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4.19/5 (sur 44 notes)

Nationalité : France
Biographie :

Denis Rossano, journaliste et romancier, réside depuis 1996 à Los Angeles, où il a longtemps été correspondant cinéma pour la presse française.

Source : //www.allary-editions.fr/
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"Cet enfant m'a bouleversé. En écrivant "Un père sans enfant", j'ai essayé de le sauver." Denis Rossano nous raconte la genèse de son roman vrai, digne des plus grands mélodrames hollywoodiens. Prix Révélation 2019 de la Société des Gens de Lettres.


Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Un lac dans les montagnes de Bavière

Des cygnes. Des cygnes venus se poser le soir et qui se sont endormis avant que les glaces ne les pétrifient.

Le petit garçon lâche une exclamation qui pourrait être de l'émerveillement ou de la stupeur ou les deux à la fois. Les grands oiseaux ont été transformés en sculptures féeriques. Des statues, façonnées par la neige et le froid, par le vent et la nuit. Ils sont six.

- Ce sont les six princes transformés en cygnes par leur méchante belle-mère, explique le père. Il évoque l'un des récits favoris de Klaus, un conte des frères Grimm qu'il lui raconte certains soirs.

L'enfant le regarde un instant, il hésite, il ne sait pas s'il doit être triste.
- Ils dorment, rajoute le père. Tout à l'heure quand nous serons partis, ils se réveilleront, ils reprendront leur envol et ils iront rejoindre leur sœur pour la sauver. Tu te souviens de l'histoire ?

L'enfant écoute attentivement. Son visage ne trahit pas ce qu'il pense. Il continue de regarder les cygnes, son père ne bouge pas. Le temps s'est arrêté ; il y a juste les couleurs du matin, la glace. Et les cygnes.
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1949 - Les Américains, qui ont bien compris la formidable puissance du cinéma de Goebbels, ont démantelé la UFA : une erreur selon Detlef.

Quatre ans après la fin de la guerre, alors que le pays se remet lentement à produire des films - il y en a 62 en 1949 - Detlef fait face à un choc auquel il ne s'attendait pas : les maîtres d'œuvre du cinéma hitlérien, les réalisateurs qui ont servilement accepté de se soumettre à Goebbels, sont toujours là. Ce sont eux qui font le cinéma de la nouvelle Allemagne. Après une période dite de dénazification, ils reprennent du service comme si de rien n'était. Detlef aurait voulu que les structures de la UFA soient conservées mais pas que les valets du nazisme soient aux commandes. Maintenant, ils règnent à nouveau et ils construisent un cinéma d'après-guerre qui va instaurer une nouvelle amnésie collective. Certains se sont-ils repentis ? Detlef en doute. Ils se reconvertissent habilement, c'est tout.

Tous ceux qui ont été les visages du cinéma sous Hitler, quand ils ne sont pas décédés, parviennent à revenir sur les écrans. Magda Schneider est de ceux-là. Le grand retour de Zarah Leander est annoncé. Kristina Söderbaum va bientôt tourner son nouveau film - sous la direction de son mari, (Veit Harlan poursuivi pour le Juif Süss) naturellement. L'industrie a été réduite à zéro et pourtant, c'est la continuité qui caractérise sa renaissance et non la rupture nécessaire.
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Berlin - septembre 1938

Mais le succès se paie. Gründgens avait vu juste : le public commence à poser beaucoup de questions sur la vie privée de Joachim. Sa sensibilité inusitée, si rare chez les hommes du cinéma germanique, séduit mais elle interpelle aussi. Les gens s'interrogent. Et la presse s'en fait l'écho.

- Meta se tourmente à nouveau, m'informe Ruth (Hellberg).

Je vais rendre visite à mon amie dans l'appartement de la Seebergsteig :
- Les journalistes vont fouiller dans son passé, s'émeut Meta à voix haute. L'affaire de Francfort va ressortir. On m'a appris que la Chambre du cinéma du Reich est en alerte. Je ne sais pas si elle communique avec la Chambre du Théâtre. J'ai peur, Alois. Je redoute le pire.

Je m'efforce de la réconforter :
- Ils savent ce qu'ils font à Terra Film. Ils gèrent la situation. Ils ont besoin de lui, ils vont le protéger. Je en pense pas que la Chambre du cinéma du Reich s'agite beaucoup, ils ont d'autres chats à fouetter. Et Joachim est trop aimé dans le théâtre pour qu'il risque quoi que ce soit de ce côté.

Je ne suis pas très convaincant. Mes arguments peuvent se révéler aussi vrais que faux. Comment savoir, dans ce pays ? Nous nous accrochons tant bien que mal à l'espoir que la gloire de Joachim sera sa sauvegarde.

Page 221
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"Rumpelmayer, l'un des lieux les plus à la mode de Francfort" - 1934

Il y a du monde. Des femmes à la dernière mode, leurs cavaliers. Un petit ensemble de musiciens joue des airs populaires. Alors que nous sommes assis et que nous parlons des évènements du moment, une jeune femme, soudain, se matérialise devant notre table. Joachim la connaît. Il se lève. Une comédienne. Il nous présente et nous échangeons quelques mots. Elle est charmante, très blonde, habillée de blanc. Et puis, après une dizaine de minutes, son compagnon, qui devait s'impatienter, vient la chercher. Il porte un uniforme nazi. Et d'un seul coup tout change : l'atmosphère, l'air que nous respirons, le goût des gâteaux, le rythme de nos respirations. Regarde-t-il Meta plus longuement que nécessaire ? Sommes-nous paranoïaques ? Son amie évite adroitement les introductions et ils finissent par s'éloigner mais nous entendons clairement l'homme prononcer le nom Gottschalk. Il a donc reconnu Joachim. Articule-t-il aussi le mot "juive" ? Je sens sous la table les jambes de Meta trembler tout doucement. La main de Joachim se glisse dans la sienne.

page 121
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- Quel âge avait Klaus quand vous l'avez vu pour la dernière fois ?

