- Rance, dit Holmes au policier avant de quitter la pièce, je crains que vous ne montiez pas les échelons de la police. Vous feriez aussi bien de faire de votre tête un élément décoratif. Vous auriez peut-être gagné le grade de sergent hier soir si vous aviez fait preuve de malice. L'homme que vous avez pris pour un ivrogne innocent est celui qui détient la clé de ce mystère. C'est l'homme qui nous recherchons.
- Vous voulez dire que c'est l'assassin ?
- Lui-même. Venez, docteur.
- Messieurs, dit-il avec une formalité comique. Docteur Watson, monsieur Sherlock Holmes.
Quelque part, à l'autre bout de la ville, le professeur James Moriarty était assis devant un échiquier, et contemplait son jeu. Avec un sourire, il tendit le bras et souleva l'une des pièces pour la déplacer.
- La tour prend le cavalier, dit-il. Gagné.
Watson, Watson ! Ne vous contentez pas de ce qui est possible ou probable. Pensez aussi à ce qui est improbable, à ce qui est incertain et même à ce qui est évident !
Les idées doivent être aussi vastes que la Nature, si elles entendent nous permettre d'interpréter la Nature !
Sherlock Holmes :
Vous avez adopté toutes les caractéristiques de l'imbécile heureux épris d'amour.
Pour tout vous dire, Watson, je n'approuve pas vraiment l'amour. C'est une chose émotionnelle, et tout ce qui est émotionnelle s'oppose à la raison, froide et vraie, que je place au-dessus de tout. Je ne me marierai certainement jamais, de peur que mon jugement n'en soit altéré.
Quelle est la définition de l'amour, je me le demande bien... Un cœur qui palpite, un auto-sacrifice absolu à une autre partie ?
J'ai essayé le sexe une fois... A titre expérimental. J'avais besoin de savoir comment c’était. Mon coté scientifique a surmonté ma réticence.
Ce n'est pas pour moi. Çà encourage à exposer nos sentiments profonds plus que de convenance, à donner trop de soi-même à l'autre. Je suis trop pudique pour me sentir à l'aise dans ce genre de situation.
L'amour est abstrait et éthéré. Une potion enivrante, à n'en pas douter, mais je préfère de loin la cocaïne.
Oh Watson! Ne prenez pas ce que je dis trop à cœur. Mes paroles ne reflètent en rien la noblesse de vos sentiments, ni la sincérité de votre tendresse. Ce sont les propos d'un individu étrange et refoulé, qui c’est si bien retranché dans sa vision du monde qu'il en oublie souvent la peine qu'il peut causer en les exprimant. De nous deux, vous êtes l’être normal, enthousiaste et équilibré. Je suis l'autre moitié, le froid, le calculateur... Et l'endommagé.
Pardonnez-moi si je vous ai contrarié.
Holmes ralluma sa pipe et afficha un sourire radieux. Il était dans son élément, savourant à son rythme l'exposé de l'affaire, à travers tous ses détails compliqués, ses rebondissements et ses zones d'ombre, afin de captiver son auditoire.
Quelques taches de lumière aux couleurs ternes émanaient de vitraux, mais s'avéraient inutiles à éclairer une maison qui semblait en quelque sorte se complaire dans ses propres ténèbres intérieures.
- Une expérience scientifique ? Frapper un cadavre avec une canne ?
Holmes acquiesça.
- Je cherche à vérifier combien de temps après le décès il est possible de reproduire des bleus. Une telle information est vitale dans des affaires de meurtre. Et ce bon vieux camarade - il tapota le torse du mort - participe à mes études sans émettre d'objection.
Stamford secoua la tête.
- C'est bizarre, Holmes. Bizarre à l'excès.
- La vérité surgit rarement par des biais simples ou normaux.
Les rats, les souris et autres vermines se partageaient les lieux avec les familles défavorisées qui vivaient dans ces demeures insalubres et déprimantes.
Ambrose Jones devait sans doute fortement regretter de ne pas pouvoir facturer la présence des rats et des souris en supplément de ses malheureux locataires.
– Que voulait-il ?
– Rien d’autre que de m’offrir des informations sur notre puce énervante. Apparemment, l’homme se fait appeler Harry Jordan. Il traîne dans certaines brasseries de l’East End, le Black Swan en particulier. Il semble jeter son dévolu sur nos agents les plus crédules, comme Johnson et Sims, et servir d’indic à la police.
– Comment s’y prend-il ?
Moriarty haussa les épaules.
– Je ne sais pas – enfin, Scoular n’en sait rien. Nous devons le découvrir, n’est-ce pas ?