Étrange petit roman, qui me laisse perplexe.
Je ne déteste pas que les auteurs soient allusifs, ni que le roman soit symbolique, comme dit la 4e de couverture.
Mais ici j'ai dû passer à côté de la signification du symbole et je n'ai goûté que très partiellement cette narration décousue.
Reprenons.
Le fil conducteur apparent est le suivant: pourquoi Roberto Bazlen n'a-t-il pas écrit? Ou plutôt pourquoi n'a-t-il pas écrit pour publier? ou pourquoi n'a-t-il pas publié ce qu'il a écrit? Roberto Bazlen est un critique et éditeur disparu en 1965 à l'âge de 63 ans.
Pour répondre à la question le narrateur se rend à Trieste, ville natale de Bazlen, aujourd'hui italienne mais presque autant balkanique et autrichienne. (Oups, j'espère ne pas me faire trucider par les italianophiles!)
Il y rencontre un homme et deux femmes très âgées qui évoquent par bribes leurs rapport avec le critique. Ces rencontres ne sont pas sans charme et la découverte progressive du personnage n'est pas inintéressante. Surtout qu'elle s'accompagne de l'évocation d'un certain milieu littéraire italien (Giotti, Montale et Svevo notamment).
Finalement, le narrateur est renvoyé à la personne qui l'a le mieux connu et habite près de Londres, à côté du Parc de Wimbledon.
Si les entretiens sont délicats et entretiennent ce qu'il faut de mystère, je n'ai pas vu l'intérêt de la description d'un navire de guerre ou du plan de vol de l'avion qui l'amène en Angleterre. Même le rôle du stade de tennis de Wimbledon est resté mystérieux pour moi.
Je reste donc sur une impression mitigée d'une lecture dispensable.
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Giorgia Fiorio a rempli sa mission. Neuf ans. Neuf années d'humanité.
Éthiopie, Pologne, Philippines, Haïti, Inde, Ouzbékistan, Himalaya, Thaïlande, Soudan, Kenya, Turquie, Pacifique du Sud, Japon, Thaïlande, Indonésie, Île de Pâques, Brésil, Pérou, Israël, Jordanie, Chine, Espagne, Birmanie, Russie…
Cela fait un chemin, presque une ronde.
Il y a quelques années (2012… déjà) « l'énigme du don » de l'anthropologue Maurice Godelier m'avait convainque de la non « gratuité » du don et m'avait fait comprendre qu'on ne peut donner une juste lecture au don qu'en l'analysant objectivement.
Toutes les sociétés, se soumettent, se transcendent, se manifestent, se livrent et se délivrent par le don. Culturellement, spirituellement, hiérarchiquement.
Je me suis plus visuellement interrogée lors de la lecture de « l'Espace du pardon », une lecture d'une peinture représentant le Reniement de Saint Pierre, vers 1610, réalisée par un émule anonyme de Caravage du pensionnaire de Saraceni, lecture faite par Colette Nys-Mazure. https://www.babelio.com/livres/Nys-Mazure-Lespace-du-pardon—Une-lecture-de-Le-Reniement-d/378411/critiques/213705.
Que contient, que signifie, que nous envoie , que nous renvoie l'image du don ?
Les photographies de Giorgia Fiorio présentées ici, dans cet ouvrage, nous interrogent et à la fois, nous répondent.
L'échange s'équilibre. Une rencontre, un point de fusion. le don est un geste, une image,un corps à corps, un mot. Un dialogue. La synthase d'une émission et d'une réception.
Réduire le don aux termes de charité ou de fanatisme c'est réduire la capacité de l'humain.
L'espace est bien plus large. le plus souvent, il est soulagement, allégement, soulèvement, danse, chant, partage. Il est parfois également soumission, allégeance, tribu, sacrifice. Comment décrypter, comment lire le don ?
Le don n'a de valeur de bonne conscience que dans les sociétés qui ne connaissent plus que le cours de leur argent.
Mais le mot conscience, aussi bien que le mot don s'écrivent dans mille langages différents.
Comme autant de visages. Autant de vallées, de déserts, de fleuves, d'océans et de plaines que peut contenir une planète peuplée et le cosmos auquel elle appartient. Encore faut-il avec la conscience de son intériorité. Ce que nous donnons contient bien plus qu'il ne montre. Et c'est justement sur quoi repose la mission de la photographe.
Multiples cultures, multiples dimensions s'offrent au regard.