Je suis assis face à Detlef (Douglas Sirck). Nous sommes installés dans un café. Dehors, une fine pluie de printemps. Nous partageons un thé aux épices. Ma deuxième semaine à Lugano vient de commencer et, pour la première fois, je viens de prononcer le nom de Klaus. Je crois que ma voix a tremblé. Mes mains sont crispées autour de ma tasse. Les yeux de Detlef sont peut-être délavés par la cécité naissante mais ils voient bien que je suis tendu et très ému aussi. Articuler le prénom de l'enfant, à voix haute, devant le père : pas tout à fait un défi, plutôt une nécessité. Je ne sais pas pourquoi j'ai posé cette question, elle m'est venue d'un seul coup, sans réfléchir. Je savais juste qu'il fallait que j'invoque Klaus : je ne pouvais plus repousser encore le moment.

- Klaus répète Detlef en hochant lentement la tête. Ainsi donc, vous savez.
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- Echanges entre Zarah Leander et Detlef sur le tournage du film "La Habanera"

- Il est bien Ferdinand, dit-elle en s'exécutant. Elle parle de son partenaire dans le film. Et elle ajoute, amusée : Tu as l'œil pour découvrir des acteurs et leur offrir le rôle idéal pour les lancer. Il va faire du chemin grâce à toi.

Detlef sourit.
- C'est un excellent acteur et un type sympathique. Je l'ai vu jouer au théâtre, son talent est considérable, et il a quelque chose de magnétique. Une présence. Toi et lui ensemble, devant la caméra ... Je ne sais pas si tu t'en rends compte mais il y a cette alchimie qui passe, cette chose envoûtante que seule la caméra sait capturer.

L'Autrichien Ferdinand Marian, encore peu connu du grand public, obtient, en cette année 1937, ses premiers grands rôles au cinéma. Dans quelques jours, le public va le voir dans "Madame Bovary" : il y joue l'amant inconsistant par qui le désastre arrive. Mais c'est "La Habanera" qui va l'imposer comme un séducteur dangereux, à la fois attirant et néfaste, irrésistible et cruel.
En 1940, il incarne le rôle titre du plus fameux film antisémite du siècle "Le Juif Süss".
Il ne veut pas du rôle, mais Goebbels fait pression. Il prend peur. Son cachet est augmenté. Il finit par accepter. Il le prévoyait : son image en est à jamais entachée ; elle l'est encore aujourd'hui, longtemps après sa mort, en 1946. Un accident de voiture qui est peut-être un suicide, personne ne le sait. Tous les choix ont des conséquences et Marian ne l'ignorait pas. Il est l'un de ceux qu'on ne peut trop vite condamner : il va cacher chez lui le premier mari de sa femme, un fameux metteur en scène de théâtre, juif. Lui-même a été l'époux d'une pianiste juive avec qui il a eu une fille. Toutes deux étaient réfugiées à l'étranger.
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Joachim s'adressant à Aloïs :

- Grundgens (Gustaf - grand acteur de ces années) a eu une lubie : il s'est mis en tête qu'il devait devenir le prince de Zeesen. Comme il est l'ami du ministre Göring, on ne lui dit pas non. Il est allé voir Rudolph (juif) avec un assesseur en uniforme de la SA et a acheté le domaine pour une bouchée de pain, à peine cinquante-huit mille reichsmarks : moins de la moitié de sa valeur réelle.

Je reste silencieux.

- Rudolph a quitté l'Allemagne peu après précise Joachim. Il a fait ses adieux à Meta au téléphone. C'est à ce moment qu'il lui a tout raconté. Elle a été assez ébranlée , je t'avoue.

page 104
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Le père se demande si son fils se passionne pour cette Égypte qu'il découvre, ou si, avec ses pensées d'enfant viciées par la propagande raciste, il regarde ce monde avec l'arrogance de celui qui a la certitude d'appartenir à une race supérieure.
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Printemps 1937 - Berlin studio de la UFA

Alors que nous traversons les plateaux, nous rencontrons une très belle jeune femme. Cheveux noirs, visage félin, des yeux en amande. Beaucoup de gens s'affairent autour d'elle. Elle nous salue d'un sourire, nous faisons de même. Je me tourne vers Wolfgang (Liebeneiner) :

- Lida Baarova ?
- En personne, la nouvelle star du moment.

Joachim la suit du regard.

- Ravissante. Elle est tchèque non ? La nouvelle conquête de Gustav Fröhlich, si je ne me trompe.
Fröhlich est l'un des jeunes premiers les plus populaires du pays. Il a divorcé de sa femme, Gitta Alpar, une star de l'opérette qui avait le tort, impardonnable aux yeux du régime, d'être fille de rabbin. Le couple avait émigré en Autriche, mais l'acteur ne voulait qu'une chose, redevenir une star en Alle magne, alors il a choisi de quitter son épouse et Goebbels l'a accueilli à bras ouverts.

- Fröhlich et Baarov ont fait un film ensemble, je crois dis-je "L'heure de la tentation".

Wolfgang hausse le épaules : Vous êtes en retard mes amis. Fröhlich appartient au passé. Elle est maintenant la maîtresse de Goebbels.

page 165
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Il est ma débâcle, ma dévotion, ma tendresse, ma honte, mon regret. Klaus est l'enfant des souvenirs qui ne cesseront jamais de faire mal.
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