" Quand je pense qu'en face, ils vénèrent le même Dieu.
Quelle importance alors que nos prières, si nos ennemis font les mêmes ?
Qui Dieu écoute-t-il ?
À moins qu'il n'écoute personne ? "
Une voiture d’un blanc défraîchi roule au pas le long d’une forêt aux arbres tordus, aux broussailles sèches, d’une route à un chemin de montagne, d’un chemin à un sentier, d’un sentier à rien. Elle se gare, un jeune homme s’en extirpe, brisé par les heures de conduite accumulées depuis l’aube. Il laisse un instant le vent s’engouffrer dans sa chemise humide de sueur, puis s’engage entre les broussailles, s’enfonce sous les frondaisons, va suivre un chemin sinueux que lui seul connaît. Que lui seul avait redécouvert au hasard. Ou par chance. Ou par destinée.
Bernard courut se cacher et tira son portable. Rien de plus flippant qu'un coup de fil en pleine nuit. Mémé répondit, dit d'une voix encore plus chevrotante qu'à l'ordinaire :
– Allô ? Qui est-ce ?
Bernard ne dit rien, le doigt sur le micro pour qu'elle ne l'entende pas respirer.
– Allô ! Arrêtez ! Qu'est ce que vous voulez ? Arrêtez ça !
Bernard raccrocha et attendit en surveillant les différentes fenêtres de l'étage. La silhouette tordue de Mémé était revenue, progressant en ombres chinoises derrière les rideaux. Elle parut s'attarder dans le couloir, et Bernard l'entendit très loin crier « Silence ! Silence ! ».