L'essai magistral et acclamé qui décrypte notre ère de mutations politiques
Prix de l'Appel du 18 Juin, 2020
« Un livre vivant, remarquablement informé. » Marcel Gauchet
« Captivant et renseigné. » Vincent Trémolet de Villers, Le Figaro
« Une vraie thèse, argumentée, clairement exprimée. » Laurent Joffrin, Libération
« Un ouvrage nourri de nombreuses lectures qui aide à comprendre et qui donne des clefs. » Coralie Delaume, Marianne
« À lire absolument. » Louis Daufresne, Radio Notre-Dame
NOUVELLE PRÉFACE DE L'AUTEUR
Rédacteur en chef adjoint au Figaro, Alexandre Devecchio compte parmi les voix novatrices du débat d'idées.
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Résumons-nous : la bite à Griveaux a été mise en ligne par l'artiste russe qui se cloue les couilles au sol pour s'opposer à Poutine, puis relayée par un député ex-LREM, qui se fait désormais prendre en photo avec Marion Maréchal et vient de tenter d'imposer Benalla comme assistant parlementaire.
(J'écris cette phrase, c'est pour les historiens du futur. Si un jour l'un d'entre eux tombe dessus, ça l'aidera à cerner l'époque.)
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• 14 février à 11h50
>> https://www.facebook.com/coralie.delaume
[ merci L. ! 😄 ]
L'Union européenne, cette Europe du marché, de la monnaie et de la "Libre circulation" de toute chose et de tout le monde, n'est rien d'autre, in fine, qu'une Europe de classe. Les intérêts qu'elle permet de défendre sont les intérêts du capital, au détriment de ceux du travail.
Quel risque en vérité ? On ne se le demande même pas. Est-ce un si grand risque que de ne pas partager la même monnaie ? Les 180 pays du monde qui ne sont pas dans l'euro s'en portent-ils vraiment plus mal ? Ceux qui ne figurent pas dans l'Union connaissent-ils un nouvel âge de pierre ? Leurs habitants croupissent-ils derrière des frontières hermétiquement closes contraints de révérer l'idéologie du Juche ? On ne prend surtout pas la peine de se poser la question. On ne s'en pose d'ailleurs aucune. Le discours officiel sur l'appartenance à LUE ne relève plus que de la scansion mécanique de formules insipides : «l'Europe, c'est la solidarité», «l'Europe est notre avenir», «l'Europe c'est le progrès», sans oublier l'indérogeable «l'Europe, c'est la paix».
A la vérité, il y a surtout un risque de désintégration, ainsi que l'expliquent en pleurnichant des représentants du MEDEF. Il faut en effet que l'heure soit grave pour que Jacques Delors s'autorise à douter. Prenant la plume pour préfacer un rapport produit par l'Institut qui porte son nom, l'homme est notamment contraint d'admettre que le projet européen traverse «l'une des périodes les plus difficiles de son histoire». Le pape des européistes radicalisés a le blues. Quant à ses disciples du Think Tank dédié à la pratique du culte de la «méthode communautaire», ils l'ont compris également : «dans sa forme actuelle, l'euro n 'est pas viable à long terme.» Tels des docteurs Frankenstein, ils ont construit une Europe abâtardie qui aujourd'hui leur échappe. Pour éviter qu'elle n entre en phase terminale, ils imaginent de menus rafistolages, tel celui élaboré en vue de «protéger l'euro», quand celui-ci était au départ supposé «nous protéger dans la mondialisation». À l'Institut Jacques Delors, on en est persuadé : «l'euro n'est pas préparé pour une nouvelle crise. [...] si l'euro échoue, c'est tout le projet d'intégration européenne qui sera en danger. Nous ne pouvons prendre ce risque.»
La ritournelle s'est presque changée en antienne tant on l'entend partout dans les milieux avertis. Que ce soit lors d'une conversation en marge d'un colloque scientifique, sur le ton du regret dans une conférence ouverte au public, entre la poire et le fromage dans un dîner réunissant les responsables politiques d'aujourd'hui ou ceux qui aspirent à l'être demain, dès qu'on parle d'Europe, les mines s'assombrissent. «C'est mort» ; «C'est fichu» ; «Ça va nous péter à la figure», s'échange-t-on comme si c'était chose acquise. C'est comme si les esprits, longtemps comprimés, se libéraient. Et comme si les langues, jusque-là entravées, se déliaient. C'est comme si tout le monde savait.
Et la France dans tout ça ? Le second pilier du couple franco-allemand ? Celui qui devait même, selon Victor Hugo at pour faire honneur à sa tradition universaliste, en être le premier ? Le pays qui avait vocation à bâtir autour de lui et suivant son modèle une paix définitive et des Etats-Unis d'Europe ? "Au vingtième siècle, il y aura une nation extraordinaire. Cette nation sera grande, ce qui ne l'empêchera pas d'être libre. Elle sera illustre, riche, pensante, pacifique, cordiale au reste de l'humanité (...) Cette nation aura pour capitale Paris, et ne s'appellera point la France, elle s'appellera l'Europe" élucubrait un Hugo fou d'espoir en 1867.
Une preuve que le poète n'a pas toujours raison. Car la réalité ressemble d'avantage à ce qui fut lancé au ministre Varoufakis lors d'un Eurogroupe, alors qu'il attendait vainement que Paris vole au secours de son pays martyrisé : "La France n'est plus ce qu'elle était".
Les nations sont à la fois le cadre de l'expression de la souveraineté des peuples, celui au sein duquel les gouvernés peuvent demander des comptes à leurs gouvernants, et celui qui enferme les plus aisés et les plus modestes dans un même réseau de solidarités, contraignant les premiers à une plus juste répartition des richesses.
On peut ainsi entendre des personnages aussi peu suspects de souhaiter le «repli national» qu'Hubert Védrine ou Jean-Louis Bourlanges convenir à demi-mot que l'affaire est dans l'ornière. Citant le second, le premier explique en effet : «Jean-Louis Bourlanges a dit ironiquement que les Européens n'auraient même plus la force de se séparer. Mais il y a un risque de stagnation.»
«Putain, putain, c'est vachement bien,
nous sommes quand même tous des Européens !»
Arno, chanteur belge