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Citations de Daniel Cordier (65)


Il sort déjà du rayonnage Les Morceaux Choisis de Valéry : "Vous aimez Valéry?" Je confesse que si j'ai une passion pour ses essais, il n'est pas mon poète préféré. J'admire Apollinaire, Baudelaire, Rimbaud, Péguy. Je connais par cœur nombre de leurs poèmes, alors que, de Valéry, je n'ai retenu aucun vers.
"C'est pourtant le plus grand !" coupe-t-il, avant de s'élancer sans aucune gêne :

Soleil ! Soleil !... Faute éclatante !
Toi qui masques la mort, Soleil [...]
Tu gardes les cœurs de connaître
Que l'univers n'est qu'un défaut
Dans la pureté du Non-être !

Je suis médusé : je n'ai jamais entendu réciter de poèmes de Valéry. La voix chaude et familière de Rex me révèle la splendeur de ces vers, qui m*apparaissent pour la première fois dans tout leur éclat. Je suis envahi par un ruissellement de lumière. Comme nous sommes loin de la guerre ! Je regrette d'être obligé de l'accompagner au dîner tant j'ai hâte d'être seul pour relire ces vers surprenants, qui m*avaient rebuté autrefois.
J'observe Rex : il tourne le dos à la fenêtre, l'épaule appuyée contre la bibliothèque ; son visage rayonne. Je n'aurais jamais cru qu'il pût être bouleversé par un poème. La poésie, consolation ultime de ceux qui n'ont qu'un pied dans la vie, est liée aux, rêveries de mon adolescence. Qu'est-elle donc pour lui, apparemment heureux de vivre et jouant avec aisance son rôle dans l'existence ?
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La thèse du suicide de Moulin a été avancée par Barbie, sans doute pour se dédouaner d'abord à l'égard de ses supérieurs, ensuite face à l'histoire. Elle inspire donc une solide répulsion. Mais un historien ne peut l'exclure. Beaucoup de résistants choisirent le suicide : Bingen, Brossolette, Médéric et tant d'autres inconnus, craignant une défaillance de leur corps, préférèrent se supprimer, par fidélité à la cause et au sens du devoir. (...) Cette attitude était conforme au caractère de Moulin.
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En 1989, Bernard Pivot me demanda : " Pourquoi Jean Moulin vous a-t-il choisi comme secrétaire ?" Je lui fit sans doute la réponse la plus ridicule de ma vie : " Parce-que c'était lui, parce-que c'était moi ; " J'aurai du dire la vérité : Je ne m'étais pas posé la question, et Jean Moulin ne m'en donnât jamais la raison.
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Je pense aux militants plus âgés, mariés, avec des enfants et sans travail. De quoi vivent-ils dans la France de 1942 ? Leur situation doit être désespérée.
J'emporte de cette soirée un souvenir cruel. Ce n'est plus, comme avec les chefs de la Résistance, un affrontement idéologique sans rapport avec l'ordinaire de leur existence, mais une démarche de solidarité en direction des laissés-pour-compte de la société. Cela mérite de ma part plus qu'une réflexion : un engagement.
Une évidence me saute aux yeux : la gauche, que j'ai tant combattue, incarne seule l'espoir de changer leur condition.
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J'ignorais qu'en amour, les mots seuls provoquent parfois les étreintes espérées.
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Un jour, il tient à la main La Nausée, d'un certain Jean-Paul Sartre. Depuis peu, son nom ne m'est pas inconnu. Parmi les livres du mess, j'ai remarqué Le Mur, que je n'ai pas lu. Je l'interroge : « Comment est-ce ? — Passionnant. Figure-toi que je l'ai eu comme professeur de philosophie au Havre. La classe était suspendue à ses lèvres. Pourtant, à quelques exceptions près, personne ne s'intéressait à la philosophie. Il est très laid, mais les filles sont folles de lui. »
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En chacun de nous, il y a un regret qui veille. Le mien s'appelle David. Pour d'autres, il n'y a que le nom d'une fuite sans retour.
C'est là que nous nous rejoignons tous, dans ce qu'on appelle la nostalgie.
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Pourquoi Pétain, sauveur de la patrie en 1917, acclamé par Maurras au mois d’avril [1940] pour gagner la guerre, a-t-il changé de camp en acceptant la défaite ? (…) Instinctivement, je suis sûr qu’il a trahi. Mais avant lui, le grand coupable n’est-il pas le Front populaire, qui a désarmé la France ?
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J'explique à Camus que c'est en lisant L'Etranger que j'ai compris qu'il est un "grand écrivain". C'est pourquoi, rentrant à Londres, je lui demande de rédiger un papier.* Il répond : "ce n'est pas un texte courant, car je pense que les gens d'Alger ont besoin d'être alertés sr des problèmes qu'ils ont l'air d'ignorer ou de négliger. Ils s'imaginent qu'avant tout nous avons besoin de l'annonce de la Libération. Nous sommes déjà des hommes libres puisque nous avons choisi la Résistance. Parce qu'il n'y a d'autre hiérarchie entre nous que celle du courage, nous en possédons autant qu'eux. Surtout les membres des assemblées, de l'administration et du gouvernement croient que nous attendons des libérateurs pour devenir libres. Non, la Résistance a besoin d'armes et d'argent.
