AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Claude Seignolle (64)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


La Malvenue

Claude Seignolle est l'auteur idéal pour célébrer cette 222ème critique et son chiffre magique.



Son roman nous présente en alternance deux histoires qui se répondent : celle de Moarc'h et de sa fille Jeanne, surnommée La Malvenue.



Début du 20ème siècle. Moarc'h, un Breton pauvre, est parti travailler en Sologne sur une ferme. Taiseux, travailleur, il n'économise guère sa force et finit par épouser Henriette, la fille de son patron. Apre au gain, il s'entête à vouloir cultiver un lopin de terre près des marais. Lors du labour, le soc de sa charrue déterre et étête la statue représentant une femme. Malgré les avertissements, il conserve ce visage de pierre. Ses ennuis ne font que commencer.

Jeanne est née avec une étoile sur le front alors que son père vient de décéder. Seize ans plus tard, le sort s'acharne sur la ferme. Alors qu'elle a trouvé une pierre, Jeanne sème le mal.



Claude Seignolle s'inspire des contes régionaux et des légendes pour nous raconter cette histoire fantastique. Jamais nous ne savons s'il s'agit réellement de sorcellerie, les vieux colportent des récits, les pierres s'échauffent ou bougent toutes seules. Seignolle recrée parfaitement cette époque où la vie est rude dans les campagnes. Les journées de labeur se terminent autour de la grande table près de la cheminée. le patron dort avec sa famille dans la ferme, les employés dans la grange. le soleil couché, tout est enveloppé de noir, la nuit est longue. Au mieux a-t-on recours à la lampe à pétrole pour affronter les ténèbres. le moindre bruit devient suspect, amplifié par la peur. Et ce marécage, lieu de tous les sortilèges…



La Malvenue est un très beau texte fantastique dont l'auteur mérite largement d'être (re) découvert.

Commenter  J’apprécie          576
Histoires sorcières

Marie-Charlotte Delmas (également auteur d'histoires fabuleuses) a adapté dans ce recueil pour jeunes ados, six contes fantastiques de Claude Seignolle.

Des courts récits tirant leur essence des superstitions et légendes qui embrument encore quelques coins des campagnes françaises.

Elle a essayé (et plutôt réussi) de se tenir au plus près de ce langage savoureux, bien connu par les conteurs d'autrefois (...d'aujourd'hui encore ?...) qui savaient faire apparaître d'autres mondes dans les flammes de l'âtre ou un feu de camp...



Ces histoires de diableries, loup-garous et sorcellerie ne font pas vraiment peur (bien que j'ai senti des frissonnements courir sur mon dos)...en tout cas, pas aux adolescents de nos jour, plus enclins à se "formater" avec l'horreur numérique ou un certain Bit-lit, souvent sans sapidité...



Comment alors les faire pénétrer dans ce bocage : "La nuit tombait, et retrouver une vache affolée dans un bois sombre, c'était vouloir jouer à cache-chiffon avec une étoffe fuyante. Son chien avait beau chercher à le guider, loin devant, il ne savait jamais exactement où il se trouvait parce que les troncs découpaient en petits morceaux ses aboiements et les dispersaient aux quatre coins du bois."...où seul le verbe crée l'ensorcèlement ?
Commenter  J’apprécie          4811
Contes populaires et légendes fantastiques

Une âme, sous la forme d'un rat qui boite, tout comme son oncle mourant boitait, conduit son neveu jusqu'à la tombe cachée de sa tante qu'il a assassinée et jusqu'à l’appartement de sa maîtresse.

Le chariot de la mort tiré par deux chevaux blancs menés par l'Ankou.

Un farfadet qui se brule les fesses.

Une miche de pain qui se transforme en tête de mort.

un chien qui étincelle quand on le caresse.

Un naufragé mort dont la main sort de terre pour réclamer la bague qu'on lui a volée.



Tels sont les thèmes de quelques un de ces contes rassemblés dans un élégant volume des années 70 que je n’avais pas encore lu.

Imaginez donc les toiles d’araignée qui recouvrent ma Pile à lire



J’ai finalement trouvé l’objet livre et la langue de l’époque beaucoup plus intéressants que les histoires elles-mêmes, peut-être destinées à un publique plus adolescent.



