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Critiques de Chloé Lambert (41)
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Nous en resterons là

Margot va mal. Son corps exprime une souffrance que rien ne parvient à apaiser. A dix-sept ans, elle a la chance de rencontrer un médecin de l’âme qui peu à peu parvient à faire parler la jeune fille et mettre au jour les indicibles souvenirs douloureux de son enfance. Avec les mots, s’envolent les maux. La thérapie se prolongera longtemps, jusqu’à une autonomie relative de la patiente.



Cependant, des années plus tard, une rechute, des choix contestables amèneront Margot à revoir celui qui l’avait sauvée. Curieusement, l’homme semble différent, et l’empathie évolue en agressivité, tandis que les conventions strictes de la thérapie se perdent dans d’étranges comportements.



Analyse minutieuse du processus de la prise en charge psychologique, dans ses différentes modalités, tout y est : les résistances, le rejet, le transfert, la dépendance, la distance à respecter…Toutes les règles qui gouvernent la pratique sont présentes, du moins au départ.

Mais ce qui pourrait être un simple témoignage dérape. Après la bonne conduite, les écarts, inacceptables et délétères.



Traumatismes enfouis, pathologies de la personnalité, on retrouve dans ce roman un ensemble de données relatives au champ de la psychiatrie, présenté avec une excellence dans l’art de la narration. Tout y est et fort bien dit. L’évolution parallèle des deux personnages principaux est intéressante et originale.



Premier roman malin et maitrisé, autrice à suivre



232 pages Rocher 24 Août 2022

#Nousenresteronslà #NetGalleyFrance
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Nous en resterons là

A 17 ans, Margot est mal dans son corps abusé et dans sa tête, c'est le fatras. Une famille dépassée par les évènements, une grand-mère qui ne se démonte pas face aux révélations de sa petite fille.



Le décor est planté, mais mal installé.



Après avoir consulté plusieurs médecins, qui ne parviennent à la comprendre et la soulager, elle échoue, -car son paquetage est bien lourd-, dans un cabinet d'un psychiatre Achille Donnelheur.



Ses mots sont des silences, corsetée, elle a du mal à parler, face à cet imposant thérapeute, la pipe au bec.



Grâce à sa grande éloquence, il va l'aider à démêler les noeuds qui l'enserrent et une relation de confiance s'installe. Alors, elle se déverse, mais évite le sujet de la sexualité, qui pourtant intéresserait bien d'aborder Achille….



Margot prend des notes sur un petit carnet pour garder en dépôt les mots de cet homme prolixe, qui se réfère souvent à la littérature pour confirmer ses propos dans ses joutes verbales, car il ne fait pas dans la dentelle. Il la remet en cause, la triture, l'entraîne dans les tréfonds de son âme, mais pourtant Donnelheur devient un mentor pour elle, un sauveur, elle lui doit presque tout, elle va mieux.



Il a su trouver les mots pour apaiser ses maux, ses bleus invisibles, pour changer dans sa tête d'autoroute.



Les contours de la relation semblent posés, mais ce confident va s'avérer délétère, énervé, colérique quand elle reviendra vers lui après s'être empêtrée à nouveau dans un mauvais terreau.



Parviendra-t-elle à s'affranchir de cet homme de plus en plus pressant, comme un ogre qui cherche à la dévorer ?

Parfois, on ne sait pas à qui on parle…



Nous en resterons là…

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Nous en resterons là

Voilà un livre très intéressant, j'allais écrire très intelligent. La narratrice va voir un psychanalyste pour des raisons de santé quand la médecine ne suffit plus. Elle va devoir sortir d'elle son secret. Mais là n'est pas le sujet, enfin si, mais non, mais si, mais non ! Là, où l'autrice nous emmène est tellement plus subtil : l'héroïne veut comprendre les rouages de l'analyse en particulier, et de la psychanalyse plus largement. Le rôle de l'analysant (le patient), le rôle des questions, des silences (ah ! les silences !), de la durée, du confort, du protocole. Et surtout le rôle du psychanalyste : père, sauveur, docteur ? Tout le long j'aurai presque aimé discuter de telle phrase ou telle pensée avec un psy pour avoir son point de vue. Très bien fait. Ça donnerait presque envie d'aller en analyse pour voir.
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Nous en resterons là

« Nous en resterons là » est une phrase bien connue de nombreuses personnes qui fréquentent un psy. C’est le signal allant souvent de pair avec la frustration de devoir s’arrêter dans le déroulé de ses névroses, du soulagement que le professionnel est censé apporter à son patient. C’est dans cette optique que la jeune Margot vient consulter Achille Donnelheur, car elle souffre d’une difficulté à s’alimenter proche de l’anorexie, sans en comprendre les raisons. Si ce psy va l’aider à aller mieux dans un premier temps, la menant à arrêter pour un temps sa thérapie, quand elle la reprend, les consultations vont prendre une tournure différente, le professionnel passant d’une approche bienveillante à une nettement plus incisive, faisant se remettre en cause la jeune Margot, prise dans une mécanique qu’elle ne comprend pas et dont elle va être la victime…



Le roman est divisé en trois parties, narrées par Margot, qui sont autant d’étapes dans le parcours de cette dernière, dans ce schéma d’emprise qui se met lentement en place. Jeune fille fragile, Margot va en effet se placer d’emblée sous la coupe de ce psy qu’elle va se mettre à idéaliser. Banale histoire de transfert me direz-vous. Mais le malaise du lecteur – en tout cas celui que j’ai rapidement ressenti – va s’intensifier quand une à une les règles de l’éthique psychanalytique vont être transgressées par le professionnel, qui va briser la distance entre un patient et son psy en se mettant à parler à Margot de sa vie, à lui donner des conseils de lecture, jusqu’à régenter sa vie amoureuse ou la résolution du traumatisme qui l’ont poussée à venir chez lui. Du transfert, on passe donc au contre-transfert, me faisant assister au lent délitement d’une personne qui cherchait de l’aide jusqu’à son meurtre psychologique par celui dans lequel elle a placé tout son espoir…



Si vous pensez entamer un travail psychanalytique, peut-être que « Nous en resterons là » ne sera pas le roman à lire de suite… Je l’ai trouvée d’une violence inouïe – il faut dire aussi que c’est remarquablement bien écrit –, j’ai été mal à l’aise et outrée, tout au long de ma lecture, par ce parcours d’une jeune fille mise systématiquement à terre bien que traversée par un instinct de survie formidable, même si je n’ai pas réussi à m’attacher à elle, qui semble rester presque en permanence dans la sidération. Il m’a fait une impression si forte que je ne saurais dire si je l’ai aimé, et que je ne sais pas le noter (c’est bien la première fois que ça m’arrive). Je conseille cet ouvrage à tous ceux qui pensent que le travail psychanalytique ne relève que de la charlatanerie, ce roman montrant au contraire la puissance du jeu qui se joue sur un divan. Une belle maîtrise de l’écriture pour un premier roman.