* Malheureusement, ces différents textes n'ont pu être retrouvés dans les archives du BCRA ou dans les archives personnelles de Daniel Cordier.
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En chacun de nous, il y a un regret qui veille. Le mien s'appelle David. Pour d'autres, il n'a que le nom d'une fuite sans retour.
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J’ai envie de l’embrasser pour le remercier de tout : son présent, son retour, l’homme qu’il est Mais *Rex n’est pas quelqu’un que l’on embrasse. En dépit de son sourire et de sa gentillesse, son regard creuse un abîme entre nous.
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Aussi chaque soir, avant de monter au dortoir, nous échangions des billets au texte identique : "viens me réveiller cette nuit, sans faute !". Le lendemain, nous n'osions pas nous regarder. Car chaque nuit, un sommeil angélique et harassé nous clouait au lit jusqu'au réveil. Afin de me tenir éveillé jusqu'au rendez-vous suprême, j'avais imaginé, un jour, de réciter des chapelets entiers ! Mais la Vierge devait condamner mes espérances puisque je m'endormais par cette nouvelle méthode plus rapidement encore que d'habitude !
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Ce livre, à lui seul, possédait le pouvoir de m'arracher à mon chagrin et de briser ma solitude.
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A la mi-août, revenu en Arcachon pour les vacances avec mon père, je retournai à la Librairie générale afin que Madame Gauthereau, trouve à son habitude, un dérivatif à mes problèmes, dont le plus douloureux était le regret lancinant de David. Je refusai de lire la suite des Thibault (L'été 1914) qu'elle me proposait, parce que j'étais saturé des histoires de la Grande Guerre. j'avais seize ans et elle ne m'intéressait plus. Je décidai d'acheter Mort à Crédit de Céline, qui venait de paraître, et dont elle me vanta, avec persuasion, le caractère "iconoclaste". J'en avais paraît-il besoin.
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En outre – et c’était là sans doute l’origine de mon sentiment –, le jour même de mon départ, le 19 janvier, j’étais encore à mon bureau dès six heures du matin, préparant la revue de presse pour Passy. La journée remplie de rendez-vous, coupée par un déjeuner de travail, formait, dans son train-train habituel, le cadre de mon existence depuis un an. Dorénavant, je n’avais plus aucune obligation, aucun projet. Je ne dépendais de personne. Personne ne m’attendait. J’étais déconcerté de découvrir que la liberté, à laquelle j’avais aspiré comme un avantage, représentait d’abord un manque : celui de mes habitudes familières. Alors que je venais de passer plus d’un mois tout seul, cloué dans une chambre dans un pays étranger, c’est en arrivant chez moi que je ressentais une irrémédiable solitude, à tel point que j’eus le sentiment d’être seul pour la première fois de ma vie. Je descendis dans un café pour téléphoner.
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Si tout est comme "avant", pourquoi avons-nous peur ?
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1er septembre 1942 : Ce soir *Rex (Jean Moulin) demeure songeur. Je sais qu’il pense aux Juifs. Après un moment, faisant allusion aux bourreaux, il ne peut s’empêcher de lâcher : « Quels salauds ! » C’est la première fois que j’entends un gros mot dans sa bouche. Comme je ne sais que répondre, il reprend : « Vous joindrez les lettres pastorales au prochain courrier. Il faut tout faire pour répandre la vérité sur ces crimes. Il faudrait une lame de fond pour réveiller l’opinion et arracher ces malheureux à leur sort. Hélas, que pouvons-nous ? C’est dans une telle occasion que la Résistance révèle son impuissance. »

Il reprend les termes mêmes de Bidault, et je sens dans sa voix une profonde indignation.

168 - [Folio, n° 5206, p. 519]
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vaincre est affaire de volonté.
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Rex a raison : le véritable danger réside dans l'absence de danger visible.
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Les beaux gestes ne sont pas les manifestations romantiques qui ne conduisent à rien, mais les gestes qui, en échange du danger qu'ils peuvent comporter, entraînent des avantages certains en vue du but à atteindre.
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