la pierre à la fois est et renferme l'insondable mystère de l'être, la quintessence de l'esprit. C'est en cela qu'obscurément je ressentais comme une parenté avec la pierre. Dans les deux, dans la chose morte et dans l'être vivant, gisait la nature divine". Et encore: "Il est important que nous ayons un secret et l'intuition de quelque chose d'inconnaissable."
Le monde dans lequel nous pénétrons en naissant est brutal et cruel, et, en même temps, d’une divine beauté. Croire à ce qui l’emporte du sens ou du non-sens est une question de tempérament.
Si le non-sens dominait en absolu, l’aspect sensé de la vie, au fur et à mesure de l’évolution, disparaîtrait de plus en plus. Mais cela n’est pas, ou ne semble pas être le cas. Comme dans toute question de métaphysique, les deux sont probablement vrais : la vie est faite de sens et de non-sens. J’ai l’espoir anxieux que le sens l’emportera et gagnera la bataille.
La religion est le terrain d'élection familial. L'enfant attend l'événement qui doit le bouleverser: sa communion... Or voici que rien d'espéré n'arrive... Décidément la réalité n'est pas à la hauteur de l'imagination ! Le rêve seul apportera un semblant de solution: une église y volait en éclats sous l'obus foudroyant d'un excrément de Dieu. Encore aurait-il voulu pouvoir en discuter ! Mais sur ce point sa mère, dans laquelle il voit également deux personnalités, l'une aimante et simple aux traits de bonne matrone suisse, et l'autre redoutable, ne peut guère l'aider. Quant à son père, "en matière religieuse il avait horreur de toute pensée parce qu'il était la proie de doutes profonds et déchirants. Il se fuyait lui-même, c'est pourquoi il insistait sur la Foi aveugle qu'il lui fallait atteindre par un effort désespéré et une contraction de tout son être."
Désormais, Jung confondra de plus en plus la libido avec l'ensemble de l'énergie psychique et cherchera de plus en plus un sens métaphysique à la vie. Freud au contraire, usa du narcissisme, de l'amour de soi, pour éviter de doter le Moi lui-même de propriétés sexuelles et pourtant garder son caractère sexuel à la libido. La surestimation du Moi, que l'on trouve chez les primitifs comme chez les névrosés, explique pour Freud la toute-puissance des idées qui domine à la fois dans la religion et dans la magie. Il envisage une libido, tantôt narcissique, tournée vers le sujet, tantôt objectable, investie dans des objets. Il demeure dualiste. Il y a le conscient et l'inconscient. Le principe de plaisir et le principe de réalité. Le Moi et le Ça. L'instinct de vie et l'instinct de mort.
Jung, dans ses écrits ultérieurs plus
méthodologiques, utilisera volontiers à ce propos l’expression allemande geschehen lassen, qui signifie « laisser advenir ». Et dans le mouvement de sa démarche, cette locution sera le plus souvent suivie des verbes betrachten (considérer, observer attentivement), et enfin sich auseinandersetzen (se confronter à quelque chose ou à quelqu’un) .
Voilà un mouvement séquentiel, à trois temps, qui implique, bien évidemment, qu’on s’essaye à une interprétation. Mais celle-ci
peut attendre. De sorte que lorsqu’elle viendra, en son temps, elle saura se faire elle-même prudente, attentive, circonspecte, et comme tâtonnante.
Il est difficile d’imaginer ce qu’aurait pu être C. G. Jung s’il n’avait pas été médecin. Quand bien même cette profession et ce
statut n’étaient pas à l’époque ce qu’ils sont pour nous aujourd’hui,son autorité propre, à l’évidence, s’y est coulée et formée, trouvant
dans l’image qu’un médecin peut se construire de lui-même en fonction du regard et de l’attente des autres à la fois la force
nécessaire pour s’imposer socialement et l’occasion, toute quotidienne et pratique, d’un ancrage assez sûr dans l’exercice de ses responsabilités lorsque les mouvements de la vie inconsciente risquaient de se faire par trop troublants, voire envahissants.
L’art, pour Jung, qu’il s’agisse des créations les plus culturellement valorisées ou de la créativité de chacun, a pour vertu de dévoiler, de rendre visible, de montrer, et aussi, surtout, de nous faire vivre ce que la vie inconsciente recèle de savoir refusé ou négligé, d’interrogations élaborées tant bien que mal, et d’expériences encore mal reconnues.
À qui, à quoi se fier, quand l’amour, et même le désir se trouvent ainsi mis en cause ? Quand les mots eux-mêmes vacillent, jusqu’à e retourner en leur contraire. Quand enfin les images les plus familières et censément les plus protectrices et les plus reposantes sont ainsi mises à mal et révèlent brusquement leur envers.
À cinq ans il est "initié aux mystères de la terre" par son premier rêve mythologique d'un ogre phallique assis au milieu d'une cave sur un trône d'or. Sa vie religieuse s'en trouve perturbée: pour lui l'ogre ne peut être que le Jésuite entrevu peu auparavant, l'homme noir qui sortait de la forêt et lui avait fait si peur.
Deux guerres et plusieurs révolutions, politiques et technologiques, ont bouleversé le monde depuis la rupture de Freud avec Jung. Tous deux vivront très vieux, auréolés de gloire. Freud demeure le maître incontesté de la psychanalyse dans le monde et le "patron" direct des écoles psychanalytiques françaises les plus hardies, les plus novatrices. Jung a fait souche, principalement d'ailleurs aux Etats-Unis. Leurs disciples continuent à s'affronter. Les Freudiens trouvent "incontrôlables" les vues métaphysiques des Jungiens. Les Jungiens trouvent "étroites" les limites de l'analyse freudienne et accusent leurs vues de "matérialisme sordide du XIXe siècle".