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Critiques de Edith Bruck (81)
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Le pain perdu

Le Pain perdu est l’histoire d’une vie, celle d’Edith Bruck, racontée par elle-même, de façon simple, mais toujours terriblement émouvante.

La petite Edith, surnommée Ditke, a vu le jour dans un village hongrois. Elle a six frères et sœurs dont certains, plus âgés, ont déjà quitté leur famille juive dont la mère est très croyante, affirmant que c’est Dieu qui lui a donné ses enfants. Ainsi, elle néglige le rôle du père, Stein Schreiber, qui, en 1942, est exclu de l’armée parce que juif. Ce gagne-misère, comme Ditke le qualifie, sent venir la pire des catastrophes confirmée par la présence de seulement trois personnes à l’enterrement de la grand-mère de ses enfants.

Dans la vie du village, la mise à l’écart des Juifs ne suffit pas. Lorsque Ditke, première de sa classe, croise le maître d’école, celui-ci lance un « Heil Hitler ! » qui en dit long sur ce qui se prépare.

Vexations, humiliations, interdictions, petites agressions, cela n’est pas le fait de militaires ou de policiers faisant la promotion du nazisme mais tout simplement d’habitants du village avec lesquels la communauté juive vivait en parfaite harmonie, jusque-là.

Ditke vient d’avoir 13 ans quand les gendarmes brisent la porte d’entrée de leur modeste maison pour expulser toute la famille. Justement, ce matin-là, sa maman avait préparé des miches de pain. Il ne lui restait plus qu’à les enfourner quand le malheur est arrivé.

Quand toute la famille se retrouve embarquée dans un train avec beaucoup d’autres juifs, la mère de Ditke ne parle que de son pain perdu abandonné à la maison.

Le ghetto, les insultes, le pillage de tous leurs objets précieux, l’engrenage infernal est enclenché. Birkenau, Auschwitz, les chiens, la séparation et ces vies qui partent en fumée, la négation de toute humanité : l’extermination d’un peuple.

Edith Bruck raconte l’enfer qu’elle a vécu, donne des nouvelles de ses frères et sœurs, détaille les souffrances endurées. Il faut marcher, subir les maltraitances infligées par les kapos, assister au suicide de ses amies, constater l’égoïsme des fermiers refusant toute nourriture à ces femmes, à ces enfants et à ces hommes déplacés d’un camp à l’autre et affamés.

Tout cela, je l’ai lu déjà mais le récit d’Edith Bruck est poignant, terriblement émouvant, extraordinairement précis. Il ne faut pas l’oublier, jamais le passer sous silence malgré le temps qui s’écoule inexorablement. Le récit, le témoignage de cette jeune fille frôlant souvent la mort, est fondamental.

Bien sûr, arrivent les soldats US, la libération des camps. Comme les Hongrois ont été déportés en dernier, ils sont rapatriés les derniers. Edith Bruck, alors, constate que leur retour n’est pas très apprécié, que Sara, sa sœur, l’accueille froidement, que dans son village d’origine on la regarde comme une ennemie.

Ditke adore écrire. Judit, sa sœur, fait partie d’un groupe sioniste et veut absolument rejoindre la Palestine. Si Ditke fuit en Slovaquie, elle est dépucelée à 16 ans, à Bratislava. S’ensuit un récit comme une épopée qui emmène notre autrice en Israël, puis en Grèce, en Turquie et enfin à Naples puis à Rome car elle a eu la chance d’intégrer une compagnie de ballet.

Il faut vraiment lire Le Pain perdu pour découvrir toutes les étapes d’une vie marquée à jamais par ces années de cauchemar, moments horribles, atroces, programmés et infligés sans le moindre état d’âme à plusieurs millions de personnes dont la plupart ne sont jamais revenues.

Quand Edith Bruck découvre Herculanum et Pompéi, elle imagine avec horreur ce que vécurent leurs habitants foudroyés par une éruption volcanique en l’an 79 de notre ère.

Si Ditke est devenue Edith Bruck, c’est grâce à un extraordinaire courage et une admirable volonté de témoigner.

Pour finir, elle s’adresse directement à Dieu, le tutoie et lui reproche de n’avoir jamais rien donné à sa mère qui, pourtant, l’invoquait, le suppliait plusieurs fois par jour. Elle se pose des questions existentielles, essentielles, mettant en cause une croyance à laquelle sa mère était viscéralement attachée.

Edith Bruck, star en Italie mais inconnue en France, fut très amie avec Primo Levi dont le suicide la bouleversa. Elle s’est consacrée au journalisme, à la télévision, au roman, à la poésie mais surtout à son témoignage sur l’holocauste des Juifs, la Shoah dont Le Pain perdu est un élément essentiel.


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Le pain perdu

Dans le Pain perdu, traduit de l'italien par René de Ceccaty, Edith Bruck née Steinschreiber le 3 mai 1931 à Tiszabercel en Hongrie, raconte comment elle a survécu à l'enfer des camps de la mort.

Cette magnifique autobiographie qui commence comme un conte « Il y a très longtemps, il était une fois… », débute dans ce petit village de Hongrie orientale où Edith dont le diminutif est Ditke vit avec ses parents et ses frères et soeurs très pauvrement. Ils appartiennent à la communauté juive et leur vie est empoisonnée par la propagande fasciste, nazie, les habitants du village leur faisant mener une vie impossible, ayant tout pouvoir sur eux et pouvant les empêcher de travailler.

Aussi, quelle joie, lorsque, en avril 1944, le matin après la Pâque juive, leur voisine leur offre de la farine. Aussitôt la mère s'active sur le pétrin, et ainsi durant la nuit, la pâte monterait pour être mise au four à l'aube. Mais, alors que tous dorment, les gendarmes et les fascistes hongrois cognent à la porte qui cède, hurlant l'ordre de sortir dans les cinq minutes. le père, encore en caleçon, sort ses médailles de la Première Guerre Mondiale, prouvant qu'il avait combattu, ils les jettent à terre disant qu'elles ne valent rien et lui pas davantage. Quant à la mère, elle n'avait que deux mots : le pain, le pain, ce pain qui allait être perdu, d'où le titre du livre.

Un moment inimaginable et inoubliable pour cette jeune enfant de treize ans. de plus « Les bourreaux qui parlaient dans leur langue les blessaient avec chacune de leurs paroles, en les dirigeant comme si c'étaient des moutons, vers la petite synagogue, où se trouvaient déjà tous les Juifs du village ». Ils sont ensuite parqués dans un ghetto avant d'être déportés à Auschwitz où la famille est séparée. Edith séparée de force de sa mère, se retrouve avec sa soeur aînée Judit. Elles sont ensuite transférées à Dachau puis au camp de Kaufering et à celui de Landsberg, des sous-camps de Dachau, puis à Bergen-Belsen où encore en février 1945, elles verront arriver, incrédules de nouvelles déportées de Budapest.

