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Citations de Edith Bruck (123)


« Voilà, me disais-je, c’est mon pays. » Le mot « patrie », je ne l’ai jamais prononcé : au nom de la patrie, les peuples commettent toutes sortes d’infamie. J’abolirais le mot « patrie », comme tant d’autres mots et expressions : « mon », « tais-toi », « obéir », « la loi est la même pour tous », « nationalisme », « racisme », « guerre » et presque aussi le mot « amour », privé de toute substance.
(page 138)
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En fille adoptive de l’Italie, qui m’a donné beaucoup plus que le pain quotidien, et je ne peux que lui en être reconnaissante, je suis aujourd’hui profondément troublée pour mon pays et pour l’Europe, où souffle un vent pollué par de nouveaux fascismes, racismes, nationalismes, antisémitismes, que je ressens doublement : des plantes vénéneuses qui n’ont jamais été éradiquées et où poussent de nouvelles branches, des feuilles que le peuple dupé mange, en écoutant les voix qui hurlent en son nom, affamé qu’il est d’identité forte, revendiquée à cor et à cri, italianité pure, blanche… Quelle tristesse, quel danger !
(page 156)
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Papa et maman ont vieilli d’un coup, à quarante-huit ans. Et nous, leurs enfants, nous étions du même coup devenus les parents de nos parents.
(page 46)
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Mes tresses retombaient avec les rubans et on m’a rasée, désinfectée, rhabillée avec un long tablier gris, des sabots en bois aux pieds et on m’a accroché une pancarte avec un numéro : 11152, qui serait désormais mon nom.
(page 52)
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- Viens, je vais te montrer où est ta mère !
Je sautais à terre et je la suivis en courant à l’extérieur, jusque devant l’entrée de la baraque.
- Tu vois cette fumée ? me demanda-t-elle en m’indiquant un endroit au-delà des nombreux blocs.
- Oui.
- Tu sens cette puanteur de chair humaine ?
- Mais…
- Ta mère était grosse ?
- Un peu…
- Alors elle est devenue du savon comme la mienne !
(page 53)
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- Il n’aurait manqué plus que ça, que tu ne sois pas récompensée ! Tu ne fais que réciter des poésies, au lieu des prières ! marmonnait sa mère, mais avec un regard bienveillant et un sourire tout juste esquissé, capable de changer son expression sévère en une douceur magique qui lui rendait beauté et jeunesse.
(page 12)
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Nous n’avons jamais connu, nous, ni Purgatoire, ni Paradis, mais l’Enfer, je l’ai connu, où le doigt de Mengele indiquait la gauche qui était le feu et la droite qui était l’agonie du travail forcé, les expérimentations et la mort de faim et de froid.
(page 163)
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Depuis sa toute petite enfance, elle rejetait tout ce qui pouvait la faire trop souffrir, elle ne voulait ni le sentir, ni le voir, peu lui importait qu’on la juge superficielle et insuffisamment préparée aux petites ou grandes adversités de la vie. Elle jouait. Elle étudiait. Elle imaginait un avenir d’adulte heureuse, riche, en mesure d’aider ses parents : avant tout, remplacer les dents manquantes de maman, soigner les douleurs osseuses que papa devait à la guerre, et payer l’opération de l’appendicite pour son frère tout pâle que le médecin du village ne venait pas ausculter.
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Pour la première fois, je me suis trouvée bien tout de suite, après mon long et triste pèlerinage. « Voilà, me disais-je, c’est mon pays. » Le mot « patrie », je ne l’ai jamais prononcé : au nom de de la patrie, les peuples commettent toutes sortes d’infamie. J’abolirais le mot « patrie », comme tant d’autres mots et expressions : « mon », « tais-toi », « obéir », « la loi est la même pour tous », « nationalisme », « racisme », « guerre » et presque aussi le mot « amour », privé de toute substance.
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- Bon voyage ! hurlait avec un rictus sarcastique un soldat hongrois en nous jetant un seau pour nos besoins et en levant son bras libre pour exécuter le salut fasciste, il ferma la porte coulissante et le bruit de la barre métallique extérieure était assourdissant.
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Les Juifs allaient à la synagogue la tête baissée, ils rasaient les murs comme des voleurs ou des clandestins. Parfois, les jeunes leur tiraient la barbe ou les envoyaient dans les fossés.
(page 26)
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- Maman, qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi ils ne veulent pas de nous ? Nous aussi, on est Hongrois, non ?
- Pour eux, non. Rien que des Juifs. Nous sommes juifs. Notre patrie, notre Terre promise, c’est la Palestine, affirmait la mère, en prenant le ton d’une conteuse.
(pages 22-23)
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En fille adoptive de l’Italie, qui m’a donné beaucoup plus que le pain quotidien, et je ne peux que lui en être reconnaissante, je suis aujourd’hui profondément troublée pour mon pays et pour l’Europe, où souffle un vent pollué par de nouveaux fascismes, racismes, nationalismes, antisémitismes, que je ressens doublement : des plantes vénéneuses qui n’ont jamais été éradiquées et où poussent de nouvelles branches, des feuilles que le peuple dupé mange, en écoutant les voix qui hurlent en son nom, affamé qu’il est d’identité forte, revendiquée à cor et à cri, italianité pure, blanche… Quelle tristesse, quel danger !
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- Ça valait la peine d’être sauvées.
- Je n’en sais rien. Vivons, nous verrons en vivant. Nos vrais frères et sœurs sont ceux des camps. Les autres ne nous comprennent pas, ils pensent que notre faim, nos souffrances équivalent aux leurs. Ils ne veulent pas nous écouter : c’est pour ça que je parlerai au papier.
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« Marsch ! Laufen schnell ! » Ils nous pressaient inutilement : nous étions des sortes d’épouvantails, flottant dans nos haillons, le visage creusé, livide, nos genoux, nos chevilles, nos pieds crevassés d’engelures.
(page 67)
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Il restait encore une semaine de mai, période que j’aimais pour le parfum du lilas que je volais aux arbres, et à la place de l’arrivée libératrice des Russes que mon père avait annoncée, le ghetto fut envahi par des bandes de corbeaux noirs, armés, d’apparence humaine.
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Père

