Patient tu es, patient tu restes. C'est écrit dans l'étymologie. Patient vient du latin patiens, participe passé du verbe patior. Et patior signifie souffrir, supporter mais aussi attendre. Beau programme repris à la lettre par le corps médical : le patient a le droit d'attendre en souffrant. C'est tout. S'informer, discuter ne font pas partie du programme. A l'entrée de la maladie, vous êtes priés de laisser à la consigne votre dignité, parfois votre pudeur, votre esprit critique toujours. En espérant les retrouver à la sortie.
Pourquoi continuons-nous à avancer ? Qu'est-ce qui nous maintient en vie ? Qu'est-ce qui nous fait errer, prendre des bus qui ne vont nulle part ? Qu'est-ce qui nous enjoint de nous lever le matin malgré la fatigue, accompagner nos parents vers la mort alors qu'on crève de si mal vivre ? S'affabuler de masques lorsque notre corps souffre et notre cœur se dessèche ? Quelle force incompréhensible nous pousse à sourire, à faire semblant ? Comment guérir de nos vies ?
Une vraie histoire d'amitié est aussi précieuse, aussi fragile, sans doute plus fragile même qu'une histoire d'amour. Toujours en équilibre entre désir et promesse d'en rester aux rivages. Toujours sur le fil des confidences, aux marches de la douceur, aux marges du baiser. L'amitié est un étrange contrat entre deux êtres qui acceptent de s'aimer mais de s'aimer à peine. Un territoire incertain où tout peut s'effriter pour un mot ou un mail malheureux, un regard, un silence -sans étreinte rédemptrice, sans l'absolution silencieuse des peaux qui se frôlent. Sans autre langage possible que celui des purs sentiments.
Ce n’est pas la première fois que j’entends cette ineptie : le cancer ‘’change la vie en mieux‘’. Je regarde ce qu’est devenue ma vie depuis six mois. Même en cherchant bien, je ne trouve pas de mieux.
Une vraie histoire d’amitié est aussi précieuse, aussi fragile, sans doute plus fragile, même, qu’une histoire d’amour. Toujours en équilibre entre désir et promesse d’en rester aux rivages. Toujours sur le fil des confidences, aux marches de la douceur, aux marges du baiser. L’amitié est un étrange contrat entre deux êtres qui acceptent de s’aimer – mais de s’aimer à peine. Un territoire incertain où tout peut s’effriter, un silence – sans étreinte rédemptrice, sans l’absolution silencieuse des peaux qui se frôlent. Sans autre langage possible que celui des purs sentiments.
Mais on ne peut souffrir à la place de ceux qu’on aime.
La souffrance ne change pas les êtres, elle les taille en pièces. Le cancer n’élève pas les âmes, il exalte la lâcheté, la peur de la mort. Il extrait le pire de nous.
Je pleure.
Pour la première fois en six mois, je pleure. Je ne suis plus épuisée, mais je pleure d épuisement. Je ne suis plus souffrante, mais je pleure de douleur. Je ne suis plus désespérée, mais je pleure de désespoir. Je pleure sur ces mois de solitude, d'abandon à moi-même, de patience. Je pleure de bonheur, aussi. Je suis de retour chez les vivants.
Pour beaucoup, le cancer est la première confrontation avec la vie ‘’en vrai‘’. Qui se termine par la mort.
Mais l’hôpital reste un bon résumé de la vie : le pire y est toujours certain.