La morale de cette lecture d’interlude est que quand on sort la nuit, il vaut mieux avoir sur soi une gourde remplie d'eau bénite.



Commenter  J’apprécie          462
Le Meneur de loups

Curieux de faire un livre d’enfant sur l’un des mythes les plus anciens et les plus complexes de nos campagnes. Le ‘’meneur de loups’’, l’homme doté du pouvoir de se faire accepter et obéir des loups, se retrouve en de nombreux endroits, et son origine est difficile à retracer. Il semblerait également – mais c’est un autre sujet – que les pouvoirs de ‘’couper la douleur’’, toujours en usage dans certains milieux, y soient liés.



Georges Sand, Dumas et d’autres y ont consacré des écrits. Plus récemment, Michel Ragon utilise un personnage de ce genre dans ‘’la louve de Merval’’. Depuis, il semble avoir disparu de la littérature française. Trop archaïque sans doute ; et le fait est que peu de gens peuvent encore écrire sur de tels sujets sans être ridicules.



Tel n’est pas le cas ici, et le récit est qui plus est enrichit de magnifiques illustrations. Le mythe qu’il raconte, ‘’le don de la guérison’’ en remerciement d’un bienfait reçu, est une variante particulièrement délicate et complexe. Ce livre plaira à un enfant curieux, attiré par la nature et le monde secret des forêts ; un adulte en appréciera la beauté, et entreverra peut-être certaines choses.
Commenter  J’apprécie          431
La Malvenue

Ce livre trônait sur mes étagères depuis je ne sais combien de temps.

Sans doute pas loin d'un demi siècle. C'est fou !

Je ne sais plus comment je l'acquis, mais en tous cas ses bras m'ont attrapé ce jour là.

Le moment était venu.



Le style est agréable et très descriptif, la langue belle et fluide, un peu datée mais ça m'est loin d'être désagréable.

Claude Seignolle sait faire (re)vivre ses personnages rustiques. on sent la chaleur de l'été, l'odeur des blés, les pieds nus qui trouvent la fraîcheur dans l'herbe, les épines dans les mains des glaneurs, les dos cassés.

Mais on sent aussi le doute qui s'installe puis qui se transforme en étonnement, en peur, en angoisse et en épouvante.

le plan du roman nous menant d'une intrigue à l'autre ajoute de la vie – de la mort aussi.

on navigue au gré des chapitres d'une époque à l'autre, de l'histoire du père qui mit à jour des "pierres" qui n'auraient jamais dû quitter le sol du pré...

à celle où la fille redécouvre ces pierres et le malheur qui les accompagne.

Il y avait bien longtemps que je n'avais lu un roman « à ne pas fermer l'oeil de la nuit ».

Ce n'est pas mon genre préféré, loin s'en faut mais ce fut un vrai plaisir de lecture restant malgré tout supportable avec une fin horrible mais....apaisante.



Commenter  J’apprécie          422
Contes populaires et légendes de Bretagne

Ce recueil comporte les plus célèbres des légendes bretonnes parmi lesquelles le cataclysme de la ville d'Is, Brocéliande et les Morgans.



Il y parle aussi de menhirs, de chemins creux empruntés par les lavandières de la nuit, si bien représentées dans le tableau de Yan D'Argent, ou de créatures presqu'humaines sur la côte de l'île d'Ouessant.



Pour équilibrer l'ensemble il y a aussi de quoi rire (jaune) , sur le compte de "Peronnik l'idiot", pauvre innocent que le curé a "baptisé avec de l'huile de lièvre". Expression consacrée, en Bretagne d'alors, lorsque l'on parlait d'un simple d'esprit.

Pourtant, ce ne sont pas les plus connus qui retiennent le plus l'attention. Ce sont plutôt, d'après Claude Seignolle, les histoires dans l'ordre des choses que savaient les paysans bretons qui donnent le frisson.



"Les Gorel" raconte l'histoire d'un docteur appelé la nuit pour soigner, dans la campagne reculée de Carhaix, une femme ébouillantée par ses frères.

"Les chevaux de la nuit" conseillera, au quidam inconscient égaré sous le ciel nocturne, de ne pas se faire prendre en charrette tirée par trois chevaux, blanc à l'échine et noir au poitrail, avec des sabots curieusement non ferrés.