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Nous en resterons là

Margot est une jeune fille de dix sept ans à peine quand elle croise la route du docteur Donnelheur : elle souffre de troubles variés, étiquetés psychosomatiques. Un jour elle se confie davantage à un des médecins qu’elle rencontre au hasard des symptômes du moment et celle-ci l’envoie chez ce psychiatre qu’elle connaît, en faisant comprendre au passage aux parents de Margot qu’ils sont déficients sinon aveugles…



Dans la famille de son père, les problèmes psychiques sont passés sous silence, on ne peut parler en fait que de la pluie et du beau temps pendant les repas. Du côté maternel, tout s’explique de manière rationnelle : mauvaise alimentation, manque de magnésium… Donc même dialogue de sourds.



Les séances commencent, mais elle a du mal à entrer dans le cabinet, à trouver les mots, devant cet homme impassible qui fume la pipe sans vergogne. (Mimétisme de Freud : son divan, sa pipe…)



Peu à peu, elle évoque l’inceste dont elle a été victime de la part de son oncle, qu’elle aimait beaucoup, dès l’âge de 14 ans, et la complicité des grands-parents, notamment la grand-mère : son fils ne peut pas être coupable, c’est forcément Margot qui l’a aguiché !



Peu à peu, le psy sort de ce qui devrait être la neutralité bienveillante (a-t-il jamais été neutre d’ailleurs ?) commence à parler de lui, de ses lectures, qu’elle prend pour des conseils au départ, se permet d’arriver en retard sans s’excuser,



Quand le « bon docteur » de vient un peu trop lourd en sexualisant beaucoup en termes fleuris, Margot lui trouve des excuses, ne sent pas l’attitude limite. « Il faut bien qu’il ait quelques défauts, ce grand homme » pense-t-elle.



L’auteure décrit très bien les séances, leur déroulement, la manière dont Margot idéalise le psychiatre, lui trouvant toujours une excuse. Il se réfugie derrière les notions de transferts, contre-transferts, vocabulaire psychanalytique pour établir son emprise. Il lui propose de changer de méthode, en plein milieu du travail : on ne passe pas la psychothérapie en face à face au divan avec le même analyste… mais il n’est pas à une manipulation près.



L’inceste est plutôt bien évoqué, même si j’aurais aimé une réaction de type « Festen » film que j’adore, quand Margot profite d’une réunion familiale pour le révéler enfin.



J’ai bien aimé ce livre, même si j’ai senti très vite que la thérapie dérapait, j’ai adoré détester le docteur Donnelheur, mais j’ai fini par retenir tout ce que je considérais comme des « fautes », c’est-à-dire, réquisitoire à charge, me transformant en procureur… Freud a dû se retourner dans sa tombe ! donc exercice réussi pour Chloé Lambert car le lecteur s’investit, participe.



Un grand merci à NetGalley et à Elidia, éditions du Rocher qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteure



#Nousenresteronslà #NetGalleyFrance !
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Nous en resterons là

Je suis totalement passée à côté de ce livre ! Je l’ai fini pour une unique raison, pour ce que j’estime être un engagement envers l’éditeur via NetGalley ! Et ce n’est pas une motivation suffisante pour apprécier une lecture !



Bien que j’aie été touchée par ce qu’a vécue Margot dans son enfance je n’ai pas réussi à ressentir d’empathie pour elle et seul le mépris a été mon sentiment envers le psychiatre !



Les faits sont rapportés par Margot à la fin de son analyse et après la prise de conscience de tout ce qui s’est passé pendant 17 ans. Malgré cela j’ai trouvé que sa manière de s’exprimer était totalement déconnectée de la réalité ou du temps présent, très mécanique dans ses descriptions et d’une froideur qui m’a rebutée, le tout assez pompeusement exprimé !



Un rendez-vous raté !



#Nousenresteronslà #NetGalleyFrance #rentreelitteraire2022



Challenge 50 Objets 2022/2023
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Je terminais ce roman qu'une page complète sur son auteur paraissait dans le Figaro

J'ai donc appris que cette jolie femme brune avait plusieurs cordes à son arc et que ce roman n'avait (peut-être)pas eu besoin de trop d'imagination pour être écrit.

Il s'agit d'un texte sur l'emprise, mais de l'emprise exercée par un psychiatre sur sa patiente. Ils se seront vus pendant 17ans, 17 ans de consultations analytiques c'est peu dire. La jeune fille s'éloigne de sa famille , de ses amours pour soigner une grave blessure d'enfance, mais en fait son « gourou » va se transformer en Minotaure, il y aura là un contre-transfert malsain de la part de cet homme . Heureusement si j'ose dire , la Grande Faucheuse peut parfois contribuer à réparer des dégâts.

Un roman très intéressant qui fait froid dans le dos il y a dans la société des pervers , même chez les thérapeutes

Merci aux #Edts du Rocher pour cette lecture .
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Peu de points positifs pour cette lecture, mon avis sera globalement négatif...



Commençons par le positif : il était intéressant de comprendre pourquoi les relations sexuelles entre adulte et mineure sont évidemment interdites, de rappeler pourquoi une absence de refus n'est pas un consentement. Et de rappeler qu'une ado manipulée et perdue n'est pas non plus ce qu'on appelle "consentante" même si elle paraît volontaire. Un sujet difficile mais que j'ai aimé lire.

Autre aspect positif, le style était globalement plaisant. Sauf... (et là, nous commençons le moins bien...)



Sauf déjà les diverses métaphores qui m'ont fort lassée à force. Voire même, je crois que j'ai été perdue à un moment ; l'histoire avec le chien ? Il est réel ou métaphorique ce chien ?



Concernant les personnages, on n'est pas beaucoup mieux : j'ai fort regretté de ne pas vraiment m'attacher à Margot et sa tragédie. C'est dommage. Le récit tourne vraiment autour du psy, son sauveur, son attitude. Alors, certes, il n'y a pas d'arnaque car c'était ce que la quatrième énonçait. Néanmoins, j'ai été déçue. Peut-être l'autrice s'est-elle trompée d'histoire. Ou alors c'est moi qui n'attendais pas celle-ci. L'histoire de Margot, comment elle a vécu ces tragédies, comment elle en est sortie (ou pas) m'aurait tellement plus plu. Mais elle est finalement effacée car celui qui va prendre toute la place est le psy, Achille Donnelheur. Alors, oui, encore une fois, c'est ce qui était prévu. Mais non, je ne voulais pas cela. (Et en tant que lectrice, je considère que j'ai peut-être un peu mon mot à dire !)



