d’un méningocoque. Peut-être des algues toxiques ou une nappe de polluants dérivaient-elles dans le golfe, peut-être avait-elle voulu échapper à un requin. À moins qu’elle ne se soit tout simplement perdue, à bout de forces. Sa masse corporelle était insuffisante pour qu’elle s’aventure en groupe trop loin de la côte, mais on ne trouvait qu’en eaux profondes certaines bernicles accrochées sur elle.
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C’était un grand dauphin femelle, jeune, cinq ans peut-être. Par un matin d’avril anormalement froid pour la saison, Eddie Cazavos, un ranger chargé de la surveillance des tortues de mer, l’avait trouvée échouée près de la borne dix-huit sur la plage du parc national de Padre Island. Il la croyait morte jusqu’à ce qu’il s’approche et qu’elle donne un coup de queue sur le sable. Il avait sursauté, cherché de l’aide du regard, mais la plage était déserte. Il savait qu’il ne fallait pas remettre l’animal à l’eau, que celui-ci se noierait ou s’échouerait à nouveau plus haut sur la côte, mais ses connaissances en matière de dauphins échoués s’arrêtaient là.
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– Ce mois-ci, je suis en Alaska », coupa-t-elle. Elle écrivait pour un magazine de voyages, mais sans jamais visiter les destinations concernées. Chaque mois, son rédacteur en chef lui envoyait une enveloppe en papier kraft remplie de statistiques et de photos de sites incontournables, à partir desquelles elle rédigeait son article. « Je suis à São Paulo », disait-elle. Ou bien : « Je suis à Sag Harbor. » Là, elle ajouta : « En voyant les sœurs Wilcox s’éventer, je pensais aux ours blancs, au monde en train de fondre autour d’eux.

– Tout dépend du point de vue… L’Alaska paraît un sacré bon endroit où passer l’été.

– L’avenir est au nord.

– L’avenir est au nord ?

