Je crois qu'il ne faut pas chercher dans la vie. Il faut se laisser porter. On a besoin de se raconter des histoires pour avancer.
Avant toi, je maîtrisais. Avant toi, j'étais dure avec ceux que j'aimais. Je tenais la distance. Je mettais tout le monde à mes pieds. Depuis toi, ça coule sans cesse et sans raison de mes yeux, cette eau de Lourdes alcoolisée, même quand je ne ressens rien.
Immobile, je hurle à l'intérieur de moi sans que personne ne voie rien.
Quand les motivations de la personne la plus proche que l'on possède dans sa vie nous deviennent étrangères, il ne reste rien. Rien que l'impuissance. Regarder l'autre partir.
On ne meurt pas d'avoir le feu à l'intérieur de soi. On se nourrit à la flamme du foyer, on s'en réchauffe, on s'y brûle peut-être, mais on en vit.
Comme tous les gens très forts, il peut commettre un acte et son contraire absolu dans un même temps sans se sentir écartelé, sans éprouver de culpabilité, c’est le lot des guerriers de tuer puis de sauver, une logique absolue le tient.
Sur terre, tout nous est donné, rien ne nous est dû. Vouloir obtenir puis posséder durablement ce qui par nature n'est pas fait pour durer relève, sinon de la démence, du moins de la plus élémentaire stupidité..
Putain ce qu'elle est belle, tu te disais. Si tu savais à quel point je n'étais belle que parce que j'étais devant toi.
Scène extraite d'une visite chez le Dr Bloumay :
Et je renversai le dictionnaire sur le bureau encombré de bibelots, d’ustensiles de médecine, d’un agenda et de carnets Clairefontaine en continuant de marteler : L’amour, c’est résoudre à deux des problèmes qu’on aurait jamais eus tout seul. L’amour est un je-ne-sais-quoi qui vient de je ne sais-où et finit je ne sais comment. En amour, quand on manque le train de midi il vaut mieux ne pas prendre celui du soir car les nuits sont fraîches. Mes amours ? Je me suis éprise, je me suis méprise, je me suis reprise. L’amour, ça commence par la tête et ça finit par trois petites gouttes dans le tuyau du pipi. Il y a deux sortes d’amour, l’amour insatisfait qui vous rend tous odieux, et l’amour satisfait qui vous rend idiot. Je ne vous dirai pas de qui c’est.
Richard Bloumay s’est assis avant de sourire, à croire qu’il en fallait beaucoup pour le désarçonner celui-là, malgré son crâne chauve et son regard d’acteur de série B :
- Colette, Salvador Dali. Les autres, j’ignore de qui elles sont.
- Et il s’est mis à rire de mon air déconfit avant d’enchaîner :
- Si vous pensiez que vous alliez me faire gober que tout cela était de vous… Vous blessez mon amour-propre, ajouta-t-il en essayant d’imiter l’air snob et satisfait que j’avais pris en égrenant mes citations à 2 francs 50.
- On blesse l’amour propre mais on ne le tue pas, j’ai dit. Montherlant, j’ai ajouté.
On s’est regardés en silence.
- Je voulais juste vous parler du vrai amour, docteur. De celui que je n’ai jamais pu vivre, docteur. ET avec toute votre ignorance, vous vous croyez capable d’y pallier ?
- J’ai vécu l’amour que vous évoquez. J’ai 30 ans de plus que vous et j’ai guéri des patients dont les maux m’étaient aussi étrangers que le vôtre. Ça vous suffit ?
Puis la secrétaire est venue frapper à la porte pour la troisième, l’attente se prolongeait et les clients s’impatientaient. Richard Bloumay m’a aidée à me rhabiller, je lui ai dit en bougonnant qu’un simple combat de joutes verbales ne méritait pas de se déshabiller, qu’il avait eu bien de la chance de m’avoir vue à poil en train de réciter des mots d’auteur quand d’autres…
- Lila. Ce n’est pas votre tête que je vais soigner. Je suis convaincu que votre tête va bien. C’est votre corps. Je suis ostéopathe. Et ce ne sont pas vos neurones qui vous blessent mais vos muscles. Vous devez être victime d’un traumatisme qui n’a pas attaqué votre mental mais votre corps. Par conséquent, c’est votre chair qu’il faut soigner. Accepteriez-vous des manipulations corporelles d’habitude uniquement exercées par des gynécologues ?
Scène d'introspection de Lila, seule chez elle :
Je me suis parlé à moi-même avec une douceur que je n’avais jamais eue à mon égard. Ecoute, Lila, je sais que tu n’as pas une grande estime de moi, me suis-je dit comme un double, mais, comment te dire… tu prétends qu’il existe des hommes qui aiment les femmes et d’autres non. Tu affirmes qu’une femme qui aime les hommes comme je m’y applique sexuellement est une salope, et qu’une femme comme toi, encore inapte à les aimer physiquement et qui se venge par une séduction cérébrale, est un monstre Quant à celles qui se marient simplement par raison, tu soulignes à peine leur qualité de pute. Lila, s’il te plaît, ne pense qu’à ce qui existe entre deux humains dans un lit où les âmes et les corps se mélangent, rien n’est plus beau. Ne t’attriste jamais si un jour tu constates que lorsqu’on fait l’amour à deux, l’un aime et l’autre rêve d’aimer, car le dialogue est tout de même établi. Lila, aime tes bras qui vont enserrer des hommes, tes jambes qui s’ouvrir à eux, aime les femmes comme moi qui les préparent à aimer les femmes comme toi, Lila, accepte le maillon que tu es, le rôle que tu as à jouer dans la vie de ceux que tu croises, et comprends que chacun a le sien, beau ou laid, et que c’est bien ainsi. Je t’aime beaucoup, Lila, j’aimerais que tu vives.
Et j'ai appris avec toi que quelqu'un qui vous attire pour de vraies raisons, un homme que l'on est appelée à aimer d'amour vrai, ne vous manque pas, c'est plus profond, il est avec soi nuit et jour, il comble l'absence sans que sa présence soit en permanence nécessaire.