J'ai bien noté que plusieurs histoires suggèrent que "la nuit n'appartient pas aux vivants" et qu'aussi sec qu'un coup de trique sera l'issue pour toute imprudence.



Un régal à conseiller non seulement aux amateurs de polars et de frisson mais aussi bien sûr, aux curieux et aux amoureux de la culture bretonne.
Commenter  J’apprécie          376
Romans et nouvelles - Intégrale, tome 2 : Les..

Ce second tome des contes et nouvelles de Claude Seignolle, est -tout du moins à mon avis- tout aussi indispensable que le tome précèdent et le suivant (le tout constituant l'intégrale des textes fantastiques de l'auteur).



Claude Seignolle (1917-2018) fut un folkloriste éclairé, qui entre autres travaux, proposa une série de recueils de contes régionaux.



Mais c'est bien dans ses oeuvres personnelles qu'il donna toute la mesure de son talent de conteur et de son imagination.



Je ne saurai trop recommander les livres de Claude Seignolle car la lecture de sa prose précise, soignée, évocatrice, est un vrai plaisir.



Auteur du terroir, du folklore de nos régions, peut-être, mais avant tout grand écrivain, sans doute pas assez lu, de ceux que l'on prend plaisir à découvrir.

Commenter  J’apprécie          330
Récits cruels

Je possède, depuis longtemps, ces volumes Marabout d'histoires fantastiques de Claude Seignolle sous leurs couvertures artistement illustrées.

Je n'avais pas encore entamé leur lecture ni ne connaissait ce maître de l'horreur et du fantastique actuellement plus que centenaire!

Ces récits hallucinants et horrifiques, Claude Seignolle les situe souvent dans ces contrées reculées de notre pays où sont nées de solides superstitions et légendes locales.

Sous la plume alerte de l'auteur, les histoires prennent corps et atteignent cette effrayante réalité des cauchemars les plus prégnants.

Un must, pour l'amateur du genre.
Commenter  J’apprécie          320
La Malvenue

Roman de Claude Seignolle.

Jeanne a des désirs de feu. Celle que l’on surnomme la Malvenue en raison d’une marque étrange sur le front couve des passions et des besoins dont elle ne comprend pas l’origine. Tout a commencé quand elle ramassé une certaine pierre dans un roncier. « Il faut que vous sachiez que vous avez chez vous une fille qui aime faire le mal… Son front porte la marque de l’enfer… Un jour proche elle sera punie comme elle le mérite… » (p. 22) La Malvenue subit-elle la malédiction transmise par son père, lui qui est mort d’avoir décapité une étrange statue avec le soc de sa charrue, dans un champ maudit près du marais ? Alors, est-ce vraiment la faute de la Malvenue si elle obéit à des forces sombres ? À la fois, victime du démon et incarnation de cette même entité maléfique, Jeanne la Malvenue subit une hérédité humaine mêlée de monstruosité maléfique. « On donne des surnoms sans penser à mal, en riant… puis on ne vous connaît plus que par ce nom et on se moque de vous toute votre vie… » (p. 27)



J’ai relu ce roman avec un plaisir immense. Claude Seignolle exploite le folklore solognot, les superstitions et les peurs paysannes pour en faire un texte où le fantastique s’exprime dans toute sa puissance. Entre visions terrifiantes et terreurs incarnées, la peur sourd de toutes les pages. En refermant ce livre, on aurait raison de craindre les statues et leur peau de pierre qui semble parfois palpiter d’un mauvais feu.

Un grand merci à Babelio et Libretto pour ce livre qui m’a fait frissonner de plaisir !

Commenter  J’apprécie          271
En Sologne : Moeurs et coutumes

Selon l'article de Wikipedia, après la "drôle de guerre" puis le combat, Claude SEIGNOLLE (1917-2018) est fait prisonnier ; il sera libéré pour raisons sanitaires et se réfugiera "à Presly, entre Berry et Sologne. À la Libération, Il réside à Sainte-Montaine, toujours en Sologne, où il recueille les traditions locales qui lui inspireront plusieurs ouvrages. "



La première édition de cet ouvrage réellement fondateur a été préfacée en 1945 par le grand folkloriste Arnold VAN GENNEP.



