Comment ai-je pu omettre de vous parler de la série « Commissaire Odilon Quentin » de Charles Richebourg ???
Charles Richebourg, je l’ai déjà évoqué (ainsi qu’Odilon Quentin), dans ma chronique sur « 30 rouge pair passe » du même auteur.
Mais, l’auteur et la série méritent bien plus que d’être simplement évoqués.
Si je ne vais pas pouvoir m’étaler sur Charles Richebourg, faute d’informations le concernant, si ce n’est, quelques pseudonymes sous lesquels il se cachait, j’ai envie de vous parler un peu de sa série « Odilon Quentin ».
À la base, le personnage d’Odilon Quentin ne fait pas partie d’une série, mais est noyé dans une immense collection du milieu du XXe siècle, la collection « Mon Roman Policier » des éditions Ferenczi. Plus de 500 titres la composent dont chacun tient sur 32 pages et dont la couverture est ornée d’une illustration monochrome de l’excellent Georges Sogny.
Des titres dont la qualité est variable selon l’auteur et le personnage central.
Si la plupart des ouvrages sont dissociables les uns des autres, lorsque l’on se penche un peu plus sur la collection, on constate que des héros reviennent plusieurs fois.
– Teddy Verano ou Guy Farnèse de Maurice Limat
– Yves Michelot de Florent Manuel (Henri Musnik)
– Robert Lacelles de Claude Ascain (Henri Musnik)
– Luc Hardy de Paul Dargens
– L’Ange de Paul Tossel
– Le père Leboeuf de Léo Frachet
– L’inspecteur Cartier ou Jean Lhortier de Léo Gestelys
– Le commissaire Sihol d’Étienne Retterdy
Etc.
Mais, si la qualité est parfois discutable et les personnages plus ou moins attachants et intéressants, du fait de la difficulté à placer son héros, une ambiance et un style sur seulement 32 pages, deux auteurs sont bien au-dessus du lot et remportent la palme :
– René Thomas et son Inspecteur Lémoz
– Charles Richebourg et son Commissaire Odilon Quentin
Mais, s’il ne fallait choisir qu’un de ces deux héros, mon cœur irait immédiatement à Odilon Quentin pour plusieurs raisons.
Déjà, parce que Charles Richebourg, dès les premières lignes du premier titre, nous démontre une plume aguerrie, riche et maîtrisée, ce qui, pour ce genre de littérature et de format se révèle un exploit. Ensuite, parce qu’avec un certain talent dans la concision, il parvient à nous décrire son personnage en quelques mots. Pas besoin de s’étendre sur 20 pages, il lui suffit de trois détails physiques et voilà que l’on s’imagine parfaitement à quoi peut ressembler Odilon Quentin. Mieux, avec ces trois mêmes caractéristiques, l’auteur parvient à nous faire comprendre comment est perçu le policier par les autres et de quelle façon il joue sur cette perception pour arriver à ses fins.
Mais, ce qui permet à Odilon Quentin de surclasser Lémoz, c’est aussi sa longévité. Effectivement, là où le premier partage avec le lecteur un peu plus de 10 enquêtes, le second lui, en fait profiter de près d’une cinquantaine, rien de moins. Quarante-deux enquêtes de 32 pages au sein de la collection « Mon Roman Policier » et quatre dans une autre collection du même éditeur « Police et Mystère » où les titres comportent, non plus 32 pages, mais 64 pages.
Odilon Quentin est un commissaire à l’ancienne, qui ressemble à un marchand de bestiaux. Quand on le voit, on ne se méfie pas de lui, car on sous-estime son intelligence et c’est là-dessus qu’il compte, bien souvent, pour soutirer des confidences aux personnes qu’il questionne. Car le policier n’interroge pas, non, quand il veut obtenir des réponses, il ne convoque pas la personne dans ses bureaux, il se rend, soit, chez lui, ou, mieux encore, au bistrot, devant un petit verre. Jamais il ne pose des questions directes sur ce qui l’intéresse, lui, il joue par la bande, discutant d’un sujet neutre pour, finement, amener son interlocuteur à en venir sur le point névralgique... s’attardant sur des détails insignifiants pour rassurer l’autre, le faire parler, sans prendre de notes, pour ne pas l’affoler, le laisser mariner dans une conversation futile comme il pourrait en avoir avec son concierge. À ce sujet, c’est justement avec les concierges qu’il préfère discuter, car, celles-ci, sont des sources intarissables de renseignements.