Et puis, concernant encore les personnages, je les ai trouvé complètement improbables, notamment le psy. Et même Margot d'ailleurs ; peut-on à ce point, pendant autant d'années (17 ans) être manipulée, sous emprise d'un homme que parfois elle ne voit plus pendant des années ? Peut-être, me direz-vous... Du coup, j'aurais préféré un témoignage plutôt qu'un roman car je suis là dans le flou.



Pour résumer, nous avons un livre un peu tordu, malaisant, sans parler de la fin plus qu’ambiguë à mon sens. Ce que je peux dire c'est que je n'ai pas passé un bon moment de lecture. Et même si j'ai déjà entendu ou lu des lecteurs qui disaient que la littérature n'est pas là pour nous faire passer des bons moments mais pour nous bousculer, nous faire réagir etc., et bien je me permets de ne pas être d'accord.

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Douloureux. Prenant. Malsain.

Je ne pensais sincèrement pas lire ce roman quasiment d'une traite. Ce roman devrait parler de l'inceste, de la manière dont la victime se reconstruit, dont la famille fait face, aussi, à la révélation de ce secret. Et ce n'est pas du tout de la manière dont on pourrait s'y attendre. Non, ce roman n'est pas que cela, même si ce serait déjà beaucoup. il traite surtout de l'emprise qu'un psychiatre peut avoir sur sa patiente. 

Certes, il va beaucoup aider la jeune femme - dans un premier temps. Avant de l'enfoncer - dans un second temps. Ce docteur, psychiatre et psychanalyste (autant je respecte les premiers, autant j'ai du mal avec les seconds) est très renommé, il est le meilleur, il est donc insoupçonnable, intouchable, inattaquable. Et qui y songerait ? Personne. Pas même la narratrice, qui nous raconte comment, à un moment du récit, elle a dû se reconstruire - malgré lui - comment elle s'est détachée - malgré lui, toujours. 

Un roman que je n'ai pu quitter sans un sentiment de malaise, sentiment que j'ai toujours en écrivant cet avis. 
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L’emprise



Définition de l’emprise : Ascendant intellectuel ou moral exercé par quelqu'un ou quelque chose sur un individu. C’est l’expérience malheureuse que Margot fera en suivant, d’abord une psychothérapie, puis une analyse.

Margot, 17 ans, souffre de divers troubles qui mettent à mal sa réussite scolaire et qu’aucun médecin n’a pu soigner. En désespoir de cause, ses parents l’envoie consulter un psychiatre, le docteur Achille Donnelheur. En passant sa porte pour la première fois, elle ignorait que sa thérapie durerait 17 ans… A 14 ans, Margot a eu des relations sexuelles avec son oncle Eric, âgé de 21 ans. Consentement, pas consentement, inceste… toujours est-il que Margot s’enferme dans une spirale dépressive et destructrice dont le docteur Donnelheur parviendra à la sortir… Jusqu’au moment où, de médecin, de thérapeute, Achille Donnelheur deviendra à son tour un prédateur.

La grande force de ce roman réside dans le parti pris du départ : avec Margot nous suivons toutes les étapes de sa psychothérapie / analyse de son point de vue à elle. Nous la voyons évoluer, d’une jeune fille perdue à une femme qui finit par s’affirmer et s’affranchir de son adolescence. Nous la voyons idéaliser son thérapeute, lier avec lui une relation de totale dépendance, passer finalement sous son emprise car, de bienveillant et de « soignant », le médecin va se muer en une personne toxique. Jusqu’au dénouement.

Je ne sais pas si ce roman est autobiographique, la construction et certains passages pourraient le laisser penser, ainsi que l’écriture où la sincérité est indéniable. Quoiqu’il en soit, suivre le cheminement de Margot est une épreuve douloureuse (pas au sur le plan littéraire, le roman étant plutôt réussi). L’histoire est convaincante, les chapitres courts permettent d’entrer au sens propre comme au figuré dans le cabinet du psychiatre. Toutefois, mon impression est mitigée car je n’ai pas ressenti de réelle empathie pour Margot.

Un grand merci à Gleeph et aux Editions du Rocher pour l’envoi de ce livre.

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Je viens de refermer ce roman et je suis perplexe.



Dans le fond, le sujet traité et les thèmes abordés (viol, dépression, dépendance affective…) m’intéressent et m’interpellent, cependant j’ai eu beaucoup de mal avec la forme. Le style est assez pompeux et manque, pour ma part, de fluidité. J’ai trouvé, par moments, ma lecture laborieuse et certains passages traînent en longueurs… Il y a très peu de dialogues, et beaucoup de réflexions de la part de la narratrice, si bien que l’on a tendance à se perdre en digressions. Le récit est également ponctué de longues métaphores qui alourdissent encore l’ensemble. Cela n’a pas toujours été simple de rester concentrée.



Le ton de la narration est très neutre, presque mécanique, froid et détaché. Difficile de ressentir la moindre empathie pour Margot malgré les douleurs qu’elle ne cesse de traverser. On la suit pendant 17 ans et pourtant, j’ai l’impression d’être restée à distance.



Le Dr Donnelheur est, quant à lui, antipathique au possible avec ses analyses et ses concepts freudiens. Il n’y a aucune émotion, le côté affect est totalement mit de côté. Margot, et ce qu’elle a traversé, est un sujet d’étude. Il y a des explications, tout peut s’expliquer. C’est ainsi. Et sa patiente, bien que dubitative par moments, n’aura de cesse d’approuver ce Dieu vivant qui SAIT car c’est son métier de savoir. Là, pour le coup, j’ai trouvé cet aspect assez pertinent et je pensais que la suite du récit s’orienterait autour de cette emprise malsaine et déplacée. De cette relation ambiguë.



La curiosité m’a poussée à poursuivre ma lecture, guidée par cette envie de connaître le dénouement. Dans la deuxième partie, on comprend donc que Margot entre dans une nouvelle spirale. C’est une jeune femme dépendante affective, qui a besoin d’un soutien, d’un pilier pour avancer et ne pas sombrer. Elle se sent seule, incomprise, mais elle ne se comprend pas elle-même. Il lui faut sans cesse l’aide de son cher psychanalyste pour parvenir à identifier son mal-être et y apposer des mots tels des remèdes. Margot est perdue dans ce vaste monde et ne parvient pas à se situer, à trouver sa place. Et quand elle finit par trouver un semblant d’équilibre, le Dr Donnelheur la rappelle à lui.



Le récit piétine et l’on demeure, encore une fois, en surface. Les subtilités sont infiniment subtiles et Margot, finalement, ne laisse rien paraître de plus. Elle ne nous conte que ce qu’elle veut bien nous dire de ses séances et de sa vie. Elle nous répète en boucle qu’elle a besoin de son psy et qu’elle a peur de le perdre. Bon ok, mais après ?



