Charlotte Salomon

Enceinte de cinq mois, Charlotte Salomon fut assassinée à Auschwitz à l’âge de vingt-six ans dès son arrivée le 10 octobre 1943. Mais avant cela, alors réfugiée en France sur la côte d’Azur, elle va produire « quelque chose de spécial assez fou » pour reprendre ses propres mots, une œuvre unique et complexe mêlant plus de 800 gouaches et des textes calligraphiés accompagnés de références musicales… Une sorte de pièce de théâtre explorant le fardeau transgénérationnel de sa famille, les atermoiements de psychés en souffrance, une réflexion sur la portée de l’art et de sa transmission. Dans ce théâtre torturé aux soubresauts chatoyants surgissent sa grand-mère, sa mère, sa belle-mère cantatrice et le professeur de chant qui lui rendra sa gloire et dont la jeune fille tombera éperdument amoureuse…



« Je devais m’enfoncer encore davantage dans la solitude, loin des hommes. Peut-être pourrais-je alors trouver ce qu’il me fallait trouver, c’est-à-dire moi-même… La guerre faisait toujours rage et j’étais assise là, au bord de la mer, et mon regard sondait le cœur des êtres humains. J’étais ma mère, ma grand-mère, oui, j’étais toutes les personnes qui apparaissaient dans ma pièce. J’appris à arpenter tous les chemins et je devins moi-même. »



En combinant seulement les trois couleurs primaires (bleu, rouge, jaune), Charlotte Salomon parvient dans sa maîtrise chromatique et son trait chaotique à insuffler à son œuvre une force graphique frappante. Il n’y a pourtant rien de bien élégant dans ces silhouettes distordues, ces visages croqués à la va-vite, ces scènes jetées en pagaille, ces faces en série qui dispersent leurs pensées comme des graines maudites avec ces écritures en capitales. Malgré la précipitation et l’urgence qui suintent des pages, éclate un talent dérangeant, comme un maëlstrom de couleurs qui aspire les passions autant qu’il déverse les sanies d’une âme en peine. Voilà sans nul doute une artiste rare à la personnalité complexe, et dont certaines zones d’ombre pourront être éclairées grâce aux documents compilés par l’éditeur en fin d’ouvrage. Un travail d’édition remarquable.

Vie ? ou Théâtre de Charlotte Salomon est une œuvre "multimédia" avant l'heure, où se mélangent peinture, musique et littérature. L'auteur y raconte sa vie depuis sa naissance — elle remonte même plus avant dans l'histoire familiale — jusqu'à son exil en France pendant la montée du nazisme et le début de la deuxième guerre mondiale. C'est une œuvre très touchante et très étrange, qui mêle l'histoire personnelle de Charlotte (sa jeunesse, son premier amour, ses études artistiques...) et l'histoire de l'Europe en ces temps troublés (les mesures anti-juives, la fuite des juifs allemands...).





Cette édition de Vie ? ou Théâtre de Charlotte Salomon est de grande qualité. Les gouaches sont reproduites avec un grand soin et dans des formats variés mais suffisants, les textes sont clairement transcrits. C'est une édition très complète, qui comporte toutes les gouaches numérotées avec les textes rédigés par Charlotte ainsi que les références musicales qu'elle a voulu y associer.





L'appareil critique est extrêmement intéressant notamment l'article traitant de la place de Charlotte Salomon dans le monde artistique de son époque (l'Allemagne des années 1920 à 1940) et de ses influences (Munch, Beckmann, Matisse...).





On peut consulter l'intégralité de Vie ? ou Théâtre sur le site du Joods Historisch Museum, à cette adresse :

http://www.jhm.nl/collectie/thema's/charlotte-salomon





On peut y voir les gouaches, les calques (qui se superposent et dont on peut faire varier la transparence), la transcription des textes en allemand, et entendre les morceaux de musique choisis par l'auteur et associés aux gouaches et aux textes. On peut rechercher des gouaches par : personnage, mot-clé, thème, et croiser tous ces paramètres de recherche.





C'est un excellent prolongement de la lecture de ce livre, déjà très riche qui permet de découvrir Charlotte Salomon, directement, sans intermédiaire, grâce à l'unique œuvre qu'elle a pu créer durant sa vie trop brève.

Charlotte, tu étais belle,



en toi vibrait toute la sensibilité du monde,



ce monde de la haine qui t'a chassée,



qui t'a tuée;



deux années, tu as peint les gens de ta vie,



tu as peint la beauté,



aussi celle de Michelange, (1)



tu as peint les mensonges,



tu as peint la haine,



tu as peints des assassins en couleurs,



et en grand nombre



et tu as 'fait connaissance avec la mort,



mais tu es bel et bien ressuscitée' (2)



dans ce théâtre de nos vies,



que tu as peint et écrit.





Ce fut durant les deux dernières années de ta vie,



tu avais vingt- six ans, le 10 Octobre 1943.



Charlotte est née née à Berlin le 16 Avril 1917; En janvier 1939, après la Nuit de Cristal, le 9 novembre 1938, Charlotte quitte Berlin pour Villefranche-sur-Mer. Ils sont dénoncés, Charlotte et son mari sont arrêtés en Septembre 1943; envoyés à Drancy, puis le 7 octobre à Auschwitz. Le 10 octobre, Charlotte, enceinte de quatre mois, est gazée. Son mari est gazé le 1er janvier 1944.