Alors il faut le mot, les mots, mais il faut surtout réceptionner les images. Voilà encore la mission de la photographe. Voilà le don que reçoit également le spectateur, à égale mesure des acteurs.
Entre ce que je te donne, qui n'est en fait que la formulation de ma demande, et ce que tu reçois qui n'est en fait que la formulation d'une réponse se matérialise l'acte, le geste du don.
Celui qui donne est celui qui demande. Et non l'inverse.
Il n'y a pas de don possible sans ce dialogue, sans l'équilibre de ce dialogue, sans une équitable réciprocité de cet échange.
Le don s'adresse. À l'Autre, à l'Autre qui se trouve être un ensemble. Ensemble auquel appartiennent celui qui reçoit et celui qui donne.
Un don se concrétise par la réponse qu'il recevra. Sa réception.
Le don exige l'équilibre.
C'est à travers la vision de la photographie du Rocher d'or de Myanmar que je trouve aussi bien ma réponse que mon questionnement face à cette énigme que représente le don.
Le tout est question d'équilibre. le monde repose sur un cheveu, peut-être n'est il tenu que par cela : un cheveu. Fil donné, fil reçu. Voilà sa fragilité, son miracle, sa confiance, sa force, son génie, la quintessence de son dynamisme, voilà sa beauté.
Connexion, communion, communication : toutes font questions.
Chacun trouva en parcourant cet ouvrage ses questions et ses réponses et seul leur équilibre pourra donner à chaque lecteur la valeur de l'universalité du don que contiennent toutes ces images.
Je veux, à tes côtés, parcourir le chemin qui conduit à la Pierre. Paracelse prononça lentement ces mots :
« le chemin et la Pierre.Le point de départ c'est la Pierre.
Si tu ne comprends pas ces mots c'est que tu n'as pas même commencé à comprendre.
chaque pas que tu feras est le but final. »
Jorge Luis Borges, la rose de Paracelse de Quincey. « la mémoire de Shakespeare » traduction par Jean-Pierre Bernès.
Astrid Shriqui Garain
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Mania est un mot double : bien-mal. Il se rapporte à un comportement obsessionnel, bipolaire.
Ce sont six brefs récits qui cherchent à explorer les différents façons d'être, entraîné par les manies ou les surmontant.
Six histoires et six mondes de l'imaginaire actuel.
Six façons d'explorer les fixations pour définir celui qui est la proie de ces obsessions.
"Mania" est comme un démon qui bouleverse l'esprit , comme une convocation à son propre destin, mais aussi comme la forme des sentiments plus radicaux et mystérieux, le moyen extrême de la connaissance.
La connaissance ne s'obtient que dans la douleur, dans l'exposition à la puissance étrangère (extérieure) comme la plus vraie, la plus intime.
La manie est aussi le jeu double, des corps et des imaginations, dans lequel, pour devenir chasseur, il est nécessaire de se faire proie.
Chaque fois qu'un récit commence, les personnages, les lieux, les motifs, participent à l'action mais ne sont pas déterminants et surprennent continuellement le lecteur.
Ce livre est-il révélateur des pensées, des passions de son auteur ?
J'en ai apprécié la qualité et la richesse de l'écriture qui rendent si bien les sentiments et les sensations physiques.
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Mania paru en 1997
Mania est un mot double : bien-mal. Il se rapporte à un comportement obsessionnel, bipolaire.
Ce sont six brefs récits qui cherchent à explorer les différents façons d'être, entraîné par les manies ou les surmontant.
Six histoires et six mondes de l'imaginaire actuel.
Six façons d'explorer les fixations pour définir celui qui est la proie de ces obsessions.
"Mania" est comme un démon qui bouleverse l'esprit , comme une convocation à son propre destin, mais aussi comme la forme des sentiments plus radicaux et mystérieux, le moyen extrême de la connaissance.
La connaissance ne s'obtient que dans la douleur, dans l'exposition à la puissance étrangère (extérieure) comme la plus vraie, la plus intime.
La manie est aussi le jeu double, des corps et des imaginations, dans lequel, pour devenir chasseur, il est nécessaire de se faire proie.
Chaque fois qu'un récit commence, les personnages, les lieux, les motifs, participent à l'action mais ne sont pas déterminants et surprennent continuellement le lecteur.
Ce livre est-il révélateur des pensées, des passions de son auteur ?
J'en ai apprécié la qualité et la richesse de l'écriture qui rendent si bien les sentiments et les sensations physiques.