Puis, dans la troisième partie, on change radicalement de ton. D’un coup, les révélations pleuvent et le couperet tombe. J’ai malheureusement trouvé que cela survenait bien trop tard et de façon bien trop abrupte. Un virage à 360° qui m’a presque laissée de marbre. Tout du long, on s’attend à ce qu’il se passe quelque chose, sans que rien ne se produise durant les deux tiers du récit… Et, à la fin, on en reste bel et bien là.



Un grand merci cependant à Gleeph et aux Editions du Rocher pour l’envoi de ce roman.



Challenge ABC 2022-2023
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Je tiens à remercier toute l'équipe de Babelio pour m'avoir sélectionnée lors de cette dernière Masse Critique ainsi que les Editions du Rocher qui m'ont envoyé cette petite pépite.

D'une écriture fluide et délicate, Chloé Lambert aborde ici la relation thérapeutique, le lien mystérieux qui relie le psychiatre et son patient et les questions fondamentales qui en découlent : comment se lier sans dépendre ? Comment soigner quelqu'un sans le rendre dépendant de ses soins ?

Les personnages ,habilement construits, du Docteur Achille Donnelheur et de Margot sa jeune patiente rendent ce roman véritablement addictif.

Margot a treize ans quand elle commence à subir, chez ses grands-parents paternels, les caresses de son oncle Éric, un étudiant de vingt-quatre ans puis deux ans plus tard vient l'inceste, pratiquement sous les yeux de ces mêmes grands-parents qui ne veulent pas voir. Elle échappe ensuite de peu à la lubricité d'un dermatologue lors d'une consultation et s'en ouvre à ses parents qui minimisent ce qui est arrivé. Il faut dire que Margot est issue d'une famille où il y a de nombreux médecins. On ne met donc pas en cause la fonction médicale.

Toujours est-il qu'à dix-sept ans , Margot est malade, elle soufre de migraines et de l'estomac, elle ne nourrit à peine, s'évanouie fréquemment et voit ses résultats scolaires chuter irrémédiablement. Elle se renferme sur elle-même et dissimule son corps sous des vêtements informes.

Rendez-vous est pris avec le psychiatre Achille Donnelheur qui va progressivement parvenir à gagner sa confiance, l'écouter et mettre des mots sur ses maux : sidération, abus sexuels, inceste et meurtre d'âme. Il va l'aider à y voir clair sans jamais juger. Trois années de psychanalyse plus tard, il lui annonce qu'elle n'a plus besoin de lui. Mais deux années de fréquentations toxiques l'ont à nouveau fragilisée et la ramènent auprès de son psychiatre. Suivrons ensuite, sur l'insistance de ce dernier, quatorze années d'analyse quand enfin le bon Docteur Donnelheur lui dit : « Nous en resterons là » . Ce ne fût pas le cas…

Ce roman développe le rôle du psychiatre et comment il peut aider son patient, lui qui est formé pour cela. Nous voyons cette relation du point de vue de Margot. C'est la relation asymétrique du langage et de la vie psychique d'une adolescente quand elle a affaire à quelqu'un qui en sait plus qu'elle. On la voit en attente, étonnée, confiante ou non envers cet homme qui est un soignant de la vie psychique justement. Nous assistons aussi dans ce roman à ce que la psychiatrie nomme « la confusion des langages », l'adulte tient un langage et l'adolescent entend autre chose , ce qui est source de malentendus.

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Me voilà bien à mal de mots pour écrire sur ce livre… Vraiment… cela fait plusieurs jours que je l’ai fermé et je crois me sentir tout à fait démunie face à cette histoire qui se tisse, ce lien entre un psychiatre psychanalyste et sa patiente. C’est probablement un livre qui se ressent d’abord. A travers les yeux de cette jeune femme, perdue, sans corps et sans mots, les lignes s’enchaînent, s’articulent entre l’analyste et la patiente, pour donner finalement une forme -informe- à cette relation. Le mouvement est insidieux, les codes sont respectés ; le travail analytique est mis sur le devant de la scène avec finesse et méthode.



On s’y accroche, on la suit et peut-être qu’on s’y étouffe aussi. Voilà… une sensation d’étouffer c’est donc ça.



Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un livre que l’on peux uniquement aimer ou ne pas aimer. Non, le thème est trop sérieux, bien trop grave. L’histoire, à travers ces yeux de patiente, nous pousse à en être partie prenante. Nous lecteur ne sommes plus uniquement spectateurs mais là : dans sa tête et dans ses séances…



J’en reste sidérée, sans voix - contrairement à l’héroïne - mais vous comprendrez peut-être en le lisant.
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Nous en resterons là

Nous suivons Margot, traumatisée et fragilisée par un secret et dramatique évènement intra-familial, qui entame une thérapie auprès d’un psychiatre charismatique, brillant, compétent. Cette thérapie se poursuit sur plusieurs années, et est rythmée par les phases classiques d’une thérapie psy, puis bouleversée par de multiples, discrètes puis flagrantes transgressions de la part de ce mystérieux thérapeute qui prend au fur et à mesure une place conséquente hors du cadre normé et strict de la thérapie…



C’est un écrit assez singulier que nous propose Chloé Lambert. En effet, ce roman emprunte des éléments intéressants et divers à plusieurs genres littéraires. Tantôt monologue, tantôt essai sur les méthodes - dérives - freudiennes, tantôt thriller, j’ai été sans cesse surprise des revirements de construction de ce récit à une voix, qui nous emporte avec lui dans une spirale psychologique au sein d’un duel patient - thérapeute surprenant…



Le récit est profond, honnête et subversif à la fois, l’écriture claire. Les chapitres courts, parfois plus longs, correspondent à merveille à l’état psychologique actuel de Margot, ce qui permet de se mettre à ses côtés, presque dans sa tête. Cela favorise une compréhension de ce qui se joue lors d’une thérapie, dans cette relation humaine, codifiée et imprévisible, qui se noue entre une patiente et son thérapeute. Nous sommes plongés dans une dimension intime et introspective qui permet le soin, l’ultime et la plus précise compréhension de l’autre, mais qui à l’inverse peut détruire lorsque les intentions ne sont plus, pas, strictement thérapeutiques.



Enfin, ce sont deux romans, deux histoires, deux périples psychologiques qui se trament en un seul, au cours du voyage de Margot dans son histoire et durant son introspection. Oui, Margot et Donnelheur deviennent deux entités qui se confondent en une, destructrice et dangereuse, fondée sur des récurrences et des transferts psychologiques, de l’un vers l’autre, et du second sur le premier. Un flou psychologique merveilleusement bien décrit par la plume de Chloé Lambert.