– C’est la devise de l’État. »
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Tracy était debout à la fenêtre et lui tournait le dos. À travers les stores de sa chambre, elle observait les deux sœurs qui habitaient la villa d’en face. Des octogénaires voûtées et permanentées. Elle adorait les épier. Elle s’était enveloppée dans un drap qui s’évasait autour de ses chevilles et laissait voir son dos. Les crêtes de ses vertèbres faisaient saillie comme des coquillages dans le sable.
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Le parking jonché de coquilles d’huîtres concassées ne désemplissait pas à cette période de l’année : pêcheurs de crevettes venus revendre quelques outils en attendant des jours meilleurs, surfeurs en quête de combinaisons isothermes, gardes-côtes qui discutaient le prix des cannes à pêche. Ce jour-là, le dernier mercredi du mois, quelqu’un tentait de convaincre un des gérants de lui acheter une vieille Cadillac Fleetwood Brougham blanc crème. Le capot était ouvert, et les deux hommes marchandaient en clignant des paupières dans le soleil pâle. Un passant aurait pu les prendre pour des voyageurs en panne.
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Sur la chaussée, des mirages de chaleur apparaissaient, étincelaient, disparaissaient. Des restaurants de fruits de mer et une flopée de magasins de souvenirs aux couleurs criardes bordaient Station Street, puis, juste avant que la ville ne s’efface devant l’asphalte de la voie rapide, venaient le Whataburger, le supermarché H-E-B et le Loan Star, un dépôt-vente pratiquant le prêt sur gages dont l’enseigne oxydée, pointée comme une flèche au-dessus de l’entrée, proclamait : ACHETONS CLIMATISEURS !
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Plus à l’ouest, derrière les palmiers au tronc courbé et à l’écorce aussi sèche et brune que du parchemin, la baie aux eaux mousseuses s’ouvrait en éventail vers l’horizon. Il y avait ensuite la cale de mise à l’eau, la marina et le Teepee Motel à moitié rasé, désormais réduit à quelques tipis de béton autour d’une piscine vide en forme de haricot. Au-dessus des places de parking en épi de Main Street, une banderole fatiguée aux tons passés, claquant au vent par intermittence, annonçait le Shrimporee – la fête annuelle de la crevette qui n’aurait lieu qu’en septembre.
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Après la brève traversée de la Laguna Madre, le ferry accosta le long de la jetée nord et les automobilistes rejoignirent le continent en se faufilant entre les maisons basses de la petite ville de Southport, au Texas. Ils dépassèrent l’ancre de marine monumentale portant l’inscription en relief BIENVENUE À BORD, les boutiques de matériel de pêche, les échoppes des marchands d’appâts, et les vieux pick-up tout rouillés où des hommes vendaient des crevettes qu’ils sortaient de leurs glacières.
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Les pêcheurs pliaient bagage, les surfeurs rentraient leurs planches. Même les irréductibles du bronzage secouaient leurs draps de bain et les étendaient sur le cuir ou le skaï des sièges brûlants de leur voiture. Les files d’attente pour le ferry s’allongèrent pendant une demi-heure, alors que les systèmes de climatisation, eux, semblaient mettre une éternité à souffler de l’air frais. Les marsouins pirouettaient dans le sillage des bateaux, le ventre rose et luisant.
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Quelques mois auparavant, la chaleur de juin enveloppait Mustang Island d’un voile poisseux. Le ciel lourd avait une pâleur de calcite, et les vagues à bout de forces apportaient des relents saumâtres de varech. Sur la plage, les gens essayaient de tenir jusqu’à ce que le vent se lève dans le golfe, mais quand ses premières rafales atteignirent la côte, elles étaient chargées d’humidité et soulevaient violemment le sable dont les grains piquaient la peau. À midi, tout le monde avait capitulé.
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Peu après, deux vedettes des gardes-côtes fonçaient vers le chenal et des voitures de police se garaient de part et d’autre du port. Certains randonneurs restèrent en haut de la passerelle à contempler la scène, mais la plupart redescendirent sans un mot. Ils marchaient en file indienne, conscients du fait qu’ils ne remonteraient pas de sitôt, et se cramponnaient de toutes leurs forces à la rambarde.
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Une femme chercha son portable dans sa poche. Le reste du groupe ouvrait des yeux effarés, se perdait en conjectures et tentait de se convaincre que l’inconnu avait survécu à sa chute. Nul ne pouvait dire de quel sexe il était ni quel âge il avait, et aucun d’eux ne pensa à Justin Campbell, le jeune garçon disparu des années auparavant. Ils savaient seulement que ce corps désarticulé faisait désormais partie de leur vie, que son souvenir s’insinuerait jusqu’à la fin de leurs jours.
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Ce premier week-end de septembre, ce furent donc des marcheurs qui aperçurent avant tout le monde le cadavre dans la baie. Ils ne comprirent pas aussitôt ce qu’ils voyaient. Les eaux étaient sales et agitées après la tempête de la semaine précédente, et le corps flottait sur le ventre ; on aurait pu dire un nageur observant les fonds marins, si un bras et une jambe n’avaient pas été bizarrement tordus. Un randonneur eut un haut-le-cœur et s’agenouilla. Un autre se mit à prier.
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La structure avait la longueur et la courbure d’une lame de cimeterre. Un treillis de poutrelles métalliques s’élevait au-dessus du tablier, et cet entrecroisement projetait des ombres complexes sur les voies de circulation. Assaillis depuis des décennies par le sel et le vent qui soufflait de la baie, les rivets commençaient à s’user et à se desserrer. Les poutrelles rouillaient. Chaque année, si la municipalité parvenait à réunir la somme au moment des fêtes, le pont était tendu de guirlandes lumineuses. Une photo du reflet sur l’eau de ces illuminations avait longtemps orné la couverture de l’annuaire téléphonique de Corpus Christi. Quelques couples s’étaient mariés là-haut, de jeunes délinquants volaient des boules de bowling pour les faire rouler sur le revêtement ou les balancer dans le vide, et un petit groupe d’habitants se rassemblait le premier week-end de chaque mois pour parcourir à pied le kilomètre et demi que couvrait le tablier. Les randonneurs partaient de l’extrémité sud pour rejoindre North Beach par la passerelle aménagée le long du pont. À l’entrée se trouvait une plaque de l’Église de Jésus-Christ, sur laquelle étaient gravés ces mots : ENVIE D’EN FINIR ? « QUICONQUE INVOQUERA LE NOM DU SEIGNEUR SERA SAUVÉ. » ÉPÎTRE AUX ROMAINS (10, 13).
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Harbor Bridge enjambait le port de Corpus Christi. C’était un immense arc de cercle en acier, assez haut pour permettre aux barges et aux cargos de s’engager dans le chenal, et qui se dressait au même endroit que l’ancien pont basculant. La ville avait organisé un concours pour lui trouver un nom, et la lauréate, une mère au foyer habitant une banlieue proche des raffineries de pétrole, eut l’honneur d’être la première à le traverser dans la voiture officielle. On était en 1959. Elle portait un petit chapeau en forme de calot et des gants de satin blanc. Elle posa au côté du maire pour les photos. Des années plus tard, lorsqu’elle mourut, sa famille y monta à pied afin de disperser ses cendres dans les eaux qui ondulaient en contrebas.
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Au-dessus d’eux, le ciel était criblé d’étoiles. Éric ne savait pas où regarder pour trouver la constellation du Dauphin, mais il se voyait déjà debout dans le jardin avec Laura et les deux garçons, cherchant ce qu’elle voulait leur montrer à tous. Un ordre rassurant imposé au hasard. Un motif qui donnait une forme arbitraire à la nuit, la rendait supportable. Il les imaginait déjà tous les quatre, se passant les jumelles pour tenter de faire surgir l’image. Leur esprit grouillerait de secrets, de regrets, de craintes aussi terribles que tenaces, leur corps serait épuisé, couturé de cicatrices, et leur regard embrumé par la perte, à jamais assombri. Mais ils seraient en quête de la même chose, et en soi, cela semblait constituer une petite victoire. (p. 438.)
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