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3.6/5 (sur 15 notes)

Nationalité : Suisse
Né(e) : 1980
Biographie :

Carla Demierre est née en 1980. Elle a étudié l'art à Genève et la création littéraire à Montréal.

Sa pratique se déploie entre des formes imprimées, performées, enregistrées. Ses textes mélangent poésie et narration, expérimentation formelle et cut-up documentaire. Depuis 2012, elle enseigne l’écriture à la haute école d’art et de design-Genève. Parallèlement, elle programme régulièrement des événements littéraires, comme les lectures « Mondes parlés » en collaboration avec le centre d’art contemporain de Genève, ou «L’Heure du thé », une série de podcast et de rencontres au Grütli.

Source : Editeur; Ed. Héros-Limite
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
Arole écrabouille entre ses mains une grande feuille de papier journal. Elle jette la balle qu’elle vient de former au centre du cercle de pierre. Par-dessus, elle dispose des branches sèches, des brindilles, quelques pommes de pin puis craque une allumette. Le papier prend feu en quelques secondes. Trois flammes entrelacées font miroiter le pelage fauve de la chatte endormie
sur ses genoux. Le bois d’allumage s’illumine de l’intérieur, les brindilles se tortillent comme des vers et dans les pommes de pin se produisent de petites explosions.
Arole attrape une autre feuille sur la pile de journaux à côté d’elle mais au lieu de la jeter dans le feu, elle commence à lire un article tout en résumant à sa sœur les passages intéressants.
— Savais-tu que dans notre corps il y a assez de carbone pour fabriquer neuf cents crayons et assez de phosphore pour produire deux-cent-vingt-mille allumettes ?
Arole aimerait pouvoir communiquer un peu d’enthousiasme à Bleuet qui se plaint depuis leur arrivée de l’état de délabrement de la cabane. Tout en prêtant attention aux prédictions du journal, celle-ci lève son sac de couchage en l’air comme un bâton de sourcier à la recherche d’un lit perdu.
En admettant qu’elles meurent dans la moyenne à l’âge de quatre-vingt-quatre ans et demi, elles auront passé sept ans sans trouver le sommeil et vingt-six ans à dormir.
Elles auront passé trente ans debout, dix-neuf ans assises, seize ans à marcher, trois ans dans une voiture et six mois dans les embouteillages.
Elles auront mangé pendant deux ans, passé cent-vingt jours à uriner, cinq ans à faire des recherches sur internet.
Elles auront pris un bain de soleil de deux-mille- cent-soixante-dix heures et attendu le train pendant six-cent-cinquante-trois heures.
Elles auront consacré seize minutes par an à se tromper de sens pour brancher un câble usb et trois ans à faire la lessive.
Elles auront passé quatre ans au téléphone et cinq mois complets à se plaindre.
Au cours de leur vie, elles auront dû froncer deux-
cent-mille fois les sourcils pour faire apparaître une première ride.
Elles auront saigné pendant six ans. Elles auront produit quarante-mille litres de salive.
Elles auront fait pousser quatre mètres d’ongles et dix mètres de cheveux. Et elles auront perdu dix-huit kilos de peau morte, conclut Arole avant d’écraser la feuille entre ses mains, forçant les plis dans l’intention de les emboîter les uns
dans les autres. Une compression pas vraiment sphérique. Un origami brutal qu’elle jette dans les flammes avec une satisfaction visible.
— En ce qui me concerne tu peux remplacer tous les nombres par un peu, beaucoup, à la folie, pas du tout.
Dans l’ordre que tu veux ! déclare Bleuet en installant son sac de couchage sur un panneau de bois qui était autrefois une porte.
Une casserole est posée sur une grille au-dessus du feu. Arole laisse tomber trois feuilles de sauge dans l’eau frémissante avant d’ouvrir un mince cahier de papier glacé, probable relique d’un livre de travaux manuels.
Pendant que la tisane infuse, elle guide sa sœur vers le sommeil en lui faisant la lecture comme à une enfant.
Et à cette heure avancée de la nuit, il est facile de prendre pour des oracles de simples conseils de bricolage.
Si votre lampe s’allume, c’est que le courant passe.
Il est indispensable à toute femme d’avoir un coin de pièce qui lui est réservé et son bureau bien à elle. Un pot de peinture suffit à délimiter ce coin.
Attention, les fissures réapparaissent tout le temps à travers la peinture ou le papier peint. Souvent, elles vous découragent.