Pour terminer, le sujet de l’inceste familial et du système d’omerta qui s’installe autour de ce drame, est évoqué, certes les contours en sont définis, mais le sujet est presque survolé, pour la raison intelligente - j’imagine et cela n’engage que moi - de ne pas mettre ce sujet au coeur de ce roman, car y préside déjà et y reste central, cette dualité sauveur-sauvée, et le renversement époustouflant de cette dynamique… Ce qui fait de ce roman une pépite psychologique dont on ressort sonné(e). Sur ce, « Nous en resterons là ».
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Nous en resterons là

Margot est une enfant que l’on accuse de sensualité lorsqu’elle est victime d’inceste par son oncle de dix ans son aîné dans le secret du foyer des grands-parents, qui couvrent les abus sexuels de leur fils. Elle grandit pour devenir une adolescente traumatisée, les organes en vrac, en quête de réponses et de guérison, et, là où tous les médecins du corps ne savaient trouver de solution, Achille Donnelheur a réussi à mettre des mots sur les maux qui agitaient son cœur. Il l’aide à se souvenir, à accepter, et à se définir dans son passé. Margot reprend pied, ressemble de plus en plus à l’enfant qu’elle était, elle devient une jeune adulte idéaliste et curieuse. Tout cela grâce à son bon docteur, sans qui elle ne s’imagine plus vivre.



La thérapie s’arrête un jour pourtant ; pour mieux reprendre quelques années plus tard alors que Margot s’effondre sur elle-même. Toutefois le gentil psychiatre, le bon docteur qui l’avait guérie, n’est plus tout à fait le même. Achille est devenu capricieux, colérique, extrêmement sévère et se montre de plus en plus insatisfait par le développement de Margot. Elle essaie pourtant de suivre toutes les règles de l’exercice, mais il joue les girouettes avec les opinions émises lors de sa première thérapie et elle ne sait plus quoi faire des réponses qu’elle avait trouvées à l’époque. Margot finit même par se prêter au jeu de la psychanalyse pour faire plaisir à Donnelheur, qui voue un culte à la science de Freud. Allongée sur son divan, elle doit le voir trois fois plus souvent, elle doit l’écouter parler derrière sa tête de sujets qui la mettent mal à l’aise et le surprend même à mettre en place des contacts physiques, qu’elle considérait depuis des années comme un interdit tacite entre eux. Elle sent bien que la thérapie ne lui fait plus autant de bien, et elle se doute que son docteur n’est pas aussi sain qu’elle aimerait. Elle voit les signes d’une pente glissante, mais l’idée de perdre son psychiatre la terrifie et elle s’y engage les yeux bandés, isolée dans son admiration pour lui et la dépendance aux bons remèdes qu’il lui prescrit. Après avoir grandi et appris à s’épanouir en thérapie, Margot mûrit pour devenir une adulte dépendante, brisée par la trahison d’un être en laquelle elle plaçait toute sa confiance.







[Critique - Attention spoilers]



Les thèmes abordés

On ne va pas se mentir, les sujets traités par ce roman sont durs et la lecture s’en trouve parfois difficile : entre inceste, abus sexuel, emprise psychique, rapport au corps, pensées suicidaires et dépendance, Margot et le lecteur en voient de toutes les couleurs. Mais Chloé Lambert traite des sujets importants avec des mots choisis avec justesse et sensibilise son lecteur avec brio.



Je pense tout d’abord au sujet de la santé mentale. Margot l’écrit elle-même, la santé mentale, les troubles psychiques, tous ces problèmes qu’on ne peut pas saisir et guérir avec la médecine traditionnelle ou une bonne dose de magnésium ; dans sa famille, on préfère les passer sous silence. Margot se trouve donc seul face à ses démons, et c’est seulement lorsqu’un médecin spécialisé dans les troubles de l’adolescent la rencontre qu’elle trouve enfin l’aide et le suivi nécessaires pour oser effleurer des espoirs de guérison. Chloé Lambert décortique le processus de thérapie, présente les différentes étapes, la tactique et les règles établies par le psychiatre pour aider son patient à aller mieux. Elle décrit un métier difficile ; celui d’obtenir la confiance absolue de quelqu’un, d’obtenir qu’un inconnu vous ouvre son âme et que vous ayez la responsabilité de démêler tous les nœuds de sa psyché. Que ce soit pendant la thérapie plus traditionnelle, ou pendant le processus de psychanalyse, j’ai trouvé très intéressant la façon de décrire le déroulé des rendez-vous chez le psychiatre, de la phase de découverte dans la salle d’attente où Margot se sent comme une étrangère à la phase où la thérapie prend tout son sens, lorsque le patient se livre et que le docteur peut l’aider à comprendre. L’ensemble dédramatise un peu ce que l’on peut imaginer autour des maux de la santé mentale, il n’y pas besoin d’être « fou » pour avoir besoin d’un thérapeute et libérer la parole peut libérer le patient d’un fardeau lourd.



Ensuite j’ai trouvé que Chloé Lambert abordait les abus sexuels en général, et plus en particulier dans le cadre familial, avec des mots adaptés. Elle place sa protagoniste dans une situation complexe : elle cède aux avances d’Éric, cet oncle qu’elle adore de toute sa tendresse d’enfant, jusqu’à coucher avec lui. Elle se surprend à chercher ensuite ces rendez-vous avec lui, cette sensualité qu’elle trouve dans ses bras. À cette époque, personne ne la comprend. Quand, après son premier rapport avec Éric, elle craint d’être enceinte et que sa famille apprend qu’elle a couché avec un garçon, elle se trouve isolée. Seul Éric lui témoigne encore de la tendresse, de l’affection. Elle devient dépendante de tout cet amour qu’elle trouve chez lui, cette sympathie qu’on lui refuse désormais ailleurs. Quelques années plus tard, pendant sa thérapie, est traité le sujet de la culpabilité et de la responsabilité. Margot se demande : « Est-il nécessaire d’être responsable de quelque chose pour susciter des comportements ambivalents ou des réactions agressives et incompréhensibles ? ». Quand Achille Donnelheur est en colère, il s’amuse à ramener le sujet de l’inceste sur la table : il lui rappelle qu’elle n’a jamais refusé, peut-être voulait-elle consentir ? Elle s’est prêtée au jeu, alors peut-elle vraiment attribuer toute la responsabilité de l’affaire à Éric ? Est-elle vraiment victime ou a-t-elle participé à ce jeu malsain et interdit avec son oncle ? Margot s’interroge, remet en question son statut de victime. Son entourage la fait culpabiliser pour lui faire porter le chapeau, la mère d’Éric la dépeint comme une enfant perverse qui tournait autour de son fils dès l’âge de six ans. Le psychiatre lui dit que finalement, elle a peut-être détruit sa famille volontairement en se tournant vers l’oncle Éric parce qu’elle détestait avoir un frère. Alors qu’elle était sous l’emprise de l'homme en lequel elle avait placé toute sa confiance et sa tendresse, il a profité de son influence pour abuser d’elle, mais elle hésite encore sur son statut de victime. Dans le cas d’agressions sexuelles, les victimes sont souvent culpabilisées, sur leur comportement, leur tenue, leur attitude, comme si elles étaient forcément responsables des déviances de leur agresseur. Le sujet est remis sur la table et retourné dans tous les sens à travers l’histoire de Margot et j’ai trouvé cela très intéressant et accessible.