Comme l'affirme le contributeur de l'article sur Wikipedia, Seignolle est "aujourd'hui considéré comme l'un des meilleurs «fantastiqueurs» français. "



On célèbre souvent les qualités stylistiques de ses cinq romans :

- "Le Rond des sorciers" [1945]

- "Marie la louve" [1949]

- "La Malvenue" [1952]

- "La brume ne se lèvera plus" [1959]

- "Le Diable en sabots" [1959]



Ce fut "grâce à l'éditeur belge "Marabout" que l'auteur conquit un vaste public avec, outre "La Malvenue", ses recueils de nouvelles tels "Histoires vénéneuses", "Contes sorciers" et "Histoires maléfiques".



Enfin, sa compilation formant "vaste constellation" de centaines de légendes rurales sur le Diable, intitulée "Les Evangiles du Diables" [1964] est aussi remarquable, et constamment rééditée.



Son oeuvre d'ethnographe "sur le terrain" avait cependant été quelque peu oubliée...



Voici le sommaire de son " En Sologne - Moeurs et Coutumes" de 1945 :



I. Portraits

II. Mode de vie et alimentation traditionnelle

III. Naissance et Baptême

IV. L'enfance

V. Les rivalités et sobriquets

VI. Le mariage

VII. La mort

VIII. La Chandeleur

IX . Le Mardi-Gras

X. La Semaine Sainte

XI. Le mois de Mai

XII. La Saint-Jean

XIII. La Noël

XIV. Les Fontaines des Bons Saints

XV. La Magie agricole

XVI. Les Guérisseurs

XVII. Les remèdes de bonne femme et les prières magiques

XVIII. La sorcellerie

XIX. Les croyances et légendes



Cette lecture passionnante et intimiste de la "Sologne des Confins" nous permet d'identifier la source de son art littéraire. Une étroite voie éthique (faite d'écoute attentive et chaleureuse de l'Autre) lui donnant sa voix et son "ton" d'écrivain, artisan aussi solitaire qu'inimitable.
Lien : http://fleuvlitterature.cana..
Commenter  J’apprécie          241
La Malvenue

LE DIABLE EN RIT TOUJOURS.



Entamé en 1946 pour être achevé deux ans plus tard, (pour être publié en 1952), le roman au fantastique assumé de l'écrivain cette année centenaire Claude Seignolle, La Malvenue est, sans aucun doute, non seulement l'un des meilleurs livres de l'auteur mais aussi l'un des sommets du fantastique romanesque.



Prenant source au plus profond de l'imaginaire populaire solognot, dont Seignolle fit la base, la référence, la gangue d'une grande partie de ses textes, nous voici donc, avec La Malvenue, au tournant des deux siècles précédents, les chapitres se répondant les uns aux autres dans un voyage temporel entre le présent de la narration, en 1913, et les derniers mois de vie de son père, le breton Moarc'h, jusqu'à son bizarre décès en 1897. Seize ans plus tôt. L'âge précis de sa fille Jeanne, désormais. Celle que tout le monde surnomme La Malvenue...



C'est encore l'époque où la France est un pays essentiellement rural, où le travail est dur, très dur, mais estimé noble, où le pain quotidien se mérite à la force des bras et du joug des bœufs ; une époque et des lieux bien éloignés des belles dames et des messieurs à haut-de-forme, se baladant à bord de cabs rutilants ou des premières voitures automobiles pétaradantes et que l'on dénommera plus tard "la belle époque" ; nous sommes en des temps où la vie est âpre, âpre au gain, âpre aux êtres, âpre aux heures qui passent, inlassablement, dans la régularité sans faille des saisons et des moissons. C'est une France qui n'a, finalement, guère changé au fil des siècles, où l'on se raconte encore des histoires étranges de lieux maudits et de disparitions inexplicables ; où le diable et ses diableries sont partout, si l'on n'y prend garde ; des petits coins perdus de campagne où l'on fait aussi bien appel au sorcier qu'au curé, lorsqu'il s'agit de régler certaines affaires délicates et peu dicibles. Parce qu'on y croit mais qu'on a tout de même peur du ridicule.



