À l'occasion du festival international 2019 du livre et du film "Etonnants Voyageurs" de Saint-Malo, rencontre avec Bruno d'Halluin autour de son ouvrage "Juste le tour du monde" aux éditions Gaïa.
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Je laisserai peut-être ma peau en mer, aux Indes ou dans une île perdue, mais au moins j'aurais vécu.
Rien ni personne ne m'empêchera de partir où je veux. Et ceux qui restent à terre n'ont qu'à prier pour nous.
je me remémorai les mots du philosophe athénien Anacharsis, à qui l'on demandait si les vivants étaient plus nombreux que les morts.
"Dans quelle catégorie, répondait-il, placez-vous ceux qui voent sur la mer ? "
Au retour de mon horrible voyage, j'avais senti sous mes pieds, avec un énorme soulagement, la fermeté du sol. Après les affres de la mer, je m'en étais remis à la protection de la terre. J'allais souvent marcher dans la campagne proche, au-delà des remparts. Là, le vent ne servait qu'à faire tourner les moulins, la pluie à abreuver les vignes et les oliviers. Parfois je me déchaussais, afin de mieux sentir la terre sous la plante de mes pieds.
Mais la terre protectrice se dérobait, trahissait ma confiance, me menaçait même.
Le fjord était prodigue, mais il réclamait parfois son tribut. Une barque s'attardait ; sur la côte, l'attente commençait. Les heures, les jours passaient, l'espoir s'amenuisait. Alors, le fjord dévoilait sa face hideuse et pouvait s'abreuver aux larmes des veuves. La mer nourricière se faisait mangeuse d'hommes. Pourtant, les marins remettaient inlassablement les barques à l'eau.
J'eus ainsi l'occasion de visiter la cabine de ce prétentieux d'Amerigo Vespucci . Il nous montra son astrolabe personnel, au laiton si rutilant que je pensai qu'il servait davantage pour la montre que pour prendre des mesures. D'ailleurs ses cartes marines étaient comme neuves. Sur le Bate-Cabelo, nous avions un astrolabe plein de vert-de-gris et des cartes déchirées. Bref, du matériel qui avait navigué.
Gonçalo Sanchez avait survécu à son naufrage. Il faisait partie de ceux qui pour l'heure survivaient à notre voyage. S'il ne devait en rester qu'un, ce serait lui. Derrière lui, des dizaines de morts, qui n'avaient pas eu son instinct de survie, formidable et animal. Combien d'autres périraient en ce siècle naissant ? Quel peuple de dégénérés la route des Indes pourrait-elle engendrer ?
Jon Thorsteinsson, tu dois avoir passé trop de temps à l'étranger, cat tu ne comprends pas la spécificité de l'Islande. Notre beau pays est une terre exigeante. Le climat y est rude, commenous l'avons éprouvé cet été. Nous devons composer sans cesse avec la nature. Quand on néglige la terre s'ensuivent de terribles famines. N'as-tu pas entendu patler de l'histoire de Flöki aux Corbeaux ? On l'appelait ainsi car c'est l'un de ces oiseaux qui lui a indiqué la direction de l'Islande. Il aurait pu en être le premier colonisateur, s'il n'avait pas fait preuve de négligence coupable. Il avait trouvé, au nord du Breidafjord, un endroit si poissonneux qu'il a dédaigné la récolte du fourrage. Alors, tout le bétail amené de Norvège et des Hébrides a péri durant l'hiver. Et Flöki a dû abandonner ses terres. Il n'a laissé à notre pays que son nom, l'Islande. Des générations de bons Islandais ont médité et compris la leçon.
Tu sais mon fils, un mari et une femme, c’est comme les deux berges d’une rivière : il y a des méandres et des rapides, mais aussi des gués. Il faut prendre la rivière comme elle va. Et le temps n’était plus loin où elle allait devenir un torrent infranchissable. Pourtant, on s’aimait sincèrement. J’ai aimé ton père pour son esprit ouvert, sa curiosité,son caractère libre, aventureux. Je l’ai détesté pour les mêmes raisons.
Alors que je jetais un coup d'oeil à la ruelle adjacente, mon regard fut attiré par l'encadrement ouvragé d'une porte. Je m'approchai de l'entrée. une sculpture en bois faisait office de montant: un monstre mi-homme, mi-poisson aux traits hideux soufflait puissamment dans une conque et menaçait de son trident le client hésitant. C'est ainsi que je commençai à fréquenter la taverne à l'enseigne du Triton Joufflu.
Je fis de nouveaux cauchemars, où se déroulaient des scènes atroces du massacre des juifs. Même quand j'étais éveillé, des images terribles me traversaient l'esprit. Je tentais de chasser mes sombres pensées, sans grand succès. Comment les hommes pouvaient-ils être aussi abominables ? Et cela, où qu'ils vécussent. En Europe, en Afrique, à Vera Cruz, aux Indes. Y avait-il, quelque part dans le monde, des terres, des îles épargnées ? Tout compte fait, la mer n'était peut-être pas pire que la terre.