Citations de Diney Costeloe (31)
Il avait perdu sa famille à cause des nazis. Il comprendrait ce qu’elle ressentait. Quiconque n’ayant pas vécu dans la peur des nazis ne pouvait imaginer, pas même un peu, ce que cela faisait de se demander, jour après jour, si la Gestapo allait débarquer pour vous emmener. De les voir parader dans les rues, leurs rictus arrogants dirigés contre vous simplement parce que vous aviez un parent juif.
Elle s’était beaucoup attachée à sa fille d’adoption depuis qu’elle était arrivée chez eux. Elle était sans doute la seule mère qui lui restait, désormais. Ni l’une ni l’autre ne bougeait ; Naomi serrait très fort Lisa qui, secouée de sanglots, s’agrippait à elle.
Elle vivait dans une maison chic et le regardait de haut, il le savait. Grand bien lui fasse ! Il s’en moquait.
Leur antipathie réciproque les tenait éloignés l’un de l’autre. Mais c’était bien en chacun d’eux que Lisa puisait sa force.
D’autres fois, il volait sur les étals au marché, parfois dans la corbeille de la quête à l’église locale, mais toujours à l’affût des Jeunesses hitlériennes, qui prenaient un malin plaisir à malmener les malheureux Juifs croisant leur chemin. Il s’était transformé en terreur des rues, en animal sauvage qui se battait bec et ongles pour se défendre contre ces gangs en maraude.
Elle savait ce que c’était d’être brusquement transplantée dans un autre pays, et les Federman, aussi gentils qu’ils fussent, n’avaient pas d’enfants. Elle envisageait même de proposer à Lisa de venir s’installer chez eux. Mais Max lui interdit catégoriquement d’interférer.
Ils avaient reculé, mais pas pour longtemps, toujours en embuscade, toujours hors de vue du professeur chargé de surveiller la cour. Hilda, impuissante à intervenir et consciente que le même traitement l’attendait si elle essayait, gardait ses distances.
Son anglais progressait à pas de géant, Hilda lui apprenant les mots dont elle avait besoin, bien qu’avec un accent et un vocabulaire de l’est de Londres. Elles devinrent très proches, et, comme les Lang ne vivaient qu’à quelques rues, Naomi se réjouissait que Lisa passe autant de temps chez eux.
C’était en effet une période de grande tension nationale. La guerre approchait, tout le monde le savait ; ce n’était qu’une question de temps. Le pays s’y préparait depuis des mois, et Lisa se retrouva bientôt entraînée dans certains de ces préparatifs.
Patience et bonne volonté étaient en effet nécessaires des deux côtés, mais à grand renfort de langage des signes, ils parvenaient à communiquer juste assez pour se débrouiller.
Le fait que sa mère était juive ne l’avait jamais inquiété. Ils étaient parfaitement intégrés et lui-même se considérait allemand avant tout. Il avait été médecin dans l’armée durant la Grande Guerre et avait reçu une médaille pour ses services. Mais cela ne comptait plus, désormais. Sa mère était juive, alors, il était juif ; il n’était plus autorisé à soigner que des Juifs. Ses anciens confrères le traitaient comme s’il avait la gale.
Quand je pense que de sales juifs vivent encore dans un appartement comme celui-ci alors que tant de vrais Allemands n’ont pas d’endroits décents où vivre...