Caitlin Crews

Lui, il aimait agir, pas se poser pour réfléchir. Mais ce soir, tout ce qui lui importait, c’était trouver un endroit où parler sans être entendu.

Peu importe ce que je mérite ou pas. La question est de savoir ce que tu es prêt à dire aux gens que tu rencontres, même si tu ne les connais pas bien.Elle haussa les épaules et Charlie eut l’impression qu’elle venait de le frapper.— Je ne comprends pas comment on peut partager autant d’intimité physique avec quelqu’un sans lui raconter la moindre chose personnelle. Franchement, je te remercie : tu viens de me donner une leçon.À vif, écartelé par ces accusations, Charlie ne sut comment réagir. S’il avait pu recoller tous ses morceaux, il aurait entrepris de le faire sans hésiter. Mais par où commencer ? Il ne savait même pas comment cette femme avait réussi à le briser… Il se contenta donc de la dévisager en silence, puis, comme si elles étaient une partie indépendante de son corps, ses mains vinrent se poser sur les épaules de Maya. Pas pour la punir. Juste pour la toucher, parce qu’il en avait besoin.

Ce qu’elle faisait ici n’avait d’importance que pour elle. Il ne s’agissait pas de revenir sur des promesses ni de renier une loyauté envers quelqu’un, comme l’avaient fait Ethan et Lorraine. Elle n’avait aucune attache, sa décision n’appartenait qu’à elle.

Maya avait oublié ce que c’était que flirter. Elle n’avait jamais vraiment eu le temps de s’adonner à cette activité de toute façon. Trop occupée, trop ambitieuse, trop concentrée sur ses objectifs. Voilà pourquoi sa rencontre avec Ethan au travail lui avait paru parfaite.

Au fil des jours, elle s’était convaincue qu’elle exagérait la beauté virile de Charlie. Qu’elle l’idéalisait dans ses fantasmes, alors qu’il n’était finalement qu’un homme parmi tant d’autres. Beau, certes, mais rien de plus.

Elle avait dévoré des romans trouvés à la bibliothèque de l’hôtel. Un thriller qui l’avait tenue en haleine jusqu’au petit matin. Une tendre romance qui avait su faire battre son cœur et pour laquelle elle avait bien manqué verser des larmes. Et, ce matin, un policier rempli d’énigmes intellectuelles et d’intenses conversations à double sens.

Elle se sentit fondre. Comme du beurre chaud. Pourtant, personne ne l’avait jamais appelée poupée et elle avait cette expression en horreur – surtout venant d’un inconnu. Elle n’était pas un objet ! Or dans la bouche de cet homme-là et avec cet accent-là, le mot devenait délicieux.

Maya avait toujours été une femme d’action, elle n’avait que faire des émotions. Ce qu’elle ressentait à présent était davantage de l’humiliation que du chagrin. Elle savait qu’elle aurait du mal à l’effacer et il lui était pénible d’anticiper ce qui l’attendrait à son retour à Toronto, après le nouvel an. On ne pourrait pas réparer ce qu’Ethan et Lorraine avaient brisé, c’était sûr.Seulement, elle n’avait pas l’intention de se transformer en une nouvelle Miss Havisham, la mariée éconduite des Grandes Espérances, de Charles Dickens ! Cela aurait donné une victoire éclatante à Ethan, et il était hors de question qu’il gagne. Elle allait se prouver que, si l’un des deux pouvait être qualifié de pantouflard au lit, ce n’était certainement pas elle.Ce fut donc en ce premier jour de vacances, sur cette terrasse ensoleillée, qu’elle prit la décision de sortir et de s’offrir toutes sortes d’aventures, des expériences sexuelles que l’austère Ethan aurait bien sûr trouvées révoltantes.De toute manière, sa vie était déjà brisée.

Elle aimait bien faire l’amour, tout comme elle avait apprécié ses précédentes expériences amoureuses, mais en se demandant toujours pourquoi les films et les romans parlaient de cela comme d’une chose bouleversante, époustouflante ou pleine de passion. Oui, les auteurs de fiction exagéraient toujours, évidemment, la vraie vie était plus terne que les histoires…

Elle venait de voyager vingt-quatre heures d’affilée. Elle avait affronté la pire humiliation de sa vie, même si elle n’en avait pas encore saisi toutes les implications. Elle avait perdu sa meilleure amie et son fiancé d’un seul coup, non parce qu’ils étaient morts dans un accident tragique (auquel cas elle aurait pu pleurer leur perte), mais parce qu’ils l’avaient trahie. Bien vivants, ils devaient désormais filer le parfait amour et pouvaient se reposer l’un sur l’autre.Elle, en revanche, se retrouvait seule pour assumer les conséquences de leurs actes.

– Cet enfant ne peut pas naître hors mariage s'il veut être intégré à la ligne de succession. Ça ne se fait pas.
– Omar m'a assuré que ce ne serait pas un problème. Que c'était le seul enfant qu'il comptait vous présenter et que si vous le vouliez, vous aviez tout pouvoir de changer la loi. Après tout, vous êtes le roi.
– Bien sûr, gronda Rihad.
Sterling sentit ses doigts lui serrer le bras, même s'il prit soin de ne pas lui faire mal.
– C'est tout à fait le style de mon frère, reprit-il. Plutôt que de suivre une tradition séculaire, il s'imaginait qu'on allait changer la loi pour lui. Je ne sais même pas pourquoi je suis surpris.