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Je dois à Mathieu Amalric la découverte de l'écrivain Daniele Del Giudice. En effet, l'acteur-cinéaste français a brillamment adapté, en 2002 et de manière rocambolesque (il faut absolument voir les bonus dans la version DVD) le Stade de Wimbledon, un livre de 1983 qui retrace l'enquête littéraire d'un étudiant (une étudiante dans le film ; interprétée par Jeanne Balibar) sur les traces de Roberto Bazlen, l'écrivain triestin sans œuvres mais d'une influence durable puisqu'on le retrouve dans de nombreux livres, dont ceux de Vila-Matas ou Jouannais par exemple. Si le livre de Del Giudice est excellent, le film est lui aussi formidable : grâce à son rythme particulier, son ambiance nouvelle vague, c'est un exemple de réussite d'adaptation de roman sur grand écran (et les exemples sont rares, sans vouloir être trop négatif) ; et lorsqu'un livre me plait, je pars à la découverte du reste de l'œuvre de son auteur, et voilà qu'en feuilletant le catalogue de la collection La librairie du XXIè^siècle (où a été publié le Voyage d'hiver de Perec, et qui est l'édition qui propose le plus de titres de Del Giudice), je tombe sur ce titre intriguant : Dans le musée de Reims. Allez savoir pourquoi, à la lecture de la première phrase de ce court roman, phrase que je reproduis ici "Quand j'ai su que je deviendrais aveugle, j'ai commencé à aimer la peinture", j'ai pensé à un film que je n'ai toujours pas vu (mais dont j'ai lu et entendu des descriptions quand même) : Le dos rouge. Peut-être parce que Jeanne Balibar y est présente, aussi parce qu'il se passe dans un musée et probablement parce qu'on y décrit des peintures et parce que le protagoniste central, Bertrand Bonello, cherche à voir, à comprendre, à trouver quelque chose dans les peintures. Et c'est là tout l'enjeu du livre de Del Giudice. Qu'est-ce qu'on voit quand on ne peut plus voir ? Et comment expliquer une peinture à un homme atteint de cécité ? C'est là deux questions parmi beaucoup d'autres qui font de ce livre une magnifique expérience de lecture autour d'un homme qui perd la vue, d'une fille qui murmure à l'homme les descriptions des peintures, et d'une peinture en particulier, celle de David : La Mort de Marat (ou Marat assassiné), dont on apprendra tout, ou presque... une merveille ce livre car en peu de pages il va vers un essentiel qui - le croirait-on à tord - en demanderait dix, vingt ou cent fois plus. Tristesse que cet écrivain soit gravement malade et si peu connu.
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J'ai choisi de lire ce livre dans le cadre d'un challenge de lecture 2015, où une des conditions était de lire un livre se déroulant dans sa ville natale, Reims pour moi. Le fait qu'il se passe plus précisément au musée de Reims était un plus indéniable, ayant à l'adolescence eu le désir de redécouvrir ma ville natale et ayant notamment choisi ce même musée comme un des lieux de visite.
L'entame du livre est ici très prometteuse, le sujet original, le traitement en parallèle de la narration (point de vue subjectif du héros en alternance avec un point de vue extérieur) très intéressant. On est vite en osmose avec le personnage principal, on cherche à comprendre son ressenti, sans doute avec la crainte d'avoir à affronter une telle situation.
On commence à regarder la taille du livre, on se dit qu'il va nous paraitre trop court, qu'on en voudra forcément plus, que ça aurait mérité d'être développé... et c'est là que survient toute une partie totalement différente, toute en précision théorique et historique, qui doit sans doute avoir son sens pour l'auteur mais qui a gâché mon plaisir déjà limité par la brièveté du texte.
La frustration sera finalement ce qui me restera d'un texte au début si chargé de promesses.
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Enrique Vila-Matas donne dans "Bartleby et compagnie" un aperçu de la vie de Roberto (Bobi) Bazlen et du roman de Daniele del Giudice, "Le stade de Wimbledon", publié en 1983, dans lequel le narrateur tente, en revenant sur ses traces, de comprendre pourquoi le triestin Bazlen (1902-1965), homme érudit et vénéré dans le monde de l’édition italienne, n’écrivit jamais rien.