Cette France-là, on y est en plein, en ces années de changement d'ère pour l'instant imperceptible - la Grande Boucherie va bientôt tout emporter avec elle qui n'attend qu'un signe funeste du démon des hommes pour se déverser sur la terre. -



C'est même une contrée parmi les plus reculées de cette France en sommeil, la Sologne, qui va être le théâtre de l'affrontement démiurgique entre des forces dépassant, et de loin, la pauvre destinée de ces hommes et femmes de peu de chose, mais fier de ce qu'ils sont et de ce qu'ils font, ces paysans des environs d'Aubigny. On y retrouve une famille meurtrie par un sombre secret, habitants la ferme de la Noue. Sous ce toit, entre une vieille servante un peu branlante - mais riche de souvenirs enfouis et d'histoires invraisemblables -, une mère guère heureuse, l'Henriette, un beau-père facilement violent, l'Antoine et un premier garçon pas très futé et assez paresseux, le Lucas, vit une jeune femme ravissante, sensuelle, vive, sûre de son charme et de ses effets auprès des godelureaux des environs, n'était l'étrange marque en forme étoile bleutée qui lui ceint le front depuis l'heure de sa naissance.



Cette marque, on va le comprendre peu à peu, c'est la marque de l'infamie, qu'elle tient de ce que son père défunt, le breton Moarc'h, arrivé en ces terres pour fuir sa propre misère quelques années auparavant, s'était acharné à vouloir transformer en champ de blé un coin de terre jugé malsain, maudit même, depuis la nuit des âges ; un morceau de sol pris aux remugles du marais, à la Malnoue, la mauvaise eau. Hélas, il tranchera de son soc la tête d'une statue aussi antique que malsaine et maudite à force d'acharnement sur cet arpent stérile. Rien ne pourra plus être comme avant entre les habitants de La Noue car, échouant à rendre la tête méphitique à son corps toujours enfoui, la malédiction sera transmise à la petite, pour le plus grand malheur de tous.



Ce texte sombre, parfois angoissant, mêlant avec un art consommé du conte des éléments parfaitement réaliste de la vie paysanne d'il y a désormais un peu plus d'un siècle (lire, à ce propos, l'excellent "Si nous étions en 1913", d'Antoine Prost qui permet de comprendre un peu mieux le quotidien de nos aïeux), et ceux, bien plus énigmatiques, de ce fantastique rural, ces mystères souvent tragiques dans lesquels s’emboîtent sorcellerie noire, histoires macabres, lieux et choses damnés, habités par le malin, intouchables, monstrueux. La plume de Claude Seignolle sait admirablement s'emparer de cette matière, ainsi qu'on appelle les traditions populaires retranscrites, mais ce qu'il parvient à en faire dépasse, et de très loin, la seule dimension folklorique ou, mieux encore, ethnographique (bien qu'il ait ainsi débuté sa carrière).



Car Seignolle est un magicien du verbe, qu'il rend tour à tour coulant comme une "aigue vive", râpeux comme un mauvais vin, bilieux comme ces aigreurs qui vous montent à l'âme les soirs de tristesse ou d'ennui ; c'est un manouvrier du style qui s'insinue sans avoir l'air d'y songer dans l'esprit du lecteur, et l'on se prend à vivre de visu ce qui nous est décrit, raconté, à y croire, croix de bois, croix de fer, si je mens... Il y a fort à parier que le lecteur imprudent (et impudent) sourira à la lecture de cet ouvrage s'il s'attend y trouver l'une de ces histoires à dormir debout, ou à ne plus dormir du tout, dont sont si prolixes les auteurs américains pour ne citer qu'eux (lesquels peuvent être excellents, mais dans un genre peu comparable de fantastique). Cependant, par la finesse de ce qu'il déroule, par la mise en abîme de ses personnages au milieu des endroits où ils vivent jours après jours, avec eux-mêmes, avec leurs secrets honteux et avec leurs ancêtres, Claude Seignolle nous plonge incidemment dans les tréfonds de nos plus intimes frayeurs : cette crainte éternelle du noir profond, des nuits sans lune où, rappelle-t-il, on s'efforce à agir pour conjurer la peur qui finirait par nous saisir dans l'immobilité et le silence. Il y a aussi ces vieilles légendes au sujet de ces places supposés maudites, de ces objets ayant le mauvais œil, dont on se moque en public et tant qu'il fait grand jour, mais dont il faut reconnaître qu'on aime à les éviter si c'est possible. Il y a encore ces actes incompréhensibles qu'on s'est tous vus accomplir, parce qu'une force extérieure semblait nous y pousser, la plupart du temps parfaitement anecdotiques et sans conséquence, mais d'aucuns admettent que certains des pires crimes sont ainsi provoqués...