Les Américains arrivant, ce sera la longue marche vers elles ne savaient où, pour fuir. « Marsch ! Laufen schnell ! » Marcher ! Vite ! En avant ! Alors qu'elles étaient « des sortes d'épouvantails, flottant dans leurs haillons, le visage creusé, livide, les chevilles, les pieds crevassés d'engelures ».

Edith survivra, elle ne sait comment…

Elle partira à seize ans pour le jeune état d'Israël, s'y mariera avec un certain Bruck, voyagera, fera tous les métiers d'Athènes à Istanbul et finira par s'installer en 1954 en Italie, devenue désormais sa nouvelle patrie : « Pour la première fois, je me suis trouvée bien tout de suite, après mon long et triste pèlerinage ». À Rome, Elle rencontre Nelo Risi, le frère de Dino qu'elle épouse, devenue outre écrivaine, scénariste et réalisatrice.

Avec des mots simples, évitant au maximum les atrocités sans pouvoir évidemment les gommer, Edith Bruck décrit la force hors du commun qui a été nécessaire aux déportés pour pouvoir survivre à la déportation en camps de concentration.

L'auteure ne s'en tient pas seulement à la période de déportation mais raconte aussi l'avant et l'après, donnant ainsi une force supplémentaire au récit.

Elle explique bien comment, malgré déjà les lois raciales et les discriminations dont les Juifs étaient victimes, elle était encore une enfant vivant pauvrement certes, mais entourée de sa famille, ne comprenant pas tout ou ne voulant pas comprendre puis, comment elle est devenue adulte dès son entrée au camp de concentration où elle a appris le pire de l'être humain.

Elle dit également combien il était atroce d'être arrêté, injurié et emmené par ses propres compatriotes.

Mais si elle a survécu, dit-elle, c'est que dans le noir absolu, il y a toujours un moment de lumière et cela a été pour elle la chose la plus importante. Elle raconte l'émotion immense qu'elle a ressentie à Dachau quand un cuisinier lui a demandé son nom, alors que depuis son arrivée au camp, elle n'était plus que le numéro 11152 : elle était à nouveau un être humain ! Autre point de lumière, le jour où un soldat lui a lancé sa gamelle avec un reste de confiture, signe qu'il fallait encore vivre et lutter pour la vie. C'était l'espoir et la force d'aller de l'avant.

Et que dire de l'après-guerre, à leur retour, quand personne ne les a vraiment accueillies, elle et sa soeur. Elles étaient devenues un poids pour la société, même pour la famille. Personne ne voulait entendre ce qu'elles avaient vécu. Elles se sentent de plus en plus seules et abandonnées. C'est en 1946 qu'Edith commence à écrire car elle se sent remplie et « enflée » des mots qu'elle ne peut pas dire et ne peut plus supporter ce vécu, personne ne voulant l'entendre, tous disant qu'eux aussi ont souffert, qu'ils ont subi les bombardements, comme si c'était la même chose… « Ils ne veulent pas nous écouter : c'est pour ça que je parlerai au papier ».

Leur restant de vie n'était plus qu'un poids alors qu‘elles avaient espéré un monde qui les aurait attendues…

Pour Edith, une existence aventureuse traversée d'espoirs et de désillusions va alors commencer la conduisant à travers l'Europe et l'Orient avant qu'elle ne se trouve une nouvelle patrie, l'Italie où elle trouvera refuge, ayant la sensation qu'elle pouvait enfin vivre là.

Dans un dernier chapitre, intitulé Lettre à Dieu, Edith Bruck non croyante, pose cette question : « Oh, Toi, grand silence, si Tu connaissais mes peurs, de tout, mais pas de Toi. Si j'ai survécu, ça doit avoir un sens, non ? »

Malgré ce vécu quasiment indicible tant il est inhumain, Edith Bruck croit en l'homme, en l'humanité, n'a pas de haine mais de la pitié en se demandant comment ils ont pu faire cela… Sa foi est de respecter l'être humain.

Se sentant chargée du devoir de mémoire, à l'image de son ami Primo Levi, elle cultive ce vécu, afin de le raconter aux jeunes pour qu'ils puissent comprendre ce qui s'est passé, et qui peut se passer un jour, qu'on a essayé de détruire un peuple avec la complicité et la collaboration de toute l'Europe. Tous ont permis, sont restés indifférents…

Témoigner de son expérience sans jamais recourir à la haine, tel est son but.

Le Pain perdu d'Edith Bruck, l'une des dernières grandes témoins de la Shoah, est un livre qu'il faut lire absolument, un témoignage bouleversant.

C'est en écoutant l'émission le masque et la plume, sur France Inter que j'ai entendu parler de ce livre, chacun des intervenants ne cessant de louer sa beauté et sa force. Quand, quelques jours plus tard, lors de la Masse critique, Babelio proposait ce bouquin, je n'ai pas hésité une seconde sur mon choix. Et super belle surprise, mon désir a été exaucé. Je ne peux que remercier chaleureusement Babelio et les Éditions du sous-sol !

Vous pouvez également réécouter sur France Inter, L'heure bleue de Laure Adler du jeudi 22 février 2022 consacrée à Edith Bruck.


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Le pain perdu

Edith Bruck est née juive hongroise en 1932. Au crépuscule de sa vie, les premiers signes d'une amnésie soudaine la terrassent alors qu'elle sent encore qu'elle a à éclairer les jeunes consciences sur la tragédie de la Shoah qu'elle a vécue, rescapée d'Auschwitz où elle a été déportée à treize ans avec sa famille. le pain perdu sera son témoignage, écrit à près de quatre-vingt dix ans. Une épure de 170 pages pour revenir sur toute une vie.



Le premier chapitre, " La petite fille aux pieds nus ", est exceptionnel et rien que pour lui, Edith Bruck vaut d'être lue. En racontant l'arrestation de toute la famille dans leur village hongrois, elle parvient à saisir le territoire de l'enfance juste avec quelques détails bouleversants. Ce ruban rouge qu'elle perd et qui lui manquera lorsque sa mère entreprend de la coiffer avant de partir pour la déportation. Ce pain qui était à cuire, fabriqué avec une farine cédée par les voisins, que sa mère se désespère de voir gâcher.



Elle fait le choix de ne pas s'appesantir sur l'expérience concentrationnaire, plutôt sur les marches de la mort, peu traitées en littérature, qui l'ont conduit d'Auschwitz à Bergen-Belsen en passant par Dachau. Sa réflexion est riche et inédite, expliquant que la pauvreté de sa famille a été une clef pour survivre dans les camps, un avantage même par rapport à ceux qui étaient gâtés matériellement. Les pauvres savaient déjà que la vie était méchante et cruelle.