Pour en revenir sur le sujet de l’emprise, il était également très présent dans ce livre. C’est certainement, avec la thérapie et les abus sexuels, un de trois piliers du roman. Chloé Lambert y parle de l’emprise que peut avoir une figure, qui inspire tant confiance, à laquelle on se livre sans aucune méfiance. Dans les relations asymétriques qu’elle entretient, avec Éric, puis avec Achille, Margot se retrouve sous l’emprise de figures masculines plus âgées qui lui inspirent confiance et à qui elle a le sentiment de pouvoir tout dire. Puisqu’elle les aime, ils lui veulent forcément du bien aussi. Pourtant, ils finiront tous deux par la trahir de la même façon et elle en ressortira brisée. Dans le cadre pervers de la famille, puis dans celui confiné du petit cabinet où elle a passé son adolescence et sa vie de jeune adulte – dans des cadres de confiance – Margot est brisée par des hommes qu’elle aimait et admirait.







Les choix de narration/rythme

On se place dans la peau de Margot de par la narration à la première personne. Par son écriture dynamique et ses mots justement choisis, à travers ce personnage au langage souvent poétique et parfois fleuri, Chloé Lambert nous fait suivre facilement tout le fil de son roman : les stades de la guérison, de la rechute, les quêtes de réponses, les pertes de raison ; on découvre les doutes de Margot, ô combien reconnaissante et dépendante envers son docteur mais qui se doute que tout ne tourne pas toujours rond avec Achille Donnelheur. On a finalement l’impression de se plonger dans les notes que prend Margot en permanence, et par les tons employés aux différentes périodes, il est facile de se situer dans la temporalité de la vie de la patiente.

J’ai trouvé la dernière partie, « Répétition », particulièrement fortes. Toute la mesure, le respect éprouvé par Margot pour son docteur laissent place au mépris, à la colère inspirée par cet homme qui a profité de son ascendant pour faire d’elle ce qu’il voulait, forgeant son esprit selon ses propres convictions, alimentant la fascination paternelle qu’elle lui vouait, lui faisant revivre le drame incestueux de son adolescence alors qu’il devait l’en protéger. Dans cette partie, elle s’adresse directement à lui, elle l’apostrophe, lui donne des noms d’oiseaux et peste contre lui. Tout ce qu’elle n’avait jamais réussi à lui dire, elle s’en libère, avec violence. On sent sa colère, on déteste le docteur avec elle et on ressent toute l’ampleur de sa trahison.

C’est ainsi un livre extrêmement fluide, qui se lit très rapidement, ce qui est agréable.







Les personnages

Le roman tourne autour de la relation patient-docteur, on se trouve donc à beaucoup se concentrer sur le tandem Margot-Achille !



Margot, j’ai eu envie de la prendre dans mes bras plusieurs fois pendant ce roman. Peut-être que c’est parce qu’elle abordait la vie avec le langage psychique des enfants face à des gens qui en savent plus qu’eux. Peut-être que c’est parce qu’elle avait vécu suffisamment de choses horribles pour plusieurs vies. Peut-être que c’est parce qu’on la voit grandir, essayer tant bien que mal de sortir de sa douleur, pour tomber toujours sur de sombres individus qui la refont tomber. Margot est malheureusement le miroir de tant de femmes. Combien vivent des abus sexuels ? Combien tombent sous l’emprise d’un homme ? Combien s’engagent dans des relations toxiques qui les isolent ?

Le sujet du miroir revient plusieurs fois dans le roman. Margot n’arrive pas à affronter son reflet, elle fuit les miroirs, mais s’assure de saisir son existence en les croisant. Elle est victime de son propre corps, le déteste de tout son cœur. C’est le vaisseau de ces maux, c’est ce qui attire ces hommes qui l’ont touchée sans qu’elle le veuille, que ce soit l’oncle, le guide touristique ou le dermato de son adolescence, ou le psychiatre. J’ai eu beaucoup d’empathie pour Margot, parce qu’on voit qu’elle essaie de se démêler de l’emprise du psychiatre, qu’elle remet en question certaines de ses décisions, de ses analyses. Mais elle est seule au monde, elle n’a que lui ; si elle le perdait, elle le dit elle-même, elle n’aurait plus de raison de vivre. Cette jeune fille perdue m’a beaucoup touchée.



Concernant Achille, je l’ai détesté assez vite. Derrière ses manières mesurées et ses grands principes éthiques, il est aussi malade que sa patiente. Mais là où Margot ne fait du mal qu’à elle-même, il projette sur elle toutes ses craintes, lui fait du mal, la manipule. Il lui crée des problèmes pour pouvoir mieux les guérir, il la rend dépendante de lui et crée un cadre toxique. Alors qu’elle est terriblement mal à l’aise avec son corps et sa sexualité, il prend un malin plaisir à en parler, à en discuter plus fort que tous les autres sujets. Il fait d’elle son cobaye de psychanalyse. Il franchit souvent les limites.

Il évoque à Margot des grands-pères responsables pour l’acte incestueux sacrificiel qu’elle a subi comme une façon d’expier toute la haine familiale. C’est amusant qu’il insiste autant sur la responsabilité des papis quand on sait que lui-même pense être le fruit d’une relation incestueuse entre sa mère et son grand-père. Il semble transférer tout son passif familial sur Margot. Il n’a pas obtenu de réponse à ses questions, alors il fait douter Margot de toutes les certitudes qu’elle avait réussi à construire.

Puis un beau jour, il transgresse l’interdit. Il lui fait revivre l’expérience de l’abus sexuel, mais aussi quelque part de l’inceste, elle qui le considérait comme un deuxième père et qui lui portait un amour d’enfant admiratif. Dans ce cabinet où elle a appris à vivre de nouveau et à aimer, il s’impose à elle, la viole. Moi aussi, j’étais bien contente qu’il soit mort ce psychiatre abusif. Mais j’aurais préféré qu’il soit confronté à son crime, lui qui savait très bien quelles ficelles tirer pour manipuler le cœur de Margot. Pendant dix-sept ans de thérapie, il instille le doute sur sa responsabilité de l’inceste, insinuant que qui ne dit mot consent. Avec lui, elle a pourtant bien exprimé son refus, mais cela ne l’a pas empêché de passer à l’acte. J’ai détesté de tout mon cœur de lectrice cet infâme personnage abusant de tous ses pouvoirs ; et je suppose que c’est synonyme d’un roman bien écrit quand on hait à tel point un personnage fictif.



