Citations de Bruno Patino (183)
Comme l'astronaute de l'Odyssée de l'espace, nous voyageons à travers le chaos pour renaître dans la lumière de la compréhension.
Notre cerveau adore modifier notre comportement pour que nos croyances ne soient pas remises en cause.
Un monde riche en messages est un monde pauvre en attention disponible. (Herbert Simon 1969)
S'informer quotidiennement, c'est un peu comme les cinq fruits et légumes par jour : quelque chose qui nécessite une action de notre part.
L'universitaire américaine Shoshana Zuboff a établi le parallèle entre capitalisme industriel et capitalisme numérique. Pour elle, le premier s'est développé à partir de l'appropriation de la nature et l'extraction de matières premières de la planète, jusqu'à en menacer l'équilibre. Le second exploite, avec la même intensité et sans souci des conséquences, les données identitaires et comportementales. Sans contrat autre qu'individuel et sans se préoccuper du bien commun.
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Addendum
Selon l'Association française du poisson rouge (elle existe) le poisson rouge est fait pour vivre "en bande", entre vingt et trente ans, et peut atteindre 20 centimètres. Le bocal a atrophié l'espèce, en a accéléré la mortalité et détruit la sociabilité.
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L'économie numérique s'est insérée dans la conquête du temps. Les libertaires l'avaient rêvée économie du partage, les praticiens l'ont créée sous forme d'économie de la captation.
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Les 3V nécessaires à l'exploitation des données, la vitesse, le volume et la variété doivent se conjuguer au savoir scientifique capable de créer de l'intelligence artificielle à partir de celles-ci. Les géants de l'Internet ont fait le choix économique d'orienter la création de cette intelligence dans le but de s'emparer du temps de leurs utilisateurs pour mieux le vendre, aux publicitaires d'une part, aux services numériques d'autre part. Ce fut un choix. Il n'y avait en la matière aucune obligation technologique.
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Les biais cognitifs et les effets de réseau dessinent un espace conversationnel et de partage où la croyance l'emporte sur la vérité.
Un univers où chacun peut s'exprimer de façon identique mais n'exerce pas cette possibilité de façon égale produit une asymétrie en faveur des plus déterminés et des plus actifs. Et les croisés de toute croyance font partie de ces groupes. Twitter démontre chaque jour qu'Internet "est une démocratie où certains votent une fois et d'autres mille".
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Selon l'Association française du poisson rouge (elle existe), le poisson rouge est fait pour vivre "en bande", entre vingt et trente ans, et peut atteindre 20 centimètres. Le bocal a atrophié l'espèce, en a accéléré la mortalité et détruit la sociabilité.
Quant à Netflix, après avoir joué sur l'enchaînement automatique des épisodes pour créer la dépendance, elle encourage une écriture qui prévoit, dès le quatrième épisode, suffisamment de rebondissements pour que l'on ne puisse plus quitter la série, quitte à tordre le scénario, et perdre en subtilité et en crédibilité.
L’information est traitée comme les autres contenus, selon son efficacité économique, et cette efficacité est comparée avec celle des autres types de messages. L’information, pour se rendre audible, doit se mettre au niveau des autres catégories de contenus, notamment en termes émotionnels
La presse pensait organiser la conversation ; c’est la conversation qui, désormais, la désorganise.
La plupart des études évaluent l'activité humaine à moins de 60% de l'activité totale sur internet. Les reste, soit plus de 40%, est une attention factice, produite par des robots ou par des humains dont c'est le métier. Car l'économie de l'attention a son Lumpenproletariat. Les "usines à clics" se multiplient dans le monde, en Chine notamment.
P 15 au lieu de quoi, nous sommes devenus des poissons rouges , enfermés dans le bocal de nos écrans, soumis au manège de nos alertes et de nos messages instantanés. Notre esprit tourne sur lui-même, de tweets en vidéo YouTube, de snaps en mails, de lives en pushs, d’applications en newsfeeds, de messages outranciers poussés par un robot aux images filtrées par des algorithmes, d’informations manifestement fausses en buzz affligeants.
Les créateurs de musique, celle qui se destine à être écoutée sur ces plates-formes, le savent: tout doit être suffisamment exposé pendant les 10 premières secondes pour avoir une chance d'exister. Créer, dans ces univers, c'est rendre accro de façon instantané.(p87)
La lecture, celle qui prend du temps, qui égare le lecteur dans ses pages manquantes, déploie ses univers intimes et prodigieux, n’est pas épargnée par la quête de l’attention. Le livre, comme activité économique, résiste. Mais le temps consacré à la lecture par les plus jeunes s’effondre. Malgré le raccourcissement des chapitres, et l’introduction, dans la littérature adolescente, des cliffhangers venus de la série télévisée. Notre vie culturelle et intellectuelle est devenue stroboscopique. – p.82
La quantité des œuvres cache l'éléphant dans la pièce : ce n'est pas que l'on produit trop, c'est que l'on ne choisit plus assez. Ou plutôt que l'on n'est plus en mesure de choisir vraiment. Alors on laisse à la formule le soin de choisir à sa place, en se fondant sur ce qu'elle sait de nous et ce qu'elle croit deviner de nos désirs.
Quelque chose a changé. Le monde de l'offre limitée nous laissait croire en la capacité illimitée de notre cerveau à choisir. L'époque de l'offre infinie nous confronte désormais à la réalité de nos limites personnelles. Nous n'étions pas si grands.
S’informer, c’est contribuer au rétablissement de la confiance entre nous tous.
S'informer quotidiennement, c'est un peu comme les cinq fruits et légumes par jour : quelque chose qui nécessite une action de notre part, ce que les Anglo-Saxons appellent notre régime informationnel (news diet). Ce n'est pas une contrainte mais un outil d'émancipation individuelle, cela nourrit notre capacité à agir.