« Les jeunes bourgeoises, plus fragiles que nous, avaient moins de défenses, tout comme les hommes : notre vie antérieure, par sa dureté même, nous avaient avantagées et nous avions mieux résisté. Nous luttions contre les poux, contre la faim, sans jamais aller jusqu'à arracher de la bouche des autres la nourriture, contrairement à elles, qui le faisaient souvent, même entre mère et fille. L'éducation morale de maman avait porté ses fruits jusqu'à cette limite, où nous aurions, sans elle, risqué de devenir des ennemies l'une pour l'autre. »



Elle poursuit sa réflexion en se penchant sur les conséquences de la Shoah dans la construction de sa personnalité. le terrible retour dans son village hongrois natal où les juifs ne sont pas les bienvenus, sa maison d'enfance saccagée et souillée. Son errance, des désillusions d'Israël à la Tchécoslovaquie, la Grèce, la Turquie, la France, l'Allemagne, sans jamais trouver se fixer ni trouver la sérénité. Jusqu'à l'Italie, le nid où elle se sentira bien immédiatement, là où elle pourra revenir à la vie et se réinventer.



A son retour, Edith Bruck éclate de mots. La littérature devient refuge. Ecrire en hongrois l'écorche. L'italien s'imposera comme la langue du témoignage..

« Il faudrait des mots nouveaux, y compris pour raconter Auschwitz, une langue nouvelle, une langue qui blesse moins que la mienne, maternelle »



Sa parole est claire et nette. Les mots, directs et crus, presque mats, sans euphémisation, sans pathos, sans dérobades, portés par une vitalité qui transperce le lecteur et épouse l'exceptionnel caractère empreint de radicalité de l'écrivaine. Edith Bruck raconte qu'elle a été en colère lorsqu'elle a appris le suicide de son ami Primo Levi. Une colère immédiate et profonde car elle estime que les morts qui nous entourent nous donnent le devoir moral de vivre. Elle, elle recherche la lumière. La mémoire est son pain quotidien pour se construire loin de la haine. Dans la magnifique Lettre à Dieu qui clôt le livre, elle, l'athée sans illusion qui préfère la poésie à la prière, clame haut et fort que ce qui l'a préservée, c'est de ne point haïr mais d'avoir pitié de ses bourreaux.

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Le pain perdu

Attiré par le résumé lors d'une de mes veilles à la recherche d'un peu de diversité dans mes lectures, "Le Pain perdu" et ses tout juste 160 pages me semblait un bon choix.

Le sujet, souvent traité propose un témoignage doublé d'une autobiographie, une histoire qui commence dans un petit village de Hongrie peu de temps avant que les trois familles juives soient "raflées" et déportées.

L'auteure nous conte son expérience au Lager, la perte d'une partie des siens, les souffrances et les privations. Il y aura la libération et une réinsertion difficile avec sa soeur, le voyage en Palestine, un mariage raté puis un retour en Europe, le récit d'une vie en miettes dont elle essaye de recoller les morceaux tant bien que mal.

Tout au long de ma lecture j'ai été gêné par plusieurs choses et notamment le style que j'ai trouvé brouillon et approximatif, comme si cette histoire était écrite dans l'urgence, gêné aussi par le peu d'empathie et d'émotions dans les descriptions et la narration. Et enfin gêné par certaines approximations qui m'ont rendu cette lecture un peu laborieuse.

Je suis bien conscient d'aller un peu à contre courant des avis, je me contenterai de dire que j'ai été beaucoup plus ému et remué par Primo Levi.

Les notes de fin d'ouvrage nous apprennent que l'auteure au terme de sa vie a effectivement écrit ses mémoires dans l'urgence une soixantaine d'années après les faits, ce qui explique peut-être mon ressenti global d'une histoire qui ne me paraît pas aboutie.
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Qui t'aime ainsi

Ce témoignage est intéressant sur divers points. D'abord, il s'agit du témoignage d'une toute jeune fille juive hongroise. On y découvre son enfance et ses quelques années de jeune femme. Il y a une spontanéité dans son récit qui l'empêche de rentrer dans les détails. Edith Bruck relate ses années de guerre et d'après-guerre comme on se souvient de sa jeunesse des années plus tard. Il s'agit de faits, pas vraiment de sentiments. Elle relate les évènements les uns après les autres, sans forcément parler d'amour, de haine, de vengeance (ou autres émotions).

Ecriture relativement simple, voir naïve. Comme si Edith Bruck avait écrit ses souvenirs juste après ces évènements, toute jeune et sans vraiment d'expérience, comme un journal intime où elle résume cette période entre 12 ans et environ 20 ans. Peut-être parce qu'elle a écrit ce récit en Italien (et non dans sa langue natale) ? Ce livre reste de tout façon un témoignage supplémentaire à découvrir, comme tous les témoignages, pour ne pas oublier, pour transmettre aux générations futures, pour ne plus reproduire...

Quant à l'après-guerre, impossible pour cette jeune fille de trouver un chez-soi. Est-ce du aux évènements subis ? ; est-ce du à sa personnalité ? ; est-ce du au contexte de l'époque ? Je en saurai définir vraiment pourquoi, mais je n'ai pas réussi à m'épancher sur la vie de l'auteur. Peut-être est-ce du à son style d'écriture ? Quoiqu'il en soit, ce témoignage est intéressant et indispensable. A lire pour continuer à se souvenir. Et malgré ce petit bémol, j'ai envie de découvrir les 2 autres livres d'Edith Bruck.



Merci à Babelio pour cette opération Masse Critique et merci aux Editions Points pour l'envoi de ce livre.

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Le pain perdu

Il m'est impossible de rédiger un commentaire sur un tel récit .

Pour le contenu , il suffit de se référer à la quatrième de couverture , particulièrement explicite sur ce qu'on va découvrir dans ce " magnifique " texte plein de vérité mais d'où tous les sentiments de vengeance ou de haine ont été laissés en cours de route pour ne conserver que le souvenir permettant de se reconstruire et la nécessité de ne pas oublier .

De tous les ouvrages écrits sur la Shoah par des historiens , des journalistes , pour " méritoires " qu'ils soient , aucun n'a la force de ceux écrits par les rescapés eux -mêmes et nous en avons un bel exemple sous les yeux .

En couvrant une grande partie de sa vie , Edih Bruck nous place au coeur de la tragédie , ravivant un questionnement fort .Pourquoi ? Où ? Comment? Qu'est ce qui peut bien pousser des hommes à en massacrer d'autres avec tant de violence , de haine , de cynisme .Et encore des questions à la libération des camps , " pourquoi moi ?pourquoi pas ceux et celles dont les corps décharnés et nus pourissent entassés les uns sur les autres ...Oui , pourquoi ce retour au pays si difficile , rejetés par les uns , raillés par leurs anciens bourreaux libres de leurs mouvements ?