C'est là que le conteur Claude Seignolle frappe, pour notre plus grand bonheur d'éternels enfants, nos imaginations en mal d'épouvante, d'irraisonnable et de fantasque. C'est pour cela que ce très vieux monsieur des lettres garde une place à part dans notre littérature - longtemps moins portée aux œuvres dites d'imagination que nos voisins anglo-saxons ou scandinaves, par exemple -, c'est pour cela que de grandes plumes comme Blaise Cendrars (un autre conteur d'exception dans son genre), Pierre Mac Orlan ou le britannique Lawrence Durrell (qui le traduisit outre-manche) en firent un maître incontestable du fantastique. Alors, si le diable en rit encore, nous en sommes toujours les victimes crédules et parfaitement consentantes : Longue vie à vous, Monsieur Seignolle !
Commenter  J’apprécie          2312
La Malvenue

Quelles étaient les peurs de nos ancêtres?



Sorcellerie, envoûtements et malheurs? Au tournant du XXème, la Sologne reste un pays de labeurs et de croyances vivaces, comme toutes les régions aux hommes accrochés à leurs terres. Il suffit d'une cicatrice en étoile sur un front de jeune fille, du souvenir des anciens pour une statue brisée retrouvée dans le marais putride de la Malnoue, fille du diable, pour faire monter la crainte populaire. A la ferme de la Noue, le mauvais sort semble s'acharner sur deux générations, cherchant son tribu de malheurs et décès mystérieux.



Claude Seignolle est un conteur hors pair pour nous faire revivre le quotidien de campagnes perdues, pétries de craintes et superstitions d'un autre âge. Sa Malvenue est aussi sulfureuse que charmeuse et la plume du narrateur, à la précision d'orfèvre, enveloppe cette histoire de beaucoup de poésie, créant des images fortes de la nature et des villages de paysans taiseux, aux rapports humains rugueux.



Entre roman fantastique et roman du terroir, c'est le dépaysement assuré. Ce roman écrit et publié autour des années 50 n'a pas pris une ride. Un choix judicieux de réédition par Libretto pour la littérature d'un érudit du folklore de nos régions françaises.



Pour ma part, j' adore!
Commenter  J’apprécie          170
Contes, récits et légendes des pays de France, ..

Les contes, souvent très courts, de quelques lignes à peine à quelques pages, sont quelquefois accompagnés de leur version en patois sur la page en vis-à-vis. Je souscris complètement à cette autre critique qui suggère de les picorer avec délectation.
Commenter  J’apprécie          110
La Malvenue et autres récits diaboliques

Romans et nouvelles de Claude Seignolle.Diable_en_sabots



Le diable en sabots - Christophe, le forgeron, meurt en laissant place à un successeur inconnu, présent au village le soir de son trépas. Roc, le nouveau maître des forges, est entouré de légendes et de contes chimériques. Chacun voit en lui un sorcier. Rejetté par les habitants, il trouve la joie et l'amour auprès de Benette, une jeune fille un peu folle.



Désirée la Sangsue - Désirée est une femme au corps difforme. Son seul plaisir est le vin, qu'elle considère comme son sang nouveau. Et elle a bien besoin. Son gagne-pain consiste à revendre des sangsues qu'elle arrache de ses jambes après de longues stations dans la rivière.



Le gâloup - Un étrange gâloup sème la terreur dans un village. Il égorge et dévore chaque nuit les bêtes du troupeau d'un fermier du bourg, ne lui laissant que des carcasses. Les hommes se rassemblent et partent en chasse pour attraper ce gâloup. Mais personne ne sait à quoi il ressemble.Malvenue



La Malvenue - Jeanne, dite la Malvenue en raison d'une étoile rouge qui marque son front, incendie le blé fauché et accuse un pauvre homme d'être responsable. Elle se confie à Lucas, un domestique qui rêve de la faire sienne. Jeanne fait collection de pierres prétendument dotées de pouvoir. Mais quel est le maléfice qui semble rendre ces pierres vivantes? Quelle est la tragédie qui a frappé le père de Jeanne? Et pourquoi cache-t-on à Jeanne toutes ces vérités?