Les autres personnages, beaucoup plus absents, sont aussi intéressants. On s'interroge sur ce grand-père Alfred qui est témoin des abus de son fils sur sa petite-fille mais qui ne dit rien. On a de la peine pour les parents de Margot qui font tout pour aider leur fille sans comprendre ce qu'elle a subi, qui la soutiennent et l'épaulent quand elle a besoin de leur aide pour confronter les complices de l'inceste. Il y a aussi l'ours, et puis Pénélope, qui a leur façon jouent un rôle très important dans la vie de Margot, même si on ne les voit que très par rapport à Achille.







Pour conclure :

« Nous en resterons là » était donc pour moi un beau roman, touchant, bien ficelé, abordant des sujets marquants. C’est une lecture que je recommande, pour les âmes averties qui se sentent capables d’aborder les sujets évoqués précédemment. Bonne lecture à tous !


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Nous en resterons là

Margot, 17 ans, commence une thérapie chez le docteur Achille Donnelheur, psychiatre. Elle souffre depuis quelques mois de divers symptômes rendant sa vie quotidienne très compliquée. Aucun médecin, généraliste ou spécialiste, n'a réussi à la guérir. le docteur Donnelheur est la dernière chance de Margot.



Margot passera quarante-cinq minutes une fois par semaine, et ce, durant plusieurs années, dans une atmosphère ouatée, un cadre sécurisant et agréable, à se questionner malgré tout quant à l'efficacité de la démarche.



"Reste que dans le cadre de nos rendez-vous hebdomadaires, à partir du moment où je m'assois en face de lui et jusqu'à la fin des quarante-cinq minutes, je dois (et c'est la règle absolue du dispositif) dire tout ce qui me vient à l'esprit sans rien censurer." 



Peu à peu, la confiance s'instaure. Margot avouera l'inceste dont elle a été victime à l'âge de 14 ans. Achille est un disciple de Freud, il reprend ses méthodes, son organisation. Son cabinet donne l'impression de faire un bond dans le temps et de se retrouver chez Freud. Achille lui-même, avec sa pipe et sa prestance, se confond avec le célèbre psychanalyste.



La rédaction, en plaçant Margot comme narratrice, permet au lecteur de découvrir la relation patient-thérapeute selon l'angle du patient. On assiste à la naissance du lien un peu mystérieux se créant au fil des séances. Car Margot, entre son passif avec l'inceste et le sujet plus que tabou au sein du cercle familial, va totalement idéaliser Achille, lui pardonnant ses retards incessants et son langage déviant. Comment guérir quelqu'un sans le rendre dépendant de ses soins ? Bon, ben, avec Margot, c'est raté, c'est le moins que l'on puisse dire ! La jeune femme a besoin de son thérapeute, c'est un fait. 



Dix-sept ans de thérapie, durant lesquels Margot va devenir de plus en plus dépendante d'Achille, sous son emprise. Au départ, il a été d'une grande aide pour elle, la libérant de son fardeau grâce à la parole. Margot réussi même à confronter sa famille. En revanche, et de manière tout à fait insidieuse, celui qu'elle considère comme son sauveur va se transformer en despote malfaisant. J'ai beaucoup aimé les différentes étapes par lesquelles passe Margot, ainsi que les conséquences de cet inceste sur son comportement et sa vie. D'ailleurs, en y réfléchissant mieux, l'attitude d'Achille m'a posé question : n'a-t-il pas été victime d'inceste, lui aussi ? le lecteur est totalement immergé et actif dans sa lecture. Il ne fait pas que lire. 



Pourtant, malgré le passé dramatique de Margot, je n'ai pas réussi à être empathique vis-à-vis d'elle. Peut-être parce que tout tourne autour de son mal-être et de sa relation avec son psy. Quant à Achille, que j'ai pu le détester !! Il est tellement condescendant ! Les personnages secondaires m'ont horripilée également. le comportement déviant de toute la famille de Margot m'a scandalisée. Il est rare d'apprécier un roman pour lequel on ressent autant de distance envers tous les personnages. Et pourtant...



La plume de Chloé est pertinente, riche, convaincante. Elle arrive à parler de ce sujet délicat avec beaucoup de douceur. Les mots sont tranchants, les rapports entre Margot et Achille sont scrutés, disséqués. L'auteure nous propose un huis-clos oppressant se déroulant quasiment exclusivement dans le cabinet du psy, où tout va déraper. 



La superbe couverture est très en accord avec le contenu.



Un roman surprenant à bien des égards, à découvrir. 



Je remercie NetGalley et les Éditions du Rocher pour cette lecture.



"Je m'étais donc trompée sur l'amour, sur les liens entre les enfants et les adultes. A nouveau, je n'ai plus de mots. Alors que lui, le chevalier Donnelheur que je m'imaginais vêtu de rouge, n'a plus de mots assez forts pour dézinguer mon entourage. Il dénonce l'immaturité de certains, les obsessions infantiles des autres, les jalousies des femmes et la folie de mon grand-père Alfred."



#nousenresteronslà    #ChloéLambert   #NetGalleyFrance    #LesEditionsduRocher  #RentréeLittéraire2022
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Nous en resterons là

Pas vraiment une super expérience de lecture pour moi. Le prologue l’explique d’emblée : ce qui pousse Margot à consulter un psy, c’est l’inceste dont elle a été victime. Le résumé annonçait déjà le reste : en allant en thérapie pour apprendre à vivre avec ce trauma, elle tombe sous l’emprise de son psy. Elle continuera à le suivre pendant 17 ans.

Si je dois reconnaître une qualité à ce roman, c’est la façon dont l’emprise y est décrite. La relation entre Margot et son thérapeute devient vite malaisante et étouffante, au point que les seuls moments où j’ai presque apprécié cette lecture sont dans les passages où la thérapie est mise en pause. Là, l’écriture de l’autrice m’a semblé plus rythmée, plus libre. C’est peut-être voulu, mais je suis vraiment passée à côté du reste. Le reste du temps, j’ai trouvé le style pompeux et guindé. C’est particulièrement marquant au début du roman, où on suit Margot lors de ses premiers rendez-vous psy, à 17 ans. On a du mal à s’imaginer face une ado traumatisée, et il ne m’a pas semblé évident que le récit pouvait dès le départ être fait depuis point de vue distancié et froid de la femme devenue adulte, raffinée et entièrement façonnée par son psy. Cette difficulté à saisir de quel point de vue on parle m’a donné une vision faussée du personnage. Si la Margot adulte est plus compréhensible, je trouve en somme que la Margot adolescente est très mal écrite et que le style de l’autrice rend mal compte de ce qu’elle peut ressentir.