Bleuet n’a pas fermé l’œil de la nuit, tourmentée par la présence de nombreuses échardes et agrafes sur l’ancienne porte. Arole a mal dormi, assise sur une souche rugueuse et constamment réveillée par des pensées alarmantes.
Quand elles ne luttent pas pour trouver le sommeil, les sœurs surveillent le feu et observent le ciel. Les arbres qui s’élèvent au-dessus de la cabane ne sont pas rassurants. Leurs silhouettes élancées font penser à de longues mères poilues et mutiques veillant sur un nourrisson endormi. Ces végétaux dont le tronc se garnit de branches à une certaine hauteur ont presque l’air de respirer. Les
sœurs ont la pénible impression que les arbres miment leur souffle. Le léger balancement des cimes paraît calqué sur le rythme de leur respiration. Le feuillage qui gonfle dans le vent rappelle la manière dont une cage thoracique se soulève. Même découpés en planches,
les arbres inspirent et expirent littéralement comme les sœurs inspirent et expirent. Cette nuit, tout ce qui se trouve dans la forêt respire par le même Grand Poumon. Prisonnières volontaires de ce battement cosmique, les
sœurs hésitent entre l’extase et la crise d’angoisse. Et le ciel, qui paraît aussi épais et vivant qu’un potage de haricots noirs, n’aide pas à les rassurer. Il y a dans cette forêt autant d’oiseaux prêts à chanter que de branches disposées à tomber. Pendant leur insomnie, Arole et Bleuet guettent les traces d’une présence humaine dans le paysage sonore. Le bois des murs travaille en faisant craquer la cabane comme le ferait un ostéopathe avec un squelette. Les sangliers frottent bruyamment leurs groins contre la terre avant de détaler vers une autre destination ou de dégringoler par jeu
dans un talus à proximité. Les pics donnent des coups de bec réguliers contre l’écorce des arbres, en quête des meilleures larves. Des rapaces nocturnes nichant dans un trou poussent des ululements sinistres. De grands
mammifères à la tête garnie de bois ramifié tordent leurs sabots sur des conglomérats de pierres et les cailloux se cognent les uns aux autres en se dispersant.
Il n’en faut pas plus pour provoquer la vision d’un
homme massif au visage tordu par la colère, zigzaguant entre les pins, marchant dans leur direction. Un être enragé et à bout de souffle, frappant les troncs qui se trouvent sur le chemin avec un bâton. Un père furax cognant les arbres pour faire savoir qu’il arrive ou pour s’échauffer avant la bagarre. Pourtant elles savent que
personne ne passe jamais par ici.
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Pendant longtemps leur capacité de révolte s'est résumée à une indiscipline quotidienne, un peu de désobéissance dans chaque geste ordinaire, de l'indocilité dans les taches ménagères, un refus de principe incorporé dans la parole, une insoumission aux croyances, des émeutes dans la tête pendant la méditation.
Les choses ont pris un tour nouveau, le jour où le téléphone d'Arole a enregistré la leçon de Bruce par hasard. Il n'avait rien dit de spécialement marquant. Sa leçon était même assez brouillonne. Mais depuis elles enregistrent la plupart des repas, méditations, leçons ou promenades. Elles attachent le téléphone multifonction d'Arole en mode dictaphone sur le poignée de l'une ou de l'autre avec deux élastiques. (p.40-41)
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Fourmillement …


Fourmillement tête
             fourmillement tête côté gauche
fourmillement tête et visage
             fourmillement tête fatigue
picotement tête stress
             picotement haut tête
fourmillement tête vertige
             fourmillement vertige fatigue
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« Pendant longtemps leur capacité de révolte s’est résumée à une indiscipline quotidienne, un peu de désobéissance dans chaque geste ordinaire, de l’indocilité dans les tâches ménagères, un refus de principe incorporé dans la parole, une insoumission aux croyances, des émeutes dans la tête pendant la méditation. »
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Dans la maison d’autres récits de ce genre s’échangent sous forme de rumeurs incertaines. Elles alimentent la légende familiale et fournissent des hantises communes garantissant la cohésion du groupe, tout en jouant le rôle du nid de guêpes sous la charpente prêt à libérer des essaims de secrets. p. 53
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A…


A

Cette fois-ci je veux que nous arrêtions un
peu avant la fin. Je tiens à vous laisser
avec un petit quelque chose de non terminé
dans l’esprit pour que vous continuiez à
y penser et que peut-être vous en rêviez.

————

Ah, flotter

————
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pensée rapide…


pensée rapide/modifier

pensée rapide convertit l’énergie en notes


les dégâts auto-infligés ne comptent pas

vous mourrez quand même si votre vie diminue (à confirmer)

astuces/modifier

utiliser le flux pour augmenter votre capacité

pensée rapide va garder votre vie à deux


économisez votre énergie.


————
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Q : R


Q : Croyez-vous aux fantômes ?
R : Quel rapport ?
Q : Rapport étendu.
R : Pas besoin de ne pas y croire.
Q : Vous croyez ?
R : Vous y croyez vous ?
Q : J’en connais plein
R : le fantôme est toujours du côté du plein.
Q : Ce serait un genre de « plat unique » ?
R : Oui un fantôme c’est la totale.
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Elleux constituent mes principales sources. Leurs nombreux points de frictions m'ont été très utiles pour comprendre les enjeux que porte cette transformation de la langue, et notamment la coexistence des inclusivités binaires et non-binaires. (p.100)
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- La langue de ce livre serait-elle hors de portée pour ton esprit perspicace ?, me lance Sam amusæ. (p.62)
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