Je pense que cette tendance de la société à vouloir imposer l'uniformité à tout prix est particulièrement forte, depuis quelques décennies, dans l'éducation des enfants. Les parents rapportent le moindre écart possible au pédiatre en demandant : "C'est normal ?" Si du temps de Jesus Christ les muets parlaient et les paralytiques marchaient, aujourd'hui nous voulons que parlent les silencieux, que se taisent les bavards, que "s'ouvrent" les timides et que se calment les agités. Celui qui joue toujours avec le même ami devrait tisser des relations avec davantage de gens, celui qui joue avec n'importe qui devrait tisser des liens plus forts. Celui qui prête tout devrait faire plus attention à ses affaires, celui qui garde tout devrait apprendre à partager. Nous voulons que le lève tard se réveille, que l'insomniaque dorme, que celui qui crie parle plus bas et que celui qui ne crie pas s'affirme davantage. Les uns devraient étudier davantage, les autres jouer davantage: les uns devraient faire plus d'exercice et les autres lire plus de livres. Nous voulons que les enfants soient tous les mêmes, rigoureusement identiques, et nous avons des livres et des psychologues pour qui s'écarte de "la normale".