L’admiration de Margot pour son psy, pour ses références culturelles et, disons-le, son élitisme est insupportable. Je pouvais visualiser ce vieil homme droit dans son fauteuil, fumant sa pipe et déversant tout son capital culturel sur cette jeune femme qu’il prétend aider.

C’est un roman qui peut certainement plaire, mais il n’était pas pour moi.
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Nous en resterons là

Avec « Nous en resterons là » , qui traite notamment de la psychanalyse et de l’emprise du thérapeute sur son patient, on se trouve rapidement happé par ce huis clos psychologique, étouffant, qu’on lit presque en apnée. On découvre l’histoire de Margot Cellier, 17 ans, ses secrets, son calvaire, qu’elle va partager avec son psychiatre, le Dr Achille Donnelheur.

Achille Donnelheur est très patient. Il demande sans cesse à Margot de répéter, de reformuler, pour aider la jeune adolescente à une certaine prise de conscience. Il fume sa pipe et observe minutieusement sa patiente. Chaque semaine, il a rendez-vous avec elle pour quarante-cinq minutes. Il attend cette cure de parole avec impatience, et elle aussi. Il décortique, il associe, met des mots. Margot lui fait confiance. Petit à petit, Achille devient pour elle un régulateur, une référence, elle finit par ne plus pouvoir se passer de cette séance hebdomadaire de cure de la parole. Elle fait tout ce qu’il lui demande ou recommande, sans recul, sans se poser de questions.

Ce roman traite de confiance, de sidération, de déni, de culpabilité, de double victimisation, d’aveuglement, de transfert et de contre-transfert, de manipulation et de perversité. Pour arriver au cabinet feutré du Dr Donnelheur, Margot doit passer chaque fois devant un miroir public et ce miroir parfois déformant va révéler régulièrement la manière dont Margot se perçoit, ses doutes, ses réflexions.

Margot doit « tout dire comme ça vient, sans rien censurer » alors que pour son psychiatre le silence est d’or et chaque mot est pesé. Cette asymétrie dans la relation psychiatre/patient est au cœur de ce roman, où chaque protagoniste s’attache à l’autre, avec sensibilité ou déraison. On ressent avec désolation la domination, la supériorité, la manipulation du médecin sur sa patiente. Et pourtant, le Dr Donnelheur parle beaucoup des limites de l’analyse ou de la psychanalyse, des frontières à ne pas dépasser, de l’interdiction de transgresser certaines règles. Où doit s’arrêter la thérapie ? A quel moment est-il préférable qu’elle s’arrête ? Comment doit-elle s’arrêter ? Il semble difficile de « couper le cordon » avec son thérapeute …

Un roman déroutant sur des sujets délicats, une lecture en apnée pour découvrir cette relation analyste/analysant, une histoire difficile qui (malheureusement) se répète, « Nous en resterons là » est un roman relativement court qui ne vous laissera pas indifférent(e).

Je remercie les Editions du Rocher et Netgalley pour cette lecture dont je retiens, pour Margot, l’espoir d’une guérison.
Lien : https://voyagesdek.wordpress..
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Nous en resterons là

Margot va mal. L'analyse décortique son histoire, lui ouvre les yeux sur un passé traumatique et le comprendre, le dire c'est déjà guérir un peu. Alors elle bataille, Margot, pour qu'on reconnaisse ce qu'on lui a fait, elle raconte, elle affronte le regard des autres, souffre de la réaction de ses proches. Puis le Dr Donnelheur, son sauveur, insiste, appuie là où ça fait mal, se fâche. Tout se mélange, se brouille. À qui la faute ? Elle doute, ne sait plus ... On vit avec Margot les vérités qui se font jour, ses douleurs qui refont surface, on souffre, on est sonné, comme elle. Et puis des mots dérangeants, déplacés, comme elle on est perdu.

Une écriture intelligente qui nous donne l'impression d'être dans la tête du personnage, de vivre ce récit à la première personne. Ce n'est pas mon genre d'histoire, pourtant j'ai été prise par la narration et par l'évolution de l'histoire. Le malaise s'installe, dérange et pousse à dévorer les pages.

Une histoire comme tant d'autres d'un corps de femme abusé, le récit de l'emprise, de la manipulation. Un livre qui perturbe mais que je recommande.
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Nous en resterons là

Nous en resterons là, voilà ce que Margot ne veut pas entendre de la part de son thérapeute. Elle a besoin de lui. Un besoin qui donne du pouvoir à cet homme sur elle. Que se passe-t-il quand la bulle de la psychothérapie devient oppressante et dangereuse pour le patient ?



L’histoire : Margot n’arrive plus à s’alimenter et fait régulièrement des malaises. Les médecins que ses parents lui font voir ne trouvent pas le problème. L’une des spécialistes l’oriente vers un psychiatre. C’est lui qui va détecter les raisons de ces dysfonctionnements physiques et la suivre pendant 17 ans. Au fur et à mesure des séances Margot se met à admirer et idolâtrer le médecin. Elle ne peut plus se passer de lui. Mais petit à petit le comportement du thérapeute change et de pilier nécessaire à son bien-être il devient prédateur.



Retour de lecture : Le résumé de “Nous en resterons là” m’avait donné très envie d’essayer. Je m’attendais à un roman un brin thriller qui nous plongerait dans la machination sournoise d’un thérapeute face à une patiente. Finalement je n’ai pas complètement retrouvé ça. Par contre, l’autrice réussit avec brio à instaurer une relation de plus en plus malsaine entre Margot et ce très cher docteur Donnelheur. Ce sont des réactions, des retards, des mots, du poison qui s’infiltrent dans la thérapie et pour lesquels Margot va chercher des excuses.



Thèmes : Inceste, abus sexuels et rapport patient / psychiatre

Même si Margot nous parle de ce qu’elle a vécu avec son oncle et la réaction (ou non-réaction) de sa famille, le sujet principal du roman reste le rapport entre la jeune fille et le docteur Donnelheur. Au début, il fait bien son travail et aide réellement Margot. Au point qu’il estime qu’elle n’a plus besoin de lui (nous en resterons là.) Ce qui terrifie la jeune patiente, persuadée du contraire.

A partir de ce moment, il prend le pouvoir sur Margot et veut essayer des soins qu’elle ne souhaite pas de prime abord. Puis, il semble mélanger le privé et le professionnel en lui parlant de ses lectures etc. Il la juge, se contredit, l’infantilise et la sexualise, prend une place de père avec l’envie d’être un amant etc. Les frontières se floutent.



Le conseil de la bibliothécaire : “Nous en resterons là” prend des allures d’histoires vraies racontées par Margot (la victime.) Il pourrait donc plaire à des lecteurs qui aiment bien ce genre (même s’il ne s’agit pas d’un “témoignage”.)
Lien : https://journaldunebibliothe..
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