« Bobi Bazlen était un juif de Trieste, Il avait lu tous les livres en toutes les langues et, en dépit (ou peut-être justement à cause) d’une très haute exigence littéraire, préféra intervenir directement dans la vie des personnes plutôt que d’écrire. Le fait qu’il n’ait pas produit d’œuvre fait partie intégrante de son œuvre. Un cas étonnant que celui de Bazlen, sorte de soleil noir de la crise de l’Occident ; on dirait de son existence même qu’elle est l’aboutissement vrai de la littérature, de l’absence d’œuvre, de la mort de l’auteur : de l’écrivain sans livres aux livres sans écrivain. » (Enrique Vila-Matas, Bartleby et compagnie)
Le narrateur rencontre tous ceux qui ont côtoyé Roberto Bazlen ; il reste lui-même très silencieux au cours des entretiens, hésitant à se prononcer, dans l’attente insatisfaite d’une révélation sur la cause de ce renoncement à l’écriture. A travers les rues, les places et dans les autobus de Trieste, c’est le livre d’une recherche indécise, d’un temps dilaté, suspendu, un récit plein de blancs et de points de suspension, aussi imparfait que la mémoire, qui envoûte par ses silences et sa lenteur.
« La densité de l’endroit ne m’est d’aucun secours, bien au contraire. Au fond, j’aurai bientôt ma dernière chance et il faudrait que je trouve quelque chose qui m’amène d’un seul coup à la raison pour laquelle il n’a pas écrit ; mais je n’ai que des idées confuses et le sentiment d’être éloigné de cette question, comme d’un sommet d’acuité, de rigueur ou d’ironie par compensation, ou d’angoisse paralysante, ou je ne sais pas quoi encore. »
Le stade de Wimbledon, un livre sur l’impossibilité d’écrire, contient en lui-même son propre paradoxe, la négation de l’impossibilité. Alors que les événements de notre quotidien suscitent souvent l’envie du renoncement à ce monde, « Le stade de Wimbledon » fait naître (ou renaître) la possibilité d’un regard nouveau en littérature, et l’envie de flâner sur les traces des écrivains dans les rues de Trieste.
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Bon travail, décevant en regard de la couverture de l'exploration antarctique ou arctique par d'autres écrivains.
Publié en 2009 (en 2010 en France), ce sixième roman de l'auteur du remarquable "Stade de Wimbledon" (1983) est réussi, mais néanmoins décevant par effet de comparaison.
Mêlant récit contemporain de voyage en Patagonie et en Antarctique et "réécriture" des compte-rendus des expéditions aux confins du pôle Sud de Bove et de Gerlache, à la fin du XIXème siècle, l'auteur nous fait partager sa fascination pour ces lieux désolés et pour la dernière "terra incognita" du globe, un peu à la manière d'un Olivier Rolin. Et on adressera au passage un clin d'œil attristé aux indiens Alakalufs mis en scène si magiquement par Ariane Mnouchkine dans "Les naufragés du Fol Espoir".
"Pour prendre les œufs, il fallait soulever et mettre sur le côté les animaux qui essayaient de les retenir en glissant les pieds joints sur la glace. Il y avait de la tempête et on ne voyait presque rien. Jeremy déplaça un manchot, allongea la main et sentit quelque chose d'ovale et de froid. C'était un œuf, oui, mais de glace. Parfaitement modelé. Le manchot avait perdu son œuf, il avait honte, il s'en était fabriqué un faux."
"Dehors il neigeait doucement, la température était d'une dizaine de degrés au-dessous de zéro et le silence auraient été complets n'étaient-ce les aviateurs qui accoouraient ; la baraque qui faisait fonction d'hôtellerie près du hangar avait une poignée à ressort comme celles des chambres froides et gardait à l'intérieur une chaleur asphyxiante et une petite foule aux langues diverses : beaucoup de races, des savants en transit, des militaires nerveux, des météorologues déprimés, on aurait dit le bar interplanétaire d'un film de science-fiction."
Là où le bât blesse pour "Horizon mobile", c'est que sur des prémisses voisines, il existe déjà plusieurs oeuvres d'un tout autre calibre : "L'odyssée de l'Endurance" de Shackleton, modèle même du récit fort de voyage polaire, et en fiction, le formidable "Antarctica" de Kim Stanley Robinson, intégrant comme à l'habitude de l'auteur une énorme masse documentaire en un récit cohérent, et surtout - chef d'œuvre - le complexe et torturé "Les fusils" de William Vollmann, qui fait paraître bien pâle le travail de Del Giudice...
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