Quand il n’est pas dans un troquet, pour déguster un calva, ou dans une loge, pour tailler la bavette avec une concierge, le commissaire Odilon Quentin aime diriger son enquête et son équipe depuis son bureau, tel un chef d’orchestre, donnant les ordres, passant des appels et, surtout, réfléchissant à l’enquête en cours.
Car, le commissaire est soutenu par une équipe de flics aussi importants que différents. Du flic modèle le considérant comme son père spirituel au mecton gouailleur qui passe inaperçu dans les milieux interlopes avec sa dégaine et son langage du peuple.
L’autre atout du Commissaire Odilon Quentin, c’est de savoir s’adapter à son interlocuteur. Il use de manières et du langage propre à celui qu’il veut dompter, pour le rassurer. Mais, s’il a clairement de la sympathie pour les gens du peuple, le commissaire est irrité par les parvenus et les noblillons qui se pensent plus importants que les autres du fait de leur statut social.
Le commissaire Odilon Quentin, enfin, est intelligent et perspicace, mais, surtout, malgré sa dégaine, est un être très méthodique. Pour résoudre les crimes, il évite de se borner aux évidences, aux hypothèses, préférant utiliser la méthode des « Trois Questions ». Effectivement, pour lui, une enquête est résolue lorsqu’il a répondu à « Comment » le crime a été perpétré. « Pourquoi » le crime a-t-il été commis. Et, enfin, « Par qui » le crime a été perpétré. Bien souvent, la réponse aux deux premières questions induit la réponse à la troisième.
Mais, Odilon Quentin, le personnage central, n’est pas le seul intérêt de la série. Non, le style de l’auteur est là, également.
Style, car, dès les premières lignes du premier titre, on distingue, pour ceux et celles qui sont habitués à ce format de 32 pages, une aisance que n’ont pas beaucoup d’autres auteurs dans ce domaine. Certes, on est loin des envolées lyriques d’autres auteurs, mais, quand la plume se doit d’être concise, il est difficile de mettre en place un juste milieu pour éviter un style trop narratif, se contentant de conter les évènements sans laisser la place à d’autres considérations.
La narration, également, qui étaye le style. Dès la toute première enquête, Charles Richebourg met en place un préambule à ses histoires. Sur 32 pages, on pourrait être tenté d’aller droit au but, direct au meurtre, mais l’auteur, lui, ne voit pas les choses ainsi. Il prend le temps, même si c’est un temps court, le temps d’un premier chapitre, de poser les bases de son crime, en dépeignant la victime, afin que le lecteur devine, ou pense deviner, pourquoi et par qui celui-ci a été commis.
Car, évidemment, les apparences sont souvent trompeuses.
Et, cette narration, l’auteur la tient d’épisode en épisode, ce qui renforce l’attachement que l’on peut avoir pour la série (un peu comme Jean-Bernard Pouy a pu le faire avec sa série « Le Poulpe » en imposant aux auteurs un premier chapitre mettant en scène la découverte du crime, dans un article de journal, par Gabriel Lecouvreur).
Alors, bien évidemment, sur 32 pages, on se doute bien que Charles Richebourg ne nous propose jamais une intrigue haletante, un suspens insoutenable, mais là n’est pas le but de la manœuvre. Certes, les crimes sont plutôt communs (enfin... presque), et peuvent ressembler à ceux dont doivent s’occuper les policiers la plupart du temps. Les victimes, bien souvent, sont des gens du peuple, les criminels, également.
Au final, les enquêtes du Commissaire Odilon Quentin se dégustent facilement, chacune en une heure de lecture, mais se lisent, surtout, avec un très grand plaisir, ce qui est une gageure dans le monde très particulier des romans ultra-courts faisant dans les 10 000 mots. À picorer sans modération.
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