Un échange exclusif, réalisé dans les magnifiques locaux de l'Hôtel littéraire le Swann que nous remercions encore une fois pour leur accueil.
Le roman :
Margot, 17 ans, souffre depuis plusieurs mois de malaises fréquents et peine à se rendre en classe. Divers médecins ont échoué à la guérir. Jusqu'au jour où elle atterrit chez un psychiatre, le docteur Donnelheur.
Face à lui, chaque semaine, pendant quarante-cinq minutes, Margot se heurte au silence des mots qu'elle ne trouve pas. Heureusement, le docteur Donnelheur se révèle être un très bon psy. Libérée de son secret, Margot reprend pied. Donnelheur devient un sauveur, un père, un maître à penser
Cependant, au fil des séances, le sorcier bienveillant et malicieux se mue en recteur insatisfait et colérique. le sauveur serait-il devenu dangereux ? Jusqu'où les règles du cadre analytique seront-elles enfreintes ? Margot parviendra-t-elle à se libérer du piège qui se referme ? À moins que le sujet d'étude ne soit pas celui que l'on croit
Chloé Lambert est actrice et auteur dramatique, lauréate du prix Suzanne Bianchetti, La Veillée, sa première pièce, se joue en 2012. Quatre ans plus tard, La Médiation, qu'elle a créée, est deux fois nommée aux Molières. En 2019, elle a mis en scène le Misanthrope.
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Il ramasse, trie, nettoie la poubelle que je finis de vider devant lui. Je crache cette histoire inutile par petite séquences désordonnées, à la manière d'un puzzle dont les morceaux éparpillés dans ma mémoire émergent au gré de marées changeantes ; marées qui déposent sur le sable de ma conscience, indice après indice, les motifs décousus. Manquants.
"se souvenir" a un coût dont il faut pouvoir se remettre
Donnelheur affirme que la culture est le seul moyen de transformer ou de supporter la barbarie humaine. La connaissance qu’il recommande, dont il connaît les vertus, n’est pourtant pas préétablie. Elle n’a pas d’autre origine que la quête d’une âme tourmentée ou réjouie. Grâce à elle, se déploient des manières infinies devoir le monde, de survivre, de créer de partager.
Si le métier de psychanalyste consistait à avoir raison, les cures psychanalytiques seraient rapides et le métier d’analyste moins difficile.
Isabelle : Nous sommes là pour vous aider à restaurer la communication entre vous. (Un léger silence. Pierre soupire.) Monsieur, vous ne semblez pas convaincu ? Il est important que vous vous engagiez dans ce processus, autrement la médiation est vouée à l'échec.
Pierre : Vous savez, nous avons déjà eu des rendez-vous avec un pédopsychiatre et cela n'a rien donné de bon, alors je ne suis pas très optimiste.
Isabelle : Votre fils va voir un pédopsychiatre ?
Pierre : Non. Notre fils va très bien. Nous y sommes allés.
Isabelle : Je ne comprends pas bien. Vous y êtes allés avec votre enfant ?
Pierre : (presque rigolant) Non, nous y sommes allés nous deux : les parents. (Désignant Anna.) C'était son idée. Et à deux cents euros la demi-heure, on a fini par se haïr complètement !
De ce jour, je crus qu'il existait une vérité alors que (et cette étude en est la preuve), il est impossible d'être dans la vérité, seule existe la quête de la vérité que personne ne détient.
p. 151 :
Dieu existe-t-il ? Je ne crois pas. Achille Donnelheur a-t-il deviné à travers mon silence le petit soliloque intérieur que je poursuis ? Mystère et boule de gomme. Je sors de son immeuble avec la sensation d’avoir été battue. Mon reflet dans le miroir me souffle et me fait des grimaces… Un pied marche sur ma tête. Les couleurs n’en sont plus. Ni fait, ni à faire comme image. Je me laisse tomber sur le banc…
J’apprends ainsi grâce à lui que l’honnêteté envers soi-même n’est pas seulement une vertu morale mais une force humaine sur laquelle il est possible de rétablir et même bâtir une santé tant physique que mentale.
Isabelle : Nous ne sommes pas là pour vous juger, ni pour prendre parti.
Pierre : Vous êtes la Suisse et nous le couple franco-allemand cherchant la construction européenne.
Je m'étais donc trompée sur l'amour, sur les liens entre les enfants et les adultes. A nouveau, je n'ai plus de mots. Alors que lui, le chevalier Donnelheur que je m'imaginais vêtu de rouge, n'a plus de mots assez forts pour dézinguer mon entourage. Il dénonce l’immaturité de certains, les obsessions infantiles des autres, les jalousies des femmes et la folie de mon grand-père Alfred.
A l’aube des années 1990, je crois pourtant que mes parents ne connaissent pas grand-chose de ce qui éclaire une petite partie du monde depuis plus de soixante ans. Freud, son génie, ses collègues, ses disciples et se contradicteurs ne sont pas parvenus jusqu’à eux, ou alors uniquement sous la forme d’une information intellectuelle.