LEBEN? ODER THEATER? EIN SINGESPIEL (VIE? OU THEATRE? Une Opérette, Le Tripode, 2015)

à partir de la fin de l'année 1940, Charlotte se consacre à Leben? oder Theater? Elle termine un peu plus de huit cents gouaches et aquarelles qui montrent sa famille, ses amis, son enfance et sa jeunesse et tous les évenements qu'elle a traversés. Elle les accompagne et textes, de citations (Goethe, Nietzsche...), et fait une large part à Alfred Wolfsohn, son professeur de musique qu'elle renomme Amadeus Daberlohn.

Peu avant son arrestation, elle confie son travail à un ami proche qui a pu le sauver.







(1) Charlotte a dessiné le plafond de la Sixtine et la Piéta Rondanini; j'aime beaucoup son travail sur M. Buanarroti.



(2) Cette phrase est empruntée à Alfred Wolfsohn, dans son livre Orphée ou le chemin d'un masque ' 'j'avais maintenant fait connaissance avec la face de la mort, puisque j'étais bel et bien un réssuscité. Il ne me manquait plus que de faire connaissance avec l'autre face, la vie...' citée par Charlotte (p 249)
Lien : http://holophernes.over-blog..

J'ai découvert l'oeuvre de Charlotte SALOMON grâce à David FOENKINOS.

Sur le fond, c'est le témoignage émouvant d'une jeune artiste juive allemande sous le régime nazi. Sur la forme, c'est une oeuvre considérable, originale et totale puisqu'elle mêle écriture, arts plastiques et musique. Les dessins sont d'une grande modernité : dans un style expressionniste, ils frappent par leur simplicité et leur vivacité.

Le destin de cette jeune femme a été marqué par des drames familiaux et brusquement interrompu par la marche macabre de l'Histoire. "C'est toute ma vie", aurait dit Charlotte en confiant son trésor à un ami. On ne peut être que bouleversé par cette urgence de se raconter, de laisser une trace, de créer quelque chose de plus grand que soi, avant qu'il ne soit trop tard...

Beaucoup ont découvert Charlotte Salomon avec le livre de David Foenkinos. Le succès de ce livre (qui a obtenu le Goncourt Lycéen et le prix Renaudot en 2014) a permis aux éditions du tripode de sortir l'intégralité de l’œuvre de l'auteure.



Vie ? Ou théâtre ? c'est 900 gouaches que Charlotte Salomon a peint pendant un an et demi, recluse dans une chambre d'hôtel, alors que toute sa famille était morte ou lui avait tourné le dos. Pour ne pas sombrer dans la folie, elle a laissé libre court à sa puissance créatrice pour raconter sa vie. Chaque gouache est recouverte d'un calque sur lequel elle calligraphiait un texte et une musique. A lui seul le texte fait l'équivalent d'un livre de 200 pages. Nous avons affaire à un œuvre totale, protéiforme et tout à fait singulière. Il est fascinant de se plonger dans ces gouaches. La façon Charlotte Salomon raconte sa vie, prend de la distance avec elle, le découpage... tout est original et très en avance sur son époque. Cette œuvre n'avait jamais pu être vue dans son ensemble. C'est donc un livre assez exceptionnel. Il coûte 95€, mais au regard de l'objet, ce n'est pas cher payé ! C'est en plus un livre qui prendra de la valeur avec le temps. Je vous recommande donc de vous perdre dans l’œuvre de Charlotte Salomon car c'est un très grand plaisir !

Chef d'oeuvre inclassable!



J'ai pu emprunter ce ***roman graphique*** d'une vie, je ne sais comment le définir tellement je suis écrasée par l'oeuvre graphique & surtout le contenu éditorial dense.



C'est un livre prémonitoire que cette jeune femme dernière d'une lignée de mère, grand'mère, tante & oncle aux destins tragiques, a écrit dans ses derniers mois.







Il est à noter que son père & sa belle-mère,juste après la guerre à Amsterdam, étaient amis avec les parents d'Anne Franck.

Huit cent quarante pages dont émane encore un envoûtant parfum d’encre des semaines encore après le début de la lecture.
Lien : http://www.ledevoir.com/cult..

Après la lecture de Charlotte par D Foekinos, j ai longtemps été hantée par la personnalité de cette magnifique peintre juive martyre assassinée à Auschwitz.

C’est pourquoi naturellement j’ai voulu voir à quoi ressemblait son œuvre. Acheter son livre m a également paru le meilleur moyen d’ entretenir sa mémoire .

A l intérieur, on trouve un résumé de sa vie, et surtout ses innombrables gouaches et textes de sa plume comme un journal intime qui forment une sorte de roman photo, témoignage très touchant de sa vie sous l occupation . Charlotte était douée c est indéniable ; c’était aussi une travailleuse acharnée, qui très jeune avait développé un style bien a elle. Elle savait aussi au fonds d elle qu elle mourrait jeune.

Ses gouaches sont très originales ; c’est à la fois magnifique et coloré mais aussi très poignant,

A avoir absolument dans sa bibliothèque !

Charlotte Salomon a été la dernière élève juive de l'école des beaux arts de Berlin avant la seconde guerre mondiale. Réfugiée en France elle décide de peindre sa vie. Plus de 1000 peintures forment ce qui est considéré comme le premier roman graphique de l'histoire. J'ai vu un film sur la peintre, que j'ai adoré, et j'ai eu envie de lire son livre. Je ne m'attendais pas à ce qu'il soit aussi sombre avec beaucoup de passages philosophiques qui ne m'ont pas trop parlé malheureusement...