Le hûpeur - Oiseau chimérique, le hûpeur peut prendre l'apparence de n'importe quel volatile. Ses cris attirent ses victimes dans un marais où ils s'enlisent et disparaissent. Sylvain, un domestique superstitieux, relate cette légende à l'hôte de son maître. Le hûpeur est-il légende ou réalité? Et surtout, apporte-t-il vraiment la mort?



J'aime les récits et légendes du terroir. L'écriture est profonde et rugueuse comme la vie dans les provinces du début du siècle. Pas besoin de partir à l'étranger pour être entouré de mystères et de contes fabuleux. Tous ces récits sont très bien écrits, comme ciselés. Les personnages sont impressionnants, même les moins charismatiques. J'en redemande!
Commenter  J’apprécie          110
La Malvenue

Claude Seignolle, l'un des plus grands folkloristes français, a traversé le XXe siècle de sa très grande longévité (il a vécu centenaire). La Malvenue, admiré par de grands écrivains, plusieurs fois remaniée par son auteur, a été écrite à l'origine entre 1946 et 1948. Ce court roman est considéré par beaucoup comme le clou de son œuvre colossale.

On y retrouve clairement le goût de Seignolle pour les contes de nos terroirs, la sorcellerie, les histoires de diable que nos anciens racontaient au coin du feu avant l'ère de l'électricité, de l'alphabétisation pour tous, et de la télévision.

On suit la même ferme de Sologne, la Noue, à vingt ans d'écart environ, à l'époque de Moarc'h, un Breton têtu qui a hérité du domaine, puis à l'époque de sa fille, la fameuse Malvenue.

Le père va voir le soc de sa charrue buter sur une très ancienne statue visiblement maléfique, et la malédiction qui va en résulter va hanter la génération suivante.

Le tout est fort bien écrit et s'enchaîne sans problème, exceptés quelques passages que j'ai trouvés longuets, peu avant la fin.

Il y a une grande puissance évocatrice dans les scènes fantastiques, où le marécage putride de la Malnoue, secondé par cette affreuse statue, semble devenir un personnage à lui tout seul, une sorte de prédateur omniprésent et inexorable.
Commenter  J’apprécie          90
La Malvenue

L'histoire se passe en Sologne, à une époque non précisée que je situerais au tournant du XXème siècle. C'est le temps des moissons à la Noue, hommes et femmes sont exténués par une dure journée de labeur et s'endorment fourbus. Seule la Malvenue, jeune fille de 16 ans qui n'a pas participé à la moisson, est éveillée. Il lui vient une idée malfaisante qui lui échauffe le sang, l'excite et l'effraie à la fois. Une idée qui lui semble soufflée par cette drôle de pierre qu'elle a ramassée tantôt...



Claude Seignolle est un conteur magique. Il décrit ses personnages à mots pesés et la campagne avec poésie et formules du cru qui m'ont charmé. Il dépeint le rythme des semailles et des moissons, le dur labeur des paysans et, dans ce cadre immuable, une jeune fille qui s'éveille à l'amour et commence à faire tourner les têtes. C'est dans ce contexte que surviennent le fantastique puis l'épouvante, d'une manière naturelle tant les superstitions font partie du paysage.



Une excellente lecture, choisie sur la seule base de la belle couverture de l'édition de Libretto (bonne pioche ! ) : une très bonne surprise pour moi.
Commenter  J’apprécie          90
Au château de l'étrange

Les histoires de Claude Seignolle sont celles qui se racontaient autrefois au coin du feu à la veillée. Elles étonnent et font aujourd’hui beaucoup plus sourire que frémir.

Le style de l’auteur ajoute à ce sentiment de lecture un peu surannée. Style malhabile, empesé mais on ne lit pas Seignolle pour la beauté de son écriture.

Il serait vain aussi de vouloir tout prendre au premier degré, tout croire. Exemple ?