Si Edith Bruck nous donne à voir , elle ne s'apitoye pas , elle nous donne à réfléchir sur l'avenir et , notamment , nous envoie de percutants messages sur le devenir de notre société , sur Notre devenir et celui de nos descendants .

Pas de pathos , pas de haine mais , surtout et d'abord , pas d'oubli .

Ce livre m'a bouleversé tout autant que " Le premier homme " de Primo Levi .A eux deux , aprés leur décés , ils nous laissent l'héritage .Lire ou relire ces ouvrages entretient une mémoire qui aurait tendance à fléchir si l'on n'y prend garde . C'est comme pour les enfants " expliquer , réexpliquer " pour qu'un jour , eux - mêmes ....

Allez , bon dimanche amis et amies ; L'orage arrive et l'on n'y peut rien mais peut-être que cette lecture nous permettra d'en repousser d'autres .A bientôt .
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Le pain perdu

C’est avec une force remarquable qu’Édith Bruck nous évoque son parcours complexe, celui d’une petite fille juive, ignorant même le sens et les implications d’une telle étiquette, dans ce petit village hongrois. Il faudra peu de temps pour en comprendre les enjeux : la famille est chassée de sa maison au cours d’une rafle et Édith est acheminée vers un camp de concentration. Elle en connaîtra met plusieurs, ballotée au hasard de décisions qui la dépassent. Sans comprendre. Elle survit malgré tout et assume le difficile retour de ceux qui ont connu le pire. Avec un appétit de vivre et de multiplier les expériences, une tentative pour effacer l’horreur des souvenirs.



Edith Bruck ne sombre pas dans le sordide. Les faits ne sont pas occultés mais évoqués sans complaisance. Cela n’est plus nécessaire, de nombreux écrits ont clairement expliqué le vécu insoutenable des camps de la mort. C’est plutôt l’après qui prend le pas. Le retour à la vie ordinaire, les angoisses qui persistent mais aussi un formidable élan créatif, les errances inévitables pour finalement se sentir accueillie et légitime en Italie, où elle pourra s’épanouir.



Pas de haine, pas de désignation de coupables, ni désir de vengeance, Edith Bruck conte son histoire avec un certain détachement, augmentant la puissance de ce témoignage, court et dense.



Transmission indispensable d’un drame historique qui ne doit pas disparaitre de la mémoire collective, les écrits sur la Shoah restent indispensables génération après génération.



167 pages Sous sol 7 janvier 2022
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Pourquoi aurais-je survécu ?

J ‘ai toujours des hésitations à parler et a plus forte raison à écrire sur la poésie, genre littéraire que j’adore pourtant. Elle est composée de mots mais elle ne se prête pas à mes mots…

Je ressens pourtant ici le désir de le faire ici tant ce recueil m’a bouleversé.



Edith Bruck avait treize ans lorsqu’elle fut déportée avec sa famille à Auschwitz, elle a survécu.

Cet épisode tragique, elle l’a décrit dans ses poèmes. Et la poésie donne à ces faits une résonance forte qui m’a ébranlé.

La poésie n’a pas d’égale pour nous faire ressentir l’Amour, j’ai découvert qu’elle pouvait être forte pour nous faire vivre l’indicible.



Elle nous parle de sa mère : « C’était une pauvre inoffensive gazée parce que juive », qu’elle décrit parfois avec crudité « mère-savon », son père, son frère, elle se présente à nous femme amoureuse, femme qui a un devoir de mémoire, femme combattive, luttant pour les migrants, contre le nationalisme « Est-ce qu’un Américain vaut plus qu’un Suédois ou un Français », elle nous fait partager sa peur de voir renaître le fascisme, elle ne se prive pas de critiquer le pays où elle est née :

« Dans mon pays natal

la Hongrie

je ne vais plus depuis presque vingt ans

pour ne pas entendre

des phrases antisémites

d’hier comme d’aujourd’hui »



Tout nous est dit sobrement, pas le moindre pathos que l’on aurait pu attendre au vu de son histoire.

En peu de mots, parfois dans un tout petit poème, tout nous est transmis et tout nous atteint profondément.



J’ai beaucoup aimé !
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Le pain perdu

Parfois la littérature ne reflète pas mais elle résonne.



Dans ce récit l'on n'entend pas que la voix d'Edith Bruck, l'on a l'impression d'entendre de milliers des voix, toutes celles qui se sont tues pour toujours mais qui continuent à exister dans la mémoire collective.



Au plus fort du récit certaines lignes tanguent, ivres de douleur.

Raconter l'irracontable.

En nous livrant des fragments d'existences volées en éclats, l'auteure dissèque parfois avec une glaçante lucidité l'avant, le pendant et l'après les camps.



Les juifs ont été complètement déshumanisés pendant leur détention.

Pour les survivants le retour est une épreuve compliquée et traumatisante.

On ne reprend pas sa vie là où l'on l'avait laissée.



A l'instar d'autres survivants la romancière hongroise s'est sentie amputée de la parole libératrice par ceux qui ne souhaitaient pas « savoir ».

L'inhumain se niche dans le cynisme de ceux qui ne veulent pas voir, dans les mots qui perdent leur sens et dans l'abstraction de l'autre.



Quel est le sens de la survie ?



Edith Bruck a éprouvé très rapidement le besoin et le courage d'empoigner sa mémoire traumatique pour en faire un discours libérateur.

Sa vie durant, elle mènera un long combat contre l'oubli, embrassant le devoir de mémoire et en racontant son histoire afin d'éclairer des consciences, et plus particulièrement de jeunes consciences dans le but de les alerter sur les dangers qui menacent nos sociétés.



Les survivants des camps de concentration ont l'âme tatouée d'images indicibles, indélébiles et seule la parole peut les libérer.



Raconter pour ne pas que l'Histoire se répète !

Raconter pour ne jamais oublier !





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La voix de la vie



Je découvre avec cette anthologie poétique Edith Bruck, je n'ai pas lu la précédente " Pourquoi aurais-je survécu?". Enfant d'une famille juive-hongroise très pauvre, elle a été déportée à treize ans, ses parents n'ont, eux, pas survécu aux camps.Vie tumultueuse, d'abord en Israël , puis en Italie, dont elle a adopté la langue pour l'écriture. Son activité intellectuelle est intense.



Les poèmes s'échelonnent de 1975 à 2021. Large spectre. Voilà ce qu'elle écrit l'an dernier, avec une bonne dose d'auto-dérision mais aussi de douleur sous-jacente :



" Que veux-tu ? Tu as quatre-vingt-dix ans.

Tu n'as pas honte de survivre

à tous tes morts bien-aimés ?

Pourquoi te tiens-tu assise

comme une poule

à regarder le vide autour de toi?"



Les poèmes d'Edith Bruck sont sans fioritures, bruts, sobres, mais révèlent les plaies jamais refermées. Elle évoque ici la déportation, le manque, son besoin de témoigner mais aussi ses interrogations face à l'amour, le monde actuel, la pandémie.



Je terminerai avec ce texte que je trouve bouleversant :



" Cette nuit j'ai lu

avec les chats au loin

dans le noir

les yeux fermés

j'ai senti une main sur la tête

un geste comme suspendu

entre bénédiction et consolation

je ne savais pas à qui elle appartenait

je sais seulement que j'ai été envahie d'un grand bien-être

et j'ai souri toute seule

comme un enfant repu en rêve.



Ce n'est qu'au réveil que j'ai pensé

à la main de ma mère morte".



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Le pain perdu

«  Lettre à Dieu: «  Je t'écris à TOI qui ne liras jamais mes gribouillis, ne répondras jamais à mes questions, à mes pensées ruminées pendant toute une vie » ….



«  Argent! Or! Objets précieux . Maudits chiens puants ! , insultes, injures qui me blessaient comme des coups de couteau » ..



«  La faim, les poux, la peur d'être sélectionnées, les maladies et les suicides contre le fil barbelé nous occupaient l'esprit jour et nuit. Des jours et des nuits qui nous semblaient des mois, des années » .



«  Nous étions des sortes d'épouvantails, flottant dans nos haillons, leur visage creusé, livide, nos genoux , nos chevilles, nos pieds crevassés d'engelures »

Quelques extraits de ce récit épuré, écrit en urgence par l'auteure , six décennies après son premier livre, elle revient, pressée , à près de 90 ans avec une sorte d’urgence sur son expérience douloureuse de la déportation .

Lu d'une traite, en apnée, elle écrit à DIEU , voir plus haut , pleine de colère à la fin de son récit, ….. si longtemps après …épouvantée par ses problèmes de mémoire ..

Née en 1932 , «  petite fille avec ses tresses blondes » il lui faut revenir , à tout prix , sur ce long chemin qui «  à elle même lui semble invraisemblable, ce conte obscur du XX ° siècle avec sa très longue ombre sur le millénaire d'après.



Ce récit stylisé, tranchant , dépouillé , émouvant , poignant , profond, entêté, sans illusion, vrai, humain , lucide , emporte le lecteur dans le sillage de cette petite fille qui s'appelait Edith Steinschreiber , née en Hongrie orientale , benjamine nommée «  Boulette » dont sa mère disait «  Cette petite morveuse, dernière née qu'elle avait chiée au monde » , au sein d'une famille juive , très pauvre, en proie à un racisme contagieux ' déjà ! , persécutée au quotidien par tous les antisémites du village .



Or, un jour de 1944 , au lendemain de Pâques , les juifs de Tsiszabercel furent brutalement réveillés dès l'aube , jetés sauvagement hors de chez eux, : «  L'enfant le plus petit pleurait——— désespéré , et ces pleurs contenaient une douleur pure , universelle . Une douleur et un cri pareils à ceux des cochons de Noël sous les longs coutelas » .



Edith conte sa malheureuse survie : le train , Auschwitz, où l'on marchait sur les cendres » , puis les camps successifs : Dachau, Kaufermg, le Landsberg, Bergen - Belsen . …..

Elle avait treize ans seulement lorsque le camp fut découvert , quand elle rencontre enfin le monde des vivants! .



À dix - sept ans , elle tenta de s'implanter en Israël , vingt - deux ans lorsque , après plusieurs années d'errance : séjours à Budapest , Bratislava, Haïfa, Athènes , elle choisit l'Italie et sa langue, «  ..Alors, je me réconciliais presque avec la vie , pas la mienne, mais avec le soleil et la mer » .

Elle s'installe alors à Rome, raconte l'enfance , la déportation , toutes les séquelles morales et physiques «  Je voudrais dire , je voudrais dire encore , je voudrais parler de l'inutilité de dire » …



Nostalgie douloureuse de la petite fille aux pieds nus, devoir de mémoire , message d'espoir , questions à Dieu , récit afin d'éclairer encore quelques jeunes consciences dans les écoles , comme elle l'a écrit, pardon du mal en qualité de témoin, expérience depuis une vie entière …

Récit chargé de douleurs et d’espoir, de faim , d’inhumanité, de pleurs, de survie , de mémoire vive à l'image de son ami Primo Levi , que je ne suis pas prête d’oublier.

Un ouvrage acheté hier que chacun devrait lire, peut - être .

«  Dans cet endroit , on apprenait tout sur l’homme et le monde » .





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Le pain perdu

Ce n'est bien évidemment pas le premier livre que je dis sur la déportation mais à chaque fois il y a ce même effarement devant les faits.

Dans ce récit autobiographique Edith Bruck, née en 32 ans en Hongrie s'est sentie le devoir de relater sa vie et celle des siens.

Quelle femme !! Après avoir été arrêtée et enfermée dans un ghetto en 44, elle n'a que douze ans, elle va être déportée à Auschwitz avec sa sœur mais ne verra plus jamais ses parents.

Elles feront toutes deux plusieurs camps et arriveront à s'en sortir. La vie ne sera pas simple par la suite non plus.

Sa force de caractère va la conduire à vivre en Israël en Grèce en Turquie et enfin en Italie, pays où elle se sent enfin chez elle et y vit encore aujourd'hui.

Je suis vraiment admirative devant tant de courage et de détermination.

Écrire est pour elle nécessaire, c'est un devoir. Elle écrit donc sans fioritures, sans rechercher la plainte, les larmes, l'émotion, elle écrit avec force. Sa plume transpire le courage, la détermination.

La lettre qu'elle adresse à Dieu à la fin de ce récit est extrêmement percutante et ne peut que susciter réflexion au plus croyant des hommes.
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Le pain perdu

Je ne comprends pas comment ce livre m’avait échappé. Mais on me l’a offert, c’est ce qui importe.



La première partie, « La petite fille aux pieds nus », suscite un maelstrom d’émotions. La petite fille aux pieds nus est absolument adorable : fine, vive, enjouée, heureuse de vivre, heureuse de sa famille, aimant l’école, adorant sa mère. Cette enfant pleine de bonheur va se cogner à l’antisémitisme, va devoir apprendre, sans comprendre, ce que c’est d’être juive, en Hongrie, en 1944. L’infernale injustice de cet apprentissage imposé à une petite fille, la brutalité aussi grande de l’impuissance de ses parents à expliquer cette situation et à en protéger leurs enfants, révoltent et soulèvent le cœur.

Tant que l’enfant pourra conserver un peu d’innocence, d’ignorance, l’auteur l’évoquera à la troisième personne, sous le diminutif de Ditke.



Mais Edith Bruck, si elle a pu préserver les souvenirs heureux d’enfance de Ditke, retrouve le « je » avec la mémoire de l’arrestation qui les conduit, elle et toute sa famille, dans le ghetto : « Je devins soudain adulte quand notre triste caravane de chariots tirés par des chevaux arriva à la gare, après avoir traversé le village. » La fracture qui massacre son enfance, Edith Bruck, en reprenant la parole, la date très précisément de ce jour-là, en mai 1944. Elle avait treize ans.



Elle a intitulé le deuxième chapitre du livre « 11152 », numéro qui lui a été attribué à son arrivée à Auschwitz où elle va survivre avec sa sœur Edit.

Une quarantaine de pages seulement, mais essentielles, pour évoquer les mois dans ce camp, puis à Dachau. « On aurait dit que le soleil s‘était éteint à jamais et que le mois des morts avait dévoré les vies ». Et après une marche de la mort, à Bergen Belsen où elle sera libérée le 15 avril 1945.



Commence alors une vie vagabonde, indépendante, souvent solitaire, d’expédients et de tâtonnements. Edith Bruck sait déjà qu’elle veut écrire, elle le savait avant même d’être déportée. Elle ne trouvera sa langue et son pays de prédilection qu’en arrivant en Italie, en 1954.



J’ai trouvé cette dernière partie un peu brouillonne, les évènements survolés sans qu’on comprenne bien leur enchaînement. Peut-être est-ce en raison de l’urgence, puisqu’elle a écrit ce texte à l’âge de 90 ans, et qu’elle souhaitait absolument l’achever.



Mais elle avait écrit, avec « « La petite fille aux pieds nus » et « 11152 », ce qui fait que ce livre est aussi indispensable que ceux de Charlotte Delbo ou Primo Levi.

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Le pain perdu

Moins connu que l’œuvre de son compatriote Primo Lévi, le récit d’Édith Bruck met l’accent sur l’une des plus grandes épreuves des rescapés de la Shoah : le retour parmi les vivants. Entre l’impossibilité de communiquer l’indicible et le dégoût que son malheur suscite, Édith choisira la fuite en avant, sauvée par sa beauté et son insatiable envie de témoigner (« Raconte-le, on ne nous croira pas, raconte-le, si tu survis, fais-le pour nous aussi », imploraient les mourants).

La stupeur, la cruauté, le voyage en train, l’attribution d’un numéro (11152), l’impensable tri, la survie dans les camps, la mort qui rôde, la question du mal (« Et comme le mal engendre le mal, de même du bien naît le bien »), les miracles d’humanité (p73)… On a beau avoir lu et relu Semprun, Kertész, Wiesel, Merle ou Spiegelman, on ne pourra jamais s’y habituer. À chaque fois cette question revient, dérangeante : comment des hommes ont-ils pu infliger un tel supplice à d’autres hommes ?

Édith Bruck n’apporte pas de réponse mais sa lettre à Dieu m’a laissée sans voix : « Nous n’avons, nous, ni Purgatoire ni Paradis, mais l’Enfer, je l’ai connu, où le doigt de Mengele indiquait la gauche qui était le feu et la droite qui était l’agonie du travail forcé, les expérimentations et la mort de faim et de froid ». Un peu plus loin, elle interroge le soi-disant tout puissant : « Pourquoi n’as-Tu pas brisé ce doigt ? Dans la Chapelle Sixtine Tu tends le Tien vers Adam – homme en hébreu – sans l’effleurer comme ce médecin qui était le Oui et le Non en prenant Ta place. Tu as permis qu’il Te remplace ! »

On lui demande souvent si elle hait ses tortionnaires. Elle répond qu’elle éprouve de la « pitié, oui, envers n’importe qui, haine jamais, c’est pour ça que je suis saine et sauve (…) »

Bilan : 🌹🌹

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La voix de la vie

💕Chronique💕



Qu’est-ce qui nous arrive?

qu’est-ce qui nous arrive

quand on écoute La voix de la vie



Que faisons-nous du silence, des équivoques

Des émotions qui nous traversent

Que faisons-nous de l’absence

De la musique d’un tatouage

Des graines et des névroses

Qui nous occupent l’esprit



J’imagine que nous cherchons

Dans la poésie, les réponses

Le début d’un mot, la fin de

Toute chose, et nous laissons

Le stylo libre de repartir en survie



Seulement, seulement, seulement

Je suis seule à lire ce recueil

Je n’ai même pas de chats

Et l’hypersensibilité voit son

Baromètre briser la mesure

La solitude et les questionnements

Sont si profonds que je m’y jette

À cœur perdu

Mais comment fais-tu Edith Bruck

Pour aimer encore aimer si fort

aimer par-dessus la souffrance



Qu’avons-nous fait

De nos plaies ouvertes

De nos mémoires

De nos corps

De notre foi

De nos amitiés

De nos morts



Est-ce que nous avons réfléchi

À nos passés, à nos drames,

À notre genre, à notre souvenir

À nos futurs, à nos croyances



Seulement seulement seulement

Des poèmes à te vriller les tripes

Des poèmes qui réparent les malheurs

Des poèmes tout doux, des poèmes chouchous, des poèmes échappatoires

Des poèmes indulgents, des poèmes-vie

Des poèmes qui ouvrent des portes

Pour que nous puissions aller, venir

Rester, trembler, rire, pleurer, chanter

Des poèmes à faire résonner toujours

Avec ce qu’il nous est de plus fondamental

La Voix de la vie



Crois-moi

C’est beau.

C’est fou ce qu’une vie peut

Donner, apprendre, reprendre

Quatre-vingt dix ans de vie

De femme

Et d’écrits poétiques

C’est ça qui nous arrive

À la fin,

Le coup de cœur espéré.


Lien : https://fairystelphique.word..
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Le pain perdu

Ces pains allaient enfin être enfournés

pour régaler et assouvir la faim

de cette famille nombreuse....

Quand les gendarmes sont arrivés.

ils ont embarqué parents et enfants.

Des juifs isolés puis exclus

de la vie de leur bourg hongrois .

C'est la petite de 11 ans qui nous

raconte leur voyage vers l'enfer des camps.

La mère qui regrette amèrement ces pains

perdus qu'elle ne partagera jamais avec les siens

part en fumée la première ...

Sans jamais baisser la tête ni les bras,

Ditke avance donc, au milieu des fantômes,

des SS, des kapos, des chiens et des matraques.

Sa soeur aînée l'épaule et la soutient.

L'évacuation des camps ...

Quel avenir s'inventer? Ou aller?



Édith Bruck nous confie son chemin miné

de bombes en tous genres

mais surtout, son incroyable résilience !

La langue est belle, imagée et sobre

soucieuse de retranscrire au plus juste

la réalité de son vécu.



La vitalité et l'énergie d'Edith Bruck

font de ce récit un hymne à la Vie.













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Le pain perdu

Vous allez certainement trouver le rapprochement que je vais faire un peu bizarre, incongru voire totalement déplacé, mais tant pis, j’ose, parce que dans les deux cas, c’est la vie qui parle, qui palpite, l’énergie qui est là, la détermination, l’ardeur qui dominent. Est-ce parce que je venais de finir le tome 2 du journal de Deborah Levy publié aux Éditions du sous-sol ? En tout cas, j’ai eu l’impression d’un lien, étrange certes car les deux textes n’ont rien à voir, mais d’une parenté tout de même, dans le ton notamment mais aussi dans le dynamisme du récit, le recours à la puissance du détail qui en dit beaucoup, l’insatiable recherche de la liberté, la dimension féministe omniprésente… J’avais parfois l’impression étrange que c’était Deborah Levy qui témoignait de la déportation. Il y a chez ces deux femmes, au-delà de vies et d’expériences complètement différentes, des points communs dans la personnalité qui se traduisent par un style parfois assez proche: des mots directs, crus, sans métaphore et une vitalité, une volonté, une force que l’on sent dans chaque phrase. J’imagine que cet étrange rapprochement n’a pour origine qu’une forme de collision temporelle de lecture entre deux oeuvres mais en moi, ces deux femmes resteront étonnamment liées à jamais. Revenons, après cette étrange expérience, au terrible destin d’Edith Bruck. Elle naît le 3 mai 1931 dans le petit village hongrois de Tiszabercel : elle est l’aînée d’une famille pauvre de six enfants et c’est à l’âge de 13 ans, en 44, qu’elle est déportée, enfermée tout d’abord dans le ghetto de Sátoraljaújhely puis à Auschwitz où elle devient le numéro 11152.

Ce qu’elle se rappelle du jour où tous les juifs du village ont été rassemblés autour de la synagogue, ce sont les cris de sa mère qui hurlait parce que le pain allait être perdu. Ce pain qui avait gonflé et qui était prêt à cuire dès l’aube. Ces cris… (ils me rappellent ceux du boulanger d’Oradour qui se lamentait pour les mêmes raisons…) Ils me feraient pleurer ces cris d’hommes et de femmes qui n’imaginent pas une seconde ce qui va leur arriver. Terribles...

Puis le train, les wagons à bestiaux, avec un seau pour les besoins. La violence quotidienne des nazis, l’absence de nourriture et toujours les paroles tragiques de la mère : « Rappelez-vous, nous dit maman, le bien existe, les saints existent, Dieu existe... » Le discours direct, très présent dans l’oeuvre, restitue pleinement la voix des morts et il y a une sorte de décalage étrange entre ces voix vivantes qui apportent beaucoup d’énergie et de vivacité au récit et l’omniprésence de la mort. Oui, « Le Pain perdu » est un texte vivant sur la mort, un texte qui combat la mort par son énergie, sa vigueur, toute la vie dont il témoigne. Le contraste est saisissant d’autant que l’on a le sentiment au début que tout est perçu du point de vue de l’enfant qui s’attache aux plus petits détails pour tenter de comprendre ce qui a lieu. Il y a par exemple l’épisode de la Polonaise qui dit à l’enfant : «  - Viens, je vais te montrer où est ta mère ! … Tu vois cette fumée ? … Tu sens cette puanteur de chair humaine ? Ta mère était grosse ? Alors elle est devenue du savon comme la mienne. » Les camps de travail et d’extermination se succèdent : Auschwitz (où elle sera séparée de ses parents), Dachau, Kaufering, Landsberg, Bergen-Belsen, les marches forcées… La faim, les poux, le froid, les maladies, les suicides contre le fil barbelé et électrifié. Elle se retrouve seule avec une sœur aînée. Il faut tenir, lutter contre l’épuisement. « Est-ce que c’était trois mois ou trois années qui étaient passés ? Chaque jour, à chaque heure, à chaque minute on mourait. » « Nous n’avions plus grand-chose d’humain. » Des hommes qu’on laisse mourir, nus, sur le sol, c’est ce que l’enfant voit. L’un deux lui souffle ces mots : « Raconte-le, on ne nous croira pas, raconte-le, si tu survis, fais-le pour nous aussi. » Jusqu’au matin où personne ne vient faire l’appel, d’autres soldats arrivent, avec d’autres uniformes. « Away, away » crient-ils effrayés par ce qu’ils découvrent. Puis, il faut tenter de retrouver les siens. Et aller quelque part. Mais où ? Comment vivre « égarées dans le monde des vivants » ? S’ensuivent une errance, une recherche de lieu où se poser pour écrire… Des tensions naissent entre les membres de la famille. L’Allemagne, la France, Israël... Edith Bruck a du caractère, elle sait ce qu’elle veut et surtout ce qu’elle ne veut pas : la collectivité, la discipline militaire par exemple. C’est l’Italie qui sera la terre d’accueil et la langue du témoignage. « Il faudrait trouver des mots nouveaux, y compris pour raconter Auschwitz, une langue nouvelle, une langue qui blesse moins que la mienne, maternelle. » Ce sera l’italien.

« Le pain perdu » s’achève sur une « Lettre à Dieu » extrêmement touchante : « Je T’écris à Toi qui ne liras jamais mes gribouillis, ne répondras jamais à mes questions, à mes pensées ruminées pendant toute une vie. » Insupportable silence. Immense solitude.

C’est à la fin de sa vie qu’Edith Bruck écrit ce texte : la mémoire commence à lui faire défaut et sa vue est touchée par une dégénérescence maculaire. Elle doit témoigner de « l’invraisemblable », dire ce « conte dans la forêt obscure du XXe siècle », raconter au plus vite parce qu’il y a cette « ombre » qui plane encore et toujours sur le troisième millénaire.

Un texte bouleversant.
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Le pain perdu

Édith Bruck est née en Hongrie, et a vécu en Italie la plus grande partie de sa vie.

Le pain perdu, c'est celui que la famille n'a jamais pu manger car les soldats sont arrivés pour leur faire prendre le train qui devait les emmener dans le camp de concentration.

Le pain perdu, c'est la famille disloquée, la mère qui part à gauche, là où est le feu, les filles à droite, et Édith qui s'accroche à sa mère mais que le soldat fait changer de file, Édith qui ne finira pas dans la fumée du camp comme tant d'autres femmes, enfants, vieillards, hommes, arrivés là en même temps, avant ou après elle.



C'est une enfant née le 3 mai 1931 dans une famille juive pauvre, l'enfance heureuse d'une fillette qui travaille bien à l'école ; ce sont les premières manifestations de racisme contre les juifs dans son petit village de Tiszabercel, près de la frontière ukrainienne, un village jusque là plutôt tranquille ; puis a 13 ans en avril 1944, c'est la déportation, le matricule 11152, BirkenaAuschwitz, Kaufering, Dachau, Bergen-Belsen, les camps d'extermination, les privations, la faim, l'épuisement, les morts, les longues marches dans le froid ; la libération en 1945 ; l'exil en Israël, et toujours, ensuite, tenter de vivre après ça.



C'est n'avoir aucun mot pour dire, pas d'échange possible avec ceux qui n'ont pas connu cette horreur, et tant de questions, tant de pourquoi, tant de douleur. C'est le rêve fou d'aller en Israël, la désillusion, puis la vie en Italie, et les mots, toujours, pour dire.

C'est un récit autobiographique à la lecture nécessaire, douloureuse, indispensable. le témoignage des survivants, ceux qui bientôt ne seront plus là, ceux qui encore peuvent nous dire, à nous les générations suivantes ce que fut le mal absolu.



On ne peut que penser aux témoignages de Primo Levi, Marceline Loridan, Charlotte Delbo et tant d'autres en lisant ce livre qui se termine sur une lettre à Dieu, mais quel Dieu, celui qui a laissé faire tout cela ? le pain perdu, à faire lire, encore et encore, pour ne jamais oublier.


Lien : https://domiclire.wordpress...
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Pourquoi aurais-je survécu ?

" Naître par hasard

naître femme

naître pauvre

naître juive

c'est trop

en une seule vie."



" Pourquoi aurais-je survécu ? " est un saisissant recueil de poésie regroupant quelques-uns des textes d'Edith Bruck écrits entre 1975 et 1990. L'auteure, originaire du village Tiszabercel (Hongrie), a 13 ans lorsqu'elle est déportée à Auschwitz avec l'ensemble de sa famille. Survivante des camps de la mort, elle s'installera à la fin des années cinquante en Italie où elle deviendra écrivaine, scénariste et poétesse.



Les vers ci-dessus suffiraient presque à eux seuls à décrire le trouble suscité par la lecture de ce recueil. Il se présente comme une suite de réflexions, de rêveries, de souvenirs, tous d'origine autobiographique.

Dans des textes assez courts pour la plupart, ce qui marque avant tout dans l'écriture d'Edith Bruck, c'est la légèreté narrative, la simplicité des mots dont elle use pour rendre compte du tragique. Chez elle pas d'obscurité allusive, pas d'exercice de formalisme. Pour l'écrivaine, il s'agit avant tout d'isoler un souvenir ou une scène, d'établir autour de lui un cadre poétique, une narration pure qui puisse toucher au plus près, un récit qui puisse créer une dimension qui soit la plus essentielle, la plus déterminante.



" Te nommer

te diminue

même le nom de Dieu

n'a pas tenu

je pourrais t'appeler

d'un nom jamais donné

comme un lieu jamais vu

je pourrais t'appeler

d'un nom encore à inventer."



Il fallut à Edith Bruck pour écrire une langue qui ne soit pas celle de ses origines (hongroise et juive), pas celle de ses tortionnaires, une langue nouvelle qui puisse accueillir ses silences, sa douleur, son espoir aussi. Il lui fallut aussi la poésie, «cette folie des purs, des innocents » pour rendre compte de la barbarie, de l'indicible.

La présence de sa mère disparue revient souvent comme celle de tous les siens, de celui qui fut son compagnon (Nelo Risi) ou encore de son ami Primo Levi. de Dieu aussi, de son silence.



Dans des textes tous remarquables, avec une infinie pudeur, Edith Bruck parle du temps et des êtres disparus, de ce qui ne reviendra plus, de ses doutes sur ses contemporains prompts à vivre le seul présent, sans jeter un seul regard sur le passé, de cette solitude qui au fond n'épargne personne.



" Il semble que j'existe

les gens me sourient

m'appellent d'un nom

qui n'est pas le mien

on me regarde

on comprend quand j'ouvre la bouche

dans une langue

qui n'est pas la mienne

on me parle

on dit des choses

sur moi

et on me connaît pas

sur mon passeport

je suis mariée

mais je vis seule

j'ai une adresse

et j'aurai une sépulture

dans un endroit où il n'y a pas de tombe

sur laquelle pleurer

il semble que j'existe

je travaille je respire

j'entends que le concierge

me dit bonjour. "
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La voix de la vie

Après la saisissante lecture de Pourquoi aurais-je survécu, j'ai voulu revenir vers l'oeuvre poétique très singulière d'Edith Bruck, au travers, cette fois-ci, de la voix de la vie, un ouvrage qui regroupe cinq de ses recueils publiés entre 1975 et 2021.



Dès les premières pages, j'ai retrouvé la même empreinte narrative, le même usage de mots simples, la même conviction, pour évoquer des sujets touchant à l'intime, à son histoire, la terrible épreuve du camp d'Auschwitz et le retour à la vie, à ce temps qui s'écoule malgré tout, malgré elle.



« Pour une fois, cette fois-ci, regarde-toi

dans le miroir !

Tu as deux yeux qui reflètent des horreurs

deux oreilles chargées de plaintes

un nez ambigu qui flaire les secrets

une bouche qui derrière des sourires

et des paroles faciles

révèle un esprit qui a vécu

et l'âme d'un papillon,

tu as deux épaules obstinées

lourdes d'un passé

qui pèse sur un coeur désarmé,

tu as un estomac gonflé de colère

les boyaux infectés de choses jamais digérées

apprends à jouer

marche, feins, cours ! »



Poésie en vers libres, sans rimes, il y a toujours dans l'écriture d'Edith Bruck, un fait déterminant, une vérité qui émerge, qui alterne entre douceur et âpreté, un récit qui fait corps, qui donne souffle à la part la plus essentielle d'elle-même, à son histoire, à son vécu.

L'amour, la maternité, l'enfance, la sensualité, le corps tout entier aimant, les êtres aimés (ses parents), le corps souffrant, la vieillesse, la solitude indélébile, la mort, ce retour à soi, l'espoir toujours, le souvenir qui toujours mène à l'écriture.



« Ses frêles os m'émeuvent

ses pas m'attendrissent

comme s'ils appartenaient à un enfant

jamais né

à un père revenu. »



Comme en surimpression, l'émotion, la sensibilité des mots et des images traversent les pages du recueil, les poèmes font à eux-seuls le portrait d'une écrivaine touchée à jamais par le souvenir, la douleur mais aussi par l'envie d'être, de demeurer. Tout simplement.



« Autour de moi

il y a tout,

ce n'est pas grand-chose

mais pour quelqu'un comme moi

mis à l'épreuve

c'est suffisant

pour comprendre

que le plus important a été vécu

et que le renoncement

ne naît pas du néant. »



.
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