— Maître, vous qui savez lire dans l'avenir, pouvez-vous prédire comment se terminera la bataille entre les nationalistes et les communistes ?
— Qui d'un marchand de pâtes et d'un marchand de nouilles pourrait bien l'emporter ? répondit le lettré en souriant. Au fond, ils proposent la même chose !
Imaginez ce cerf blanc comme neige, descendu comme par magie des monts du Sud, aussi léger qu’irréel, bondissant, dansant, folâtrant sur la vaste campagne, laissant sur son passage verdure florissante, jeunes pousses vigoureuses, moisson abondante, élevage prospère, faisant disparaître épidémies et insectes venimeux pour répandre santé et bonheur ! Quelle époque merveilleuse ce devait être !
Lu San avait soudain vu briller dans le noir deux rayons de lumière, ceux des yeux de la jeune femme. Il avait planté son regard dans le sien, sachant qu’il ne fallait surtout pas tourner le dos à un agonisant, car ce n’est qu’en leur faisant peur en les fixant de cette manière qu’on pouvait chasser leur fantôme. Les deux rayons avaient faibli puis disparu tout à fait.
Tous les paysans, riches et pauvres, connaissaient par cœur et récitaient à l'envi un des dictons de Zhu qui disait : "Maisons et terrains, sources d'ennui ; l'accumulation d'argent attire la Faucheuse." Si la nouvelle qu'un riche propriétaire s'était fait dépouiller de ses biens et couper la tête par des brigands parvenait à leurs oreilles, hommes et femmes récitaient en chœur cette maxime en soupirant. Cependant, si les gens ne doutaient pas de la sagesse de ces propos et de leur justesse attestée par des faits vécus ou observés, aucun n'était prêt à les mettre réellement en pratique. Après s'être divertis, voire réjouis, du malheur des autres, les hommes ordinaires oubliaient rapidement les faits sanglants dont ils venaient de discuter pour se jeter à corps perdu dans la course à l'argent et se précipiter au-devant de la Faucheuse : jamais ils n'auraient laissé passer l'occasion de s'offrir un bout de terrain ou une maison de plus. Que le commun des mortels adhère totalement aux propos avisés du sage mais ne les applique pas n'est pas du tout une tragédie pour le sage : c'est simplement la raison pour laquelle l'homme ordinaire ne pourra jamais devenir un sage.
C'était un homme fiable et fier qui avait gagné la confiance de deux générations de Bai grâce à son honnêteté dans le travail. Il recevait son dû deux fois par an, l'esprit tranquille : après la moisson d'été, il rapportait du blé chez lui ; après la moisson d'automne, il rapportait du maïs et du coton. Et la famille Bai ne le lésait jamais sur les quantités. À ses yeux, il abattait du travail dans le but d'obtenir céréales et coton, et on lui donnait des céréales et du coton en échange de son travail. C'était simple et logique. De fait, quand on travaille mal, quel employeur veut de vous ? De la même façon, il y a de riches propriétaires qui cherchent à faire travailler leurs ouvriers agricoles en les rétribuant le moins possible et en lésinant sur leurs repas : rien d'étonnant alors à ce que ces employés ne se démènent pas pour eux. En fin de compte, il était aussi difficile pour un propriétaire de trouver un bon ouvrier que pour un ouvrier de trouver un bon patron.
L'appareil gouvernemental était devenu une machine à tuer, chaque jour plus puissante et mieux rodée. Au lieu de combattre l'envahisseur japonais qui occupait déjà le nord de la Chine, les policiers, les agents secrets et les millions de soldats du pays avaient reçu l'ordre d'éliminer en priorité les communistes. Même un petit district comme Zishui s'était doté d'un régiment spécialement formé à la lutte contre les communistes, avec des militaires professionnels comme Xiaowen qui parlaient "d'intervenir" là où il était question de capturer ou de tuer. D'un rapace qui du ciel repère une proie, on dit qu'il "fond sur elle" ; d'un loup qui attaque un voyageur dans la pénombre, on dit qu'il lui "saute à la gorge" ; d'un soldat comme Xiaowen qui se contente de sortir son revolver pour tirer sur un homme, on dit qu'il "intervient"...
C'était arrivé un jour, en effet, où il se consacrait à sa lecture matinale. De simple habitude, cet exercice était devenu pour lui un besoin vital. Contrairement aux gourmandises qui, si fines soient-elles, finissent toujours par perdre toute saveur, les livres des sages résistent à l'accoutumance. Mieux : chaque lecture a un charme nouveau et entraîne une nouvelle façon de voir les choses. Leur goût, au lieu de s'appauvrir, s'intensifie : alors qu'on ne peut supporter un plat même succulent plus de trois repas d'affilée ou porter le même costume pendant quinze jours, un bon livre peut se savourer toute une vie.
...après son arrivée dans le sud, Zhu et son collègue avaient passé plusieurs jours à admirer les paysages grandioses offerts par la nature. Mais un soir, après dîner, cet homme l'avait conduit dans une maison close. Ne pouvant contenir sa colère, Maître Zhu avait alors décidé de rentrer. Une fois de retour à Guanzhong, il était monté d'une traite jusqu'au sommet du mont Hua.
Ce n'est qu'une fois parvenu tout en haut qu'il avait laissé échapper un long soupir.