Ce livre écrit par un certain Oswlad Dallas pour Le Masque noir, portant le n°88 et ayant pour titre « Le meurtre d’un Président » (selon Seignolle). Vérification faite si Oswald Dallas a bien existé le n°88 du Masque noir porte le titre de : "Docteur Frégale". Et Dallas n’a jamais rien écrit sur le meurtre d’un président.

Autre exemple ?

A propos de l’écrivain Armand Robin, génie des langues et traducteurs de très grand écrivains mondiaux que Seignolle fait naître à ploubazenec et déclare avoir 15 ans en 1945 alors qu’il est en réalité né à Plougernevel en 1912 ! Pire, on ne trouverait plus aucune photo de lui !

Il suffit aujourd’hui de taper son nom pour que son, ses images réapparaissent. Fantastique non ?
Commenter  J’apprécie          80
Rêves d'Ulthar : 21 Histoires de Chats Fantas..

Ne vous attendez pas à remonter la rivière Skai pour parvenir à Ulthar, vous n'arpenterez pas Les Contrées du Rêve. Dans ce recueil, c'est essentiellement dans le monde de l'éveil que vous croiserez la route de cette énigmatique créature proche des choses de l'étrange, que son familier l'humain ne peut percevoir : le Chat.

Rêves d'Ulthar ce sont vingt nouvelles fantastiques, horrifiques, inspirées de l'oeuvre de H.P. Lovecraft - et une en ouverture de celui qui aura été une source d'inspiration du maître de Providence : Edgar Allan Poe - d'une grande et étonnante originalité. Les auteurs ont su faire peau neuve des superstitions et pouvoirs que l'on confère à cet animal, honoré comme un Dieu dans l'Egypte Antique et objet de haine au temps du Moyen-âge, avec une bonne dose d'humour, noir.

Au fil de ces mauvais rêves et cauchemars de cette chympathique anthologie vous ne pourrez vous empêcher de porter un autre regard sur la boule de poils aux deux morceaux de soleil qui ronronne à vos côtés…



Le chat ouvrit les yeux

Le soleil y entra

Le chat ferma les yeux

Le soleil y resta.



Voilà pourquoi, le soir,

Quand le chat se réveille,

J'aperçois dans le noir

Deux morceaux de soleil.



[Maurice Carême]



Commenter  J’apprécie          80
Les chevaux de la nuit et autres récits cruels

Cruels, oui ; écrits avec virtuosité, oui.

Je suis partagée entre dégoût et fascination, ces récits sont incroyablement réalistes, chaque page de ce livre sent la moiteur, la sueur, la peur. Ce n'est pas une lecture plaisir, décontractante, mais ces histoires, aussi courtes soient-elles, prennent aux tripes. Pour qui s’intéresse aux croyances populaires ou pour ceux qui aiment les sensations fortes : à découvrir !
Commenter  J’apprécie          70
La brume ne se lèvera plus

Lu il y a plus de 20 ans, ce court roman "parisien" de Claude Seignolle est un classique (méconnu) de la Littérature fantastique : il nous laissa une impression tenace de mystère et d'intérieur glacial de cathédrale, à la hauteur de son titre... Protagonistes qui - comme dans un rêve - veulent fuir une menace imprécise mais restent cloués sur place : l'ombre de l' "Aurelia" de Nerval en arrière-plan, et un sens du suspense "mathesonien"...



Lecture qui provoque l'envie de (re-)découvrir immédiatement l'intégrale des "Romans et Nouvelles" ("Le buffet noir", "La Malvenue", "Marie la louve", etc.) qu'a édité Phébus pour notre plus grand bonheur... : un moyen très simple de revaloriser l'imaginaire si puissant de Claude Seignolle, auteur français toujours sous-estimé !



Et de se repencher sur "Les évangiles du diable" et l'étonnant ouvrage ethnographique "En Sologne" ...



Actualité de l'inactualité du Légendaire "provincial" ("Vieux-Paris" compris) lâché - tel un démon oublié - au coeur des branchouillitudes parisiennes...
Lien : http://www.fleuvlitterature...
Commenter  J’apprécie          70




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Claude Seignolle (538)Voir plus

Quiz Voir plus

Boris Vian ou Romain Gary

L’arrache-cœur ?

Romain Gary
Boris Vian

10 questions
34 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}