Petite
je n’ai vu que tes pieds nus
que je lavais heureuse
ton torse d’adolescent
que je caressais avec le savon
fait par maman.
Entièrement dénudé,
je ne t’ai pas reconnu
dans le lieu où les yeux
étaient aveuglés par l’horreur
des non-hommes en uniformes
qui aboyaient
comme leurs chiens féroces
et au milieu des bousculades violentes
l’une à droite
l’autre à gauche
inconscients de la différence
moi avec maman
à gauche dans le feu
toi à droite
avec ton fils aîné
vous avez disparu en un instant
alors qu’un sélectionneur
avec force coups de pied
m’a poussée
parmi les femmes destinées
aux travaux forcés, comme toi, père.
Et avais-tu enduré presque jusqu’à la fin
les immenses souffrances
pour être traîné
par ton fils
au sommet de la tente de la mort ?
Ton existence
a toujours été dure
la vie te devait la vie !
Elle est toujours restée ta débitrice.
Ni maman ni toi
ne m’avez offert la possibilité
de vous donner ce
que vous aimiez tant
à toi papa une mer de poissons,
à toi maman un jardin d’oranges !
Que moi, par deuil éternel,
pendant un demi-siècle,
je n’ai pas mangées
et aujourd’hui encore
elles me restent en travers de la gorge.
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Judit et moi échangions des propos muets, comme pour exprimer qu’entre nous et ceux qui n’avaient pas vécu nos expériences s’était ouvert un abîme, que nous étions différentes, d’une autre espèce. Que se passait-il ? Notre restant de vie n’était plus qu’un poids, alors que nous avions espéré un monde qui nous aurait attendues, qui se serait agenouillé devant nous.
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Naples me parut une ville vociférante, pauvre, riche, dépravée, humaine et insistante. Sur les marchés, on voulait nous vendre, nous imposer la marchandise ou les santons de la crèche : on nous mettait sous le nez les bergers, l’Enfant Jésus, la Vierge, les anges, Totò, le trio De Filippo, et les cornes porte-bonheurs. Se libérer du marchand n’était pas chose facile. Dans cette ville aristocratique et bruyante, le baise-main n’était pas rare et l’imagination, tout comme la chanson, faisait partie du décor.
(pages 140-141)
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PEUT-ÊTRE

les hommes qui comptent
dans la vie
ne sont qu